Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Saxe (suite)

Dès la fin du xie s., la maison de Wettin (localité au nord-ouest de Halle, dont le château est construit au xe s. sur une butte de porphyre détient le margraviat de Meissen. Sa puissance provient de la colonisation très intense des terres elbiennes et de l’exploitation de riches gisements d’argent (Freiberg) ; dès cette époque, les fondations de villes se multiplient et l’art roman accompagne la création d’évêchés (Meissen, Naumburg) dès la fin du xe s. Au xiiie s., le margraviat s’étend vers l’est et occupe une bonne partie de la Thuringe. Cette extension de la puissance conduit à de nombreux conflits avec les Empereurs, mais, au xve s., le soutien accordé par les margraves à Sigismond de Luxembourg (1368-1437) dans sa lutte contre les hussites permet d’abord une importante extension vers le sud, jusqu’au pied du versant bohème du Erzgebirge, puis l’acquisition de Saxe-Wittenberg. Les Wettin s’étendent aussi vers le nord (après avoir fait une poussée vers le sud-ouest en annexant le Vogtland de Plauen) et deviennent Électeurs. C’est alors, au début du xve s., que naît une nouvelle Saxe. Un Wettin, le margrave Frédéric le Combattant, prend en effet le titre le plus élevé, celui d’Électeur, et, cette dignité étant liée au nom de « Saxe », ses États prennent ce dernier nom ; cet événement marque une orientation dirigée au-delà de l’Elbe (contemporaine de l’extension de la puissance des Jagellons* de Pologne-Lituanie, qui contiennent, puis repoussent les influences occidentales entre Elbe et Oder et en Bohême).

Le grand siècle saxon est le xvie s., mais cette époque est aussi marquée par de longues luttes fratricides. En effet, le partage de Leipzig en 1485, consacrant le partage de Saxe entre la ligne Albertine (du nom du duc Albert) et la ligne Ernestine (du nom de l’Électeur Ernest), crée des inégalités au profit de cette dernière, qui détient les richesses de Thuringe et la dignité électorale. La ligne Albertine doit se contenter de l’ancien noyau de l’État, le margraviat de Meissen, et du nord de la Thuringe. L’université de Leipzig lui appartient aussi, ce qui amène en 1502 la création par Frédéric III le Sage (de la ligne Ernestine, Électeur de 1486 à 1525) de l’université de Wittenberg (où enseignera Luther*, originaire du comté de Mansfeld, de mouvance Albertine). Le mouvement de Réforme s’explique en partie par cette rivalité entre les deux lignes, qui se prolongera jusqu’au xxe s.

Dès le début du xvie s., le rayonnement intellectuel de la Saxe est tel que, pendant longtemps, la tendance luthérienne de la Réforme portera le nom de « Réforme saxonne », et, vers la fin du siècle, la Saxe (ligne Albertine) impose par le Livre de concorde (1580), qui reprend la Formula concordiae de 1577, une véritable doctrine confessionnelle, à laquelle se rallient de nombreux États.

À la bataille de Mühlberg, le duc Maurice (de la ligne Albertine, duc de 1541 à 1553) aide de manière décisive l’Empereur à battre ses ennemis de la ligue de Smalkalde (1547) ; ralliée tardivement à la Réforme, la ligne Albertine réussit ainsi à ravir à la ligne Ernestine Wittenberg, le Kurkreis et la dignité électorale. Bien entendu, la ligne Ernestine refuse de s’incliner, mais l’émiettement des territoires thuringiens ne lui permet pas de s’opposer au rayonnement de ce qui est devenu la Saxe électorale (Kursachsen) et qui sera, au moins jusqu’à la fin du xviie s., l’un des principaux États d’Europe.

Mais le pouvoir du souverain n’est pas absolu : il doit compter avec les États, notamment pour ce qui est des finances et de la politique scolaire. L’influence des États sur la politique étrangère reste, toutefois, bien limitée, ce qui permet au souverain de jouer à son gré des alliances. Le développement des structures modernes de l’État se poursuit sur le plan des institutions, de l’organisation de la justice et de l’administration financière ; l’intégration des biens d’Église, peu étendus il est vrai, se fait aisément ; quelques abbayes confisquées permettent de créer des écoles d’État (Meissen et Pforta en 1543, Grimma en 1550). C’est surtout sur le plan économique que le développement de la Saxe, au xvie s., est remarquable, grâce notamment à l’action de l’Électeur Auguste (de 1553 à 1586). Leipzig s’affirme comme une place commerciale de premier plan, et l’exploitation minière constitue toujours l’ossature de la vie économique.

Au cours du xviie s., la situation économique privilégiée se confirme. L’alliance avec l’Empereur vaut à la Saxe de pouvoir annexer en 1635 les margraviats de Haute- et Basse-Lusace* ; les quelques apanages ne menacent pas l’unité de l’État, et l’extinction des lignées cadettes permet de les réintégrer dès le début du xviiie s. Mais la place prédominante de la Saxe à l’est de l’Elbe est de plus en plus menacée par le Brandebourg* ; se précise alors le conflit qui marquera pendant trois siècles l’histoire de l’espace transelbien. En annexant Magdeburg en 1680, malgré les tentatives saxonnes de s’y installer, le Brandebourg pénètre profondément dans la Saxe historique (Halle est brandebourgeoise depuis 1680, et son université doit concurrencer celle de Wittenberg) ; mais, grâce aux Lusaces, la Saxe touche presque à Berlin.

Le xviiie s. est marqué par une percée saxonne en direction de l’est : en 1697, l’Électeur Auguste le Fort (de 1694 à 1733) est devenu roi de Pologne. La création d’un axe Dresde-Varsovie a sans doute renforcé la position de la Saxe, mais elle a, en même temps, entraîné celle-ci dans de longues et coûteuses guerres contre la Suède. Mais l’Électeur-roi, tout en courant d’un champ de bataille à l’autre, ne néglige pas de développer les structures monarchiques de la Saxe, d’intervenir très activement dans la vie économique par la création de manufactures (porcelaine de Meissen, 1710) et dans la vie culturelle par une politique très réfléchie de protection des arts et des lettres ainsi que de grandes constructions, notamment à Dresde*, qui est la capitale et qui devient l’une des plus belles villes d’Europe. Comme la Bavière, mais avec plus de ressources économiques, la Saxe est un des États qui ressemblent le plus à la France de Louis XIV, dont elle est l’alliée.