Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sahara (suite)

L’hydrographie et la végétation

Le Sahara est le domaine de l’aréisme et de l’endoréisme. Le Nil, né hors du désert, est le seul fleuve qui réussit à le traverser. Ailleurs, l’écoulement des oueds n’est que temporaire et se perd dans des dépressions fermées. Pourtant, les marques de l’érosion fluviale sont nombreuses, et les réseaux de vallées témoignent de l’existence de climats plus humides dans le passé. Lorsque ces vallées n’ont pas d’écoulement superficiel, elles ont souvent un écoulement souterrain (inféroflux) et constituent une zone de prédilection pour la végétation à la recherche d’humidité. La végétation est représentée par un petit nombre d’espèces. Les mêmes paysages végétaux, les mêmes associations sont rencontrés sur de vastes espaces. L’adaptation à la sécheresse se traduit par la taille réduite des arbres et des arbustes, qui ne possèdent que de petites feuilles ou des épines (ce qui limite l’évaporation), alors que les racines sont très développées. Les épisodes pluviaux du Quaternaire ont entraîné une invasion de la flore méditerranéenne ou de la flore tropicale suivant les cas, et une grande partie de la flore est résiduelle (v. désert).


Peuplement et économie

Le Sahara est un carrefour ethnique peuplé au Néolithique par des populations de couleur, dont les habitants actuels des oasis (Harratins, Fezzanais) constituent les descendants, encore que les apports récents d’esclaves noirs aient été importants. Sur ce fond sont venues se superposer des populations blanches, tout d’abord des Berbères*, dont l’installation est ancienne, puisqu’ils sont déjà là dans l’Antiquité, puis des Arabes*. Les premiers ont souvent adopté la langue et la religion des Arabes (cas des Maures), mais il subsiste des îlots berbères dans certaines régions : Maroc du Sud (Dras), mais surtout Hoggar avec les Touaregs*, qui ont conservé leur dialecte tamahaq (ou tamacheq). Quant aux Toubous du Tibesti, à la peau foncée, mais aux cheveux peu crépus, leur origine est mystérieuse. Globalement, les populations de couleur sont plutôt sédentaires, alors que les nomades sont en général de race blanche, mais les exceptions sont nombreuses. Au total, on compterait environ de 1,5 à 2 millions d’habitants sur l’ensemble du Sahara (vallée du Nil exclue), dont la moitié environ de nomades.


L’économie traditionnelle

Les nomades sont des pasteurs pour lesquels les déplacements sont nécessaires s’ils veulent subvenir aux besoins de leurs troupeaux (recherche de pâturages et de points d’eau). Leurs migrations obéissent généralement à un rythme saisonnier sur les bordures du désert : ainsi, les Arbaas d’Algérie passent l’été dans le Tell et la saison des pluies au Sahara ; les Touaregs de l’Aïr (Niger) passent la saison sèche (hiver) en zone sahélienne et la saison des pluies au Sahara ; par contre, les Regueibats Sahel (Mauritanie), grands chameliers, restent dans le désert en saison sèche (l’herbe qui a poussé après les pluies d’automne reste fraîche tout l’hiver, et le pâturage salé est plus abondant) et dans le Sahel (Aouker, Tagant) en été. Dans le centre du Sahara, les migrations sont au contraire apériodiques ; on peut distinguer les nomades des ergs (Regueibats Lgouacem des confins algéro-mauritaniens, Chaambas d’Algérie) et les nomades des vallées (Touaregs du Hoggar). Cette opposition entre les rythmes saisonniers des marges et les rythmes apériodiques du centre n’est pas rigoureuse : les Touaregs Ioullimiden se déplacent dans le Sahel nigérien sans périodicité fixe. Les semi-nomades passent une partie de l’année dans les oasis ou à un endroit fixe pour cultiver dans les lits d’oued (cas des Ouled Amor et des Ouled Bou Hadidja du Zab Chergui algérien) ou pour surveiller la récolte des palmiers dont ils sont propriétaires (Toubous du Tibesti), parfois pour lier les deux opérations (Doui Menia des confins algéro-marocains).

L’agriculture n’est possible que s’il y a irrigation. Aussi les zones cultivées sont-elles ponctuelles et restreintes aux oasis. C’est là que vivent les sédentaires, dans des villages (ksūr, singulier ksar) aux maisons construites en briques d’argile pure (tin [ṭīn]) ou d’un mélange d’argile et de paille (toub [ṭūb]). Le toit est constitué par une terrasse.

Une typologie des oasis peut reposer sur les procédés d’irrigation. Certaines oasis cultivent en bour (būr) [sans irrigation], car la nappe phréatique est proche de la surface (c’est le cas des palmeraies du Fezzan). Dans le Souf, on creuse dans le sable des entonnoirs d’une quinzaine de mètres de profondeur, ce qui permet aux palmiers qu’on y place d’avoir leurs racines à l’humidité. Sur le rebord de l’Atlas, les oasis du Dra s’étirent le long des rivières descendues de la montagne et sont ainsi toujours alimentées en eau par simple dérivation (seguia [sāqiyya]). Les sources sont plus rares, mais Rbadamès, Djanet sont arrosées de cette manière. Les puits à traction animale sont très répandus dans le Mzab, et les puits à balancier se rencontrent dans tout le Sahara (Saoura, Touat...). Les oasis situées sur le pourtour du plateau de Tademaït utilisent largement les galeries souterraines (foggaras). Le palmier-dattier (Phœnix dactylifera) constitue la ressource essentielle, mais il est complété par la culture de céréales : blé et orge au nord, sorgho et petit mil au sud, encore que le blé soit cultivé en pleine zone sahélienne. S’ajoutent divers légumes (fèves, pois, lentilles dans le Sahara du Nord, haricots au Fezzan, pour ce qui concerne les légumes d’hiver ; courge, melon, pastèque, tomate, piment en été). On trouve aussi des plantes non alimentaires : tabac en particulier dans le Souf et le Touat. Toutes les pratiques culturales se font à la main sur des exploitations minuscules, qui sont généralement insuffisantes pour assurer la subsistance des exploitants, surtout que ceux-ci, généralement, ne sont pas propriétaires, mais métayers (khammès [khāmis]) ou journaliers et doivent aussi payer une redevance pour l’utilisation de l’eau.