Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Salvador (suite)

Osorio : 1948-1960

Appuyé par le parti qu’il a créé (Parti révolutionnaire d’unification démocratique), Osorio est élu président en 1950. En 1956, il se choisit un successeur (José María Lemus) qui lui permet en fait de diriger le pays jusqu’en 1960. Son gouvernement modernise et développe le pays. Violemment anticommuniste, Osorio refuse, cependant, de participer au renversement du régime Arbenz au Guatemala. En 1960, la chute des prix du café est fatale au régime, et le coup d’État militaire du 26 octobre bénéficie de l’appui de l’opinion publique.


Le rôle des militaires depuis 1960

Trois mois plus tard, le 25 janvier, le régime militaire, ultranationaliste et favorable à Fidel Castro, est renversé par une contre-révolution appuyée par les États-Unis. En 1962, le colonel Julio A. Rivera devient président. L’élection de son successeur, le colonel Fidel Sánchez Hernández, en 1967 est moins aisée, mais ces difficultés sont rapidement éclipsées par la guerre de 1969 entre le Salvador et le Honduras*.

Le Salvador, surpeuplé, cultivé jusqu’au sommet de ses montagnes, envoyait depuis longtemps ses travailleurs vers le Honduras, sous-peuplé. En 1969, on en comptait 300 000, soit un habitant du Honduras sur huit. Un traité sur les migrations, signé en 1965, n’avait pas mis un point final au conflit larvé, qui rebondit en 1967 à partir d’incidents de frontière dus à l’imprécision des limites entre les deux pays.

La réforme agraire entreprise par le Honduras au détriment des immigrants salvadoriens explique l’explosion de juin 1969, où la passion sportive sert de prétexte aux défoulements politiques et nationalistes. L’équipe salvadorienne et l’équipe hondurienne se disputent l’honneur de participer aux finales de la Coupe du monde (football). Le 8 juin les joueurs salvadoriens sont battus par ceux du Honduras. Le match retour du 15 juin se termine par une victoire salvadorienne : la réaction violente de la population hondurienne entraîne l’exode de milliers de Salvadoriens. La revanche a lieu à Mexico à la fin de juin : le Salvador gagne, et la situation de ses ressortissants en souffre d’autant.

Le 14 juillet 1969, les troupes salvadoriennes entrent au Honduras pour une guerre sanglante de cent heures. L’écrasante victoire du Salvador est stoppée par l’Organisation des États américains, qui ordonne le cessez-le-feu immédiat, puis le repli des forces salvadoriennes. Depuis, l’exode des ressortissants salvadoriens a continué, et les deux pays lancés dans la course aux armements ne renoueront leurs relations diplomatiques qu’en 1976.

En février 1972, le colonel Arturo A. Molina, candidat officiel appuyé par Sánchez Hernández, l’emporte d’une courte tête sur le candidat de l’opposition, José Napoleón Duarte, le maire démocrate-chrétien de San Salvador. Après avoir contesté vainement les résultats, Duarte s’allie à quelques officiers pour « corriger ces élections ». L’échec de cette tentative de coup d’État progressiste entraîne une répression sévère. En juillet 1972, Arturo A. Molina parvient, comme prévu, à la présidence.

J. M.


La population et l’économie


La population

Le Salvador est occupé par une population dense (167 hab. au km2), métissée, dès le xviiie s., à partir du fond indigène, accru d’un contingent espagnol et d’un certain apport d’esclaves noirs. Ceux-ci ont été importés pour travailler dans les cultures d’indigo, dont l’importance a favorisé les brassages de population et les contacts commerciaux, qui sont à l’origine d’un mélange culturel plus important qu’au Guatemala*. Cette population est groupée en gros villages dans l’ouest du pays, selon la tradition coloniale espagnole, mais, depuis un demi-siècle surtout, les paysans se sont dispersés vers les terres médiocres des montagnes ou vers les basses terres moins peuplées de l’est du pays, en une multitude de hameaux, à la recherche d’espaces à mettre en culture.


L’agriculture

Le Salvador connaît, en effet, une croissance démographique très rapide (3,8 p. 100 par an), sur un territoire entièrement occupé, où l’on ne peut guère mettre en culture actuellement de nouvelles terres et où la propriété foncière est fortement concentrée : 2 000 grands propriétaires possèdent la moitié des terres, et 200 000 minifundistes l’autre moitié. De plus, les chefs de famille ruraux totalement dépourvus de terres sont aussi des dizaines de milliers et, avec les possesseurs de minifundios, forment une main-d’œuvre peu coûteuse et très partiellement employée dans les grands domaines consacrés à l’agriculture moderne d’exportation. Pour l’ensemble de l’agriculture, un tiers de la main-d’œuvre n’a d’emploi que temporairement (pour la culture du coton, 90 p. 100 des travailleurs sont dans ce cas).

Cette situation à l’intérieur du pays s’est maintenue, sous la tutelle de gouvernements militaires conservateurs, en partie grâce à l’exutoire de l’émigration : en 1969, à la veille de la guerre de juillet avec le Honduras, quelque 300 000 Salvadoriens vivaient dans le pays voisin, soit dans la zone bananière du nord, soit surtout dans les plateaux proches de la frontière, où ils occupaient des parcelles parfois comme métayers, parfois comme squatters tolérés, souvent sur des terres publiques non appropriées, la nationalité réelle des intéressés restant souvent difficile à déterminer. Une des origines du conflit fut la décision du gouvernement hondurien de récupérer ces terres publiques illégalement occupées et de les destiner exclusivement à ses ressortissants ; le conflit a entraîné le rapatriement de plus de 200 000 Salvadoriens, venus grossir la masse des chômeurs tant à la campagne qu’à la ville. Plusieurs dizaines de milliers d’émigrants clandestins salvadoriens vont chaque année travailler aux cultures de coton dans la plaine pacifique guatémaltèque. Cette main-d’œuvre soumise et dure au travail est particulièrement appréciée.

Par la main-d’œuvre employée, par l’ancienneté de la production et par la place dans l’économie nationale d’exportation, la culture du café vient en tête des grands produits. Le Salvador a été, au milieu du xixe s., le premier pays d’Amérique centrale à développer cette culture, qui vint à point relayer dans les collines volcaniques l’indigo, en déclin. Le pays reste le premier producteur centre-américain d’un café de haute qualité, dont les prix sont assez stables et qui emploie une main-d’œuvre abondante, selon un calendrier de travaux qui s’insère bien dans les temps morts de l’agriculture vivrière, fondée sur le maïs ; à l’automne, la récolte attire même des travailleurs vivant dans les villes et en particulier dans la capitale, San Salvador.