Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Schönberg (Arnold) (suite)

La quatrième manière de Schönberg, enfin, qui correspond à la « période californienne » de la vie du musicien, est caractérisée par une tentative de retour aux structures tonales. Sans renier le principe de l’écriture sérielle, Schönberg essaie de l’intégrer à une dialectique de type tonal, en une synthèse que son disciple Berg a déjà esquissée dans ses dernières œuvres. Schönberg vieillissant veut parachever l’édifice de la musique tonale qu’il a lui-même détruit : « L’harmonie des Variations sur un récitatif (op. 40, 1941), écrit-il, comble le hiatus entre mes symphonies de chambre et la musique dissonante. »

L’austérité de Schönberg, sa vision très élevée, très exigeante de l’art musical, ont créé autour de son œuvre une légende d’inaccessibilité que les années n’ont pas effacée. Certes, le Schönberg postromantique a trouvé grâce aujourd’hui auprès du public, mais le Schönberg « atonal » est réputé « difficile », et le Schönberg sériel — à l’exception de Moïse et Aaron — presque incompréhensible. Nul ne met en doute la portée de son influence : la musique de l’après-guerre procède directement de l’invention de la série. Mais certains commentateurs avancent que Schönberg n’a été que l’initiateur d’un mouvement, et que Berg et Webern l’ont dépassé dans la réalisation de ses propres idées. D’autres, il est vrai, soutiennent au contraire que Schönberg a dominé son époque et qu’il ne lui manque encore, pour être pleinement reconnu, que d’être pleinement compris.

A. H.

➙ Atonale (musique) / Dodécaphonie ou dodécaphonisme / Sérielle (musique).

 A. Schönberg, Harmonielehre (Vienne, 1911 ; 4e éd., 1956) ; Models for Beginners in Composition (New York, 1942) ; Style and Idea (New York, 1950). / R. Leibowitz, Schönberg et son école, l’étape contemporaine du langage musical (Janin, 1947) ; Introduction à la musique de douze sons (l’Arche, 1949) ; Schönberg (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1969). / H. H. Stuckenschmidt, Arnold Schönberg (Zurich, 1951, 2e éd., 1957 ; trad. fr., Éd. du Rocher, Monaco, 1956).

Les principales œuvres de Schönberg

Musique de chambre

1899, 1917, 1943

Verklärte Nacht (la Nuit transfigurée) ; pour sextuor à cordes, op. 4 ; version pour orchestre à cordes

1904-05

premier quatuor à cordes en mineur, op. 7

1907-08

deuxième quatuor à cordes (avec voix) en fa dièse, op. 10

1927

troisième quatuor à cordes, op. 30

1936

quatrième quatuor à cordes, op. 37

1923

sérénade pour voix et sept instruments, op. 24

1923-24

quintette pour instruments à vent, op. 26

1925

suite pour sept instruments, op. 29

1946

trio à cordes, op. 45

1909

trois pièces pour piano, op. 11

1923

cinq pièces pour piano, op. 23

1928

pièces pour piano, op. 33 a

1931

pièces pour piano, op. 33 b

Musique vocale

1897-1905

mélodies Pour chant et piano, op. 1, 2, 3, 6

1908-09

15 Gedichte aus « Das Buch der hängenden Gärten » (le Livre des Jardins suspendus), mélodies pour chant et piano, op. 15

1911

Herzgewächse, pour voix et instruments, op. 20

1912

Pierrot lunaire, 21 mélodrames pour voix et instruments, op. 21

1942

Ode to Napoleon Buonaparte (Ode à Napoléon), pour récitant et instruments, op. 41

1948

3 Deutsche Volkslieder (3 Volkslieder allemands), op. 49

Musique chorale et dramatique

1900-1911

Gurrelieder, pour soli, chœurs et orchestre

1907

Friede auf Erden (Paix sur terre), pour chœur mixte, op. 13

1908-1913

Die glückliche Hand (la Main heureuse), drame, op. 18

1909

Erwartung (l’Attente), monodrame, op. 17

1928-29

Von Heute auf Morgen (D’aujourd’hui à demain), opéra bouffe, op. 32

1930-31

Moses und Aron (Moïse et Aaron), opéra en trois actes (inachevé)

1938

Kol Nidre, pour récitant, chœur et orchestre, op. 39

1947

A Survivor from Warsaw (Un survivant de Varsovie), pour récitant, chœur et orchestre, op. 46

1949

Drei Mal Tausend Jahre (Trois Fois mille années), pour chœur mixte, op. 50 a

1950

Psaume CXXX, pour chœur mixte, op. 50 b

Musique symphonique

1903

Pelleas und Melisande (Pelléas et Mélisande), poème symphonique, op. 5

1906

Première Symphonie de chambre, op. 9

1909

cinq pièces pour orchestre, op. 16

1926-1928

variations pour orchestre, op. 31

1929-30

musique d’accompagnement pour une scène de film, op. 34

1936

concerto pour violon, op. 36

1941

Variations sur un récitatif, pour orgue, op. 40

1942

concerto pour piano, op. 42

Schongauer (Martin)

Peintre et graveur alsacien (Colmar ? v. 1450 - Vieux-Brisach 1491).


« Le Beau Martin », « beau-à-cause-de-son-art », est un artiste généralement méconnu. Il fut la victime de la destruction de la plus grande partie de son œuvre peint, puis, au xixe s., d’une vogue qui lui fit attribuer toutes sortes de peintures de son époque ; on lui préféra au xxe s., en France du moins, Dürer* ou Grünewald*. Il est cependant la plus brillante liaison entre le gothique tardif et la Renaissance de l’Europe du Nord.

Fils d’un orfèvre originaire d’Augsbourg, il reçoit une solide éducation ; on le trouve inscrit (à quel titre ?) à l’université de Leipzig pendant un semestre. Il étudie la peinture dans l’atelier de Gaspard Isenmann († 1472), à Colmar, et garde pendant quelque temps le goût de Rogier Van der Weyden*, avec qui il a peut-être également travaillé. En tout cas, son grand sérieux et l’épanouissement de son propre style lui permettent d’ouvrir un atelier à Colmar. Sa maîtrise technique, une conception très haute à la fois de son métier et des sujets religieux qu’il représente le classent vite parmi les plus grands.

À une construction peut-être encore primitive de l’espace pictural se superpose un modelé créant des perspectives étrangement vivantes, où le réalisme n’a pour fonction que de souligner la beauté surréelle des visages ; ce n’est pas encore l’époque des Clouet, des Holbein. Il y a dans la Vierge au buisson de roses (1473, église Saint-Martin de Colmar) un point d’équilibre subtil qui, à la fois, représente l’apothéose finale d’une époque et la transcende.