Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Saltykov-Chtchedrine (Mikhaïl Ievgrafovitch Saltykov, dit) (suite)

On s’en aperçoit dans les années 1868-1870 : Saltykov quitte l’Administration pour se consacrer uniquement à la littérature. Il dirige alors avec Nekrassov* les Annales de la patrie et publie ses œuvres majeures : Histoire d’une ville (1869-70) est une parodie de l’histoire de la Russie, vue à travers le microcosme d’une ville, Gloupov, gouvernée par des femmes, habitée par des notabilités repoussantes et par une population toujours prête à « être tondue ». Les Pompadour, Messieurs et Dames (1863-1873), satire pleine de verve des satrapes de province, reçoivent cependant un accueil plutôt froid des milieux progressistes, qui jugent l’ouvrage trop léger.

C’est dans les Golovlev (1872-1880) que Saltykov donne la mesure de son talent, en peignant l’histoire d’une famille noble perdue par ses vices. Oisifs, cupides, vaniteux, malveillants, alcooliques, les Golovlev vivent d’une vie bestiale, sans qu’aucune lumière, aucun élan de générosité ne vienne éclairer cet univers de cauchemar. Le tableau implacable, dense et désespérément triste reste pourtant toujours sobre et refuse les effets mélodramatiques.

Saltykov continue à avoir des ennuis avec la censure, d’autant que l’assassinat d’Alexandre II est suivi d’une période de violente réaction. En 1884, son journal, le plus extrémiste de la Russie, est définitivement interdit. Mais l’écrivain reste plus que jamais le porte-parole des radicaux. Il écrit ses Fables (1880-1885), qui touchent la perfection littéraire. À ses railleries, seul échappe le paysan, symbolisé par une vieille bourrique, montée jusqu’à l’épuisement et bonne pour tous les travaux.

Que restera-t-il de son œuvre après sa mort ? Toute une partie, liée aux conditions sociales et politiques du pays, a vieilli : pamphlets de journalistes, exagérations d’hommes de parti. En revanche, ses Fables, ses chroniques de la société provinciale du temps, les Golovlev et Pochekhonskaïa starina (1887-1889), s’insèrent dans la grande tradition russe, au même titre que les œuvres de Gontcharov* et de Bounine*.

S. M.-B.

 K. Sanine, Saltykov-Chtechedrine, sa vie et ses œuvres (thèse, Paris, 1954).

Salvador

En esp. El Salvador, État de l’Amérique centrale ; 21 393 km2 ; 3 550 000 hab. Capit. San Salvador.



Le milieu naturel

Entre l’étroite plaine côtière pacifique et les plateaux volcaniques de la région frontalière avec le Honduras*, l’essentiel du pays s’étend dans la zone volcanique récente de l’Amérique centrale, qui forme un ensemble de collines de cendres et de laves dominées par quelques grands cônes volcaniques. Ces terres s’abaissent de la frontière guatémaltèque vers le golfe de Fonseca et sont caractérisées à la fois par des sols fertiles et par une instabilité constante (à la menace des tremblements de terre s’ajoute celle du changement de niveau des lacs volcaniques). Si la plaine pacifique a un climat chaud en toute saison et sec en hiver, l’humidité règne de façon plus continue dans le secteur montagneux, où les températures sont plus modérées, ce qui est caractéristique des terres tempérées, rarement surmontées de terres froides en raison des altitudes modestes.

C. B.


L’histoire


L’Amérique centrale

L’Amérique centrale ne pesait pas lourd dans l’Empire hispano-américain : moins d’un million d’âmes en 1800, rassemblés surtout au Guatemala et au Salvador. Au xviiie s., l’indigo (teinture bleue demandée par l’industrie textile européenne) est devenu la base d’un grand commerce international. Produit au Salvador et dans l’ouest du Guatemala, négocié lors de la foire annuelle à San Salvador, il a préparé le séparatisme salvadorien.

Entre 1808 et 1821, l’Amérique centrale ne participe guère aux guerres civiles de l’indépendance ; ce n’est qu’en 1821, lorsque le Mexique se proclame indépendant, que les provinces et les villes se rebellent contre le Guatemala* pour se rallier à l’éphémère Empire mexicain.

En 1824 est proclamée la Constitution centre-américaine (1824-1839). La guerre civile commence dès 1826, et la paix ne revient qu’en 1831. En 1839, l’Amérique centrale se disloque, et la république du Salvador (elle prend ce nom en 1841), dernier État fidèle à l’Union, est envahie par les États alliés. De 1840 à 1850, comme le Honduras et le Costa Rica, elle vit sous la menace britannique.


Le Guatemala

De 1854 à 1865, le pays vit à l’heure de l’hégémonie guatémaltèque : Rafael Carrera (1814-1865) est le maître indirect de l’Amérique centrale. La déroute de l’aventurier William Walker (1824-1860) en 1857 provoque une flambée d’euphorie unioniste, et, en 1860, le président salvadorien, Gerardo Barrios (v. 1809-1865), propose la réunion des Républiques centre-américaines. Cela conduit en 1863 à la guerre avec le Guatemala et à la défaite militaire qui met fin à la période des violents combats idéologiques : les conservateurs et les séparatistes l’emportent au moment où la plantation de café commence à prospérer.


États-Unis et « caudillos »

La révolution de 1871 renverse les conservateurs partout, sauf au Nicaragua, et le positivisme d’Auguste Comte devient l’idéologie dominante. En 1876, le Salvador perd une guerre contre le Guatemala, puis gagne la suivante en 1885. Hommes forts et coups d’État se succèdent : Francisco Menéndez (1830-1890) en 1885, Rafael Gutiérrez en 1894, puis Tomás Regalado (1860-1906) en 1898. De 1895 à 1898 a lieu un essai sans lendemain de confédération centre-américaine. En 1906-07, la guerre entre le Nicaragua et le Honduras entraîne l’intervention du Guatemala et du Salvador contre le Nicaragua. De 1909 à 1933, le big stick de la politique des États-Unis impose sa loi. De 1932 à 1944, le général Maximiliano Hernández Martínez (1882-1966) garde un pouvoir inauguré dans le sang (en 1932, la répression fait plusieurs milliers de victimes). Après les troubles de 1945 et de 1948, le major Oscar Osorio (né en 1910) prend la tête d’une junte provisoire (1948-1950).