Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Schrödinger (Erwin)

Physicien autrichien (Vienne 1887 - id. 1961).


Schrödinger commence ses études, comme élève de Friedrich Hasenöhrl (1874-1915), dans sa ville natale et les poursuit à l’université d’Iéna, où il devient l’assistant de Max Wien (1866-1938). Il est nommé professeur à la Haute École technique de Stuttgart (1920), à l’université de Breslau (1921), puis, la même année, à Zurich. En 1927, il succède à Max Planck* à l’université de Berlin.

Lors de l’arrivée au pouvoir du national-socialisme, il doit, en tant qu’israélite, s’expatrier. Il accepte en 1933 une chaire qu’on lui offre à l’université d’Oxford, puis, après un passage à Graz (1936-1938), il devient en 1940 professeur de physique théorique à Dublin, à l’Institut des hautes études de l’État libre d’Irlande. C’est seulement en 1956 qu’il retourne à Vienne pour y professer.

Ses premiers travaux portent sur l’étude physiologique des couleurs et la théorie des quanta. Mais, comme il l’a dit lui-même, c’est essentiellement à Louis de Broglie* qu’il doit sa carrière. Il est en effet l’un des principaux artisans de la mécanique* ondulatoire — que vient de créer le savant français — dans l’application qu’il en fait à la structure de l’atome. Il approfondit le parallélisme entre l’aspect ondulatoire et l’aspect corpusculaire des phénomènes, tant pour la matière que pour la lumière. Il montre l’identité de cette mécanique ondulatoire, qu’il développe, avec la mécanique matricielle de Werner Heisenberg*, en dépit de méthodes de calcul foncièrement différentes. En établissant en 1926 l’équation de propagation qui porte son nom — et qui permet de calculer la « fonction d’onde » d’une particule se déplaçant dans un champ donné —, il fonde les méthodes actuelles de la mécanique quantique.

L’équation de Schrödinger est devenue en effet l’outil principal de cette mécanique. Elle a permis de préciser la position des raies spectrales d’un élément, d’expliquer l’effet Zeeman, l’effet Stark, la loi de Dulong et Petit, l’existence du point de Curie, celle des deux formes allotropiques de l’hydrogène, l’émission d’ondes électromagnétiques par l’hydrogène interstellaire...

L’œuvre principale de Schrödinger est Wellenmechanik (1927), traduite sous le titre Mémoires sur la mécanique ondulatoire (1938). Schrödinger a tenté d’appliquer cette mécanique aux phénomènes biologiques et à la génétique dans What is Life (1944), Science and Humanism (1951). Il a partagé avec Dirac* le prix Nobel de physique pour 1933.

R. T.

Schubert (Franz Peter)

Compositeur autrichien (Liechtental, Vienne, 1797 - Vienne 1828).


Douzième enfant d’une famille paysanne, Schubert apprend le violon avec son père, qui est maître d’école, et le piano avec son frère aîné, Ignaz. À partir de 1804, il est l’élève de Michael Holzer, chef du chœur de l’église paroissiale. Il est admis en 1808, après un brillant examen, comme chanteur à la chapelle impériale et devient, de droit, interne au Stadtkonvikt, institution où il reçoit gratuitement une instruction générale. La discipline du collège lui est bientôt insupportable ; mais Schubert trouve une compensation dans les activités musicales. Il est nommé premier violon de l’orchestre et participe aux concerts privés. Il se lie d’amitié avec le Konzertmeister Joseph von Spaun et étudie le piano avec l’organiste de la Cour, Wenzel Ruczicka. Dès 1810, il commence à composer ; il entre alors en conflit avec son père, qui s’oppose vainement à sa vocation musicale. Alors qu’il est encore au collège, en 1813, il travaille la composition avec Antonio Salieri (1750-1825), maître incontesté de l’opera buffa à Vienne. L’influence de l’artiste italien n’est pas bénéfique ; plus tard, Schubert, qui a de l’affection pour son maître, s’entêtera à écrire de la musique dramatique, pour laquelle il n’a aucune disposition, alors que, depuis sa prime jeunesse, il est attiré vers le lied. À l’automne de 1813, il quitte volontairement le Konvikt, après avoir dédié à son directeur sa 1re symphonie, en majeur.

À peine a-t-il le temps de savourer sa liberté qu’une autre menace pèse sur lui : il doit satisfaire à ses obligations militaires durant quatorze années ou choisir le métier d’enseignant, qui lui permet d’échapper au recrutement. Sans hésiter, il suit les classes préparatoires à l’École normale et obtient en août 1814 un diplôme de sous-maître d’école ; il se résigne à prendre du service chez son père. Mais, assoiffé d’indépendance, il songe à remporter rapidement un succès musical décisif qui le libérera de sa charge. Il écrit durant l’année scolaire un opéra, Des Teufels Lustschloss (le Château du diable), qui n’est pas représenté, puis un quatuor en si bémol majeur, une messe en ut majeur (chantée à l’église de Liechtental) et une véritable moisson de lieder, dont la célèbre Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet) de Goethe. Il a dix-sept ans. En octobre, il prend ses fonctions d’instituteur auxiliaire. C’est alors qu’il aime une jeune fille, Thérèse Grob, l’une des solistes de sa messe en ut majeur. Ses amis s’efforcent de le détourner de cette inclination, à laquelle il ne renoncera que trois ans plus tard. Plus heureux en amitié, Schubert attire autour de lui un cercle de jeunes hommes qui, outre Spaun et d’autres musiciens, compte des poètes comme Johann Senn, Johann Mayrhofer, Albert Stadler et bientôt Franz von Schober. Ce groupe, qui ne cessera de croître, constituera plus tard sa vraie famille. On se retrouvera pour faire de la musique, on devisera au café ou à l’auberge et l’on organisera de folles randonnées en voiture dans la campagne viennoise, réunions joyeuses connues sous le nom de « Schubertiades ».

Mais, en 1815, Schubert est toujours maître d’école. Cette année sera cependant l’une des plus fécondes : sous la pression qui accable le musicien, l’inspiration jaillit avec abondance. Hanté par l’opéra, Schubert écrit coup sur coup et sans la moindre commande, deux singspiels, Der vierjährige Posten (Quatre Ans de faction) et Fernando, un opéra sur un texte de Goethe, Claudine von Villa Bella, et une opérette comique, Die Freunde von Salamanka (les Amis de Salamanque). Ces œuvres, vouées à l’échec, sont sans rapport avec ses autres compositions. De nature essentiellement lyrique, Schubert n’est lui-même que lorsqu’il écrit une musique spontanée, sans aucune intention. Dans ses deux premières sonates (mi et ut majeur) de 1815, le piano est déjà pour lui l’instrument de l’intimité, auquel il se confie sans se soucier des auditeurs. Ainsi s’expliquent ces « divines longueurs » que l’on trouvera souvent dans ses grandes œuvres instrumentales, où l’inspiration l’emporte, selon A. Einstein, « loin du monde et de lui-même ». L’année 1815 voit naître aussi un quatuor en sol mineur, deux symphonies (si bémol et majeur), une messe en sol majeur, des chœurs à voix égales et de nombreux lieder sur des poèmes de Matthisson, de Hölty, de Stolberg, de Schiller, de Goethe, de Klopstock, etc. Dans son fameux lied Erlkönig (le Roi des aulnes ou des elfes), Schubert use d’un procédé qui lui est cher : la variation strophique. Dans ces pages, souvent courtes, qui ont fait sa gloire, il conserve toujours un équilibre harmonieux entre le chant et l’accompagnement, qu’il s’agisse d’une grande scène dramatico-lyrique (Vergebliche Liebe [Amour inutile]), d’une peinture impressionniste (Meeresstille [Calme plat]), ou de suggérer l’art populaire (Heidenröslein [Rose des bruyères]).