Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sachs (Hans)

Poète allemand (Nuremberg 1494 - id. 1576).


À propos de la composition des Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868), Richard Wagner* a écrit : « J’ai compris Hans Sachs comme la dernière incarnation d’un esprit productif d’art populaire et je l’ai opposé à la médiocrité pédante des maîtres chanteurs. » Hans Sachs a bien été l’un d’eux, mais il fut assurément original. Fils de tailleur, à qui on fit faire du latin, devenu savetier après avoir appris du tisserand Leonhard Nunnenbeck les règles et les codes des maîtres chanteurs, il accomplit un tour d’Europe, au cours duquel il prit contact avec les autres compagnies d’artisans-poètes. Rentré à Nuremberg en 1516, passé maître en 1517 et marié en 1519, il adopta dès ce moment le parti réformé, et c’est à lui qu’on doit un poème à la gloire de Martin Luther, le Rossignol de Wittenberg (1523), titre devenu fameux et souvent donné au réformateur et auteur de cantiques.

Sachs a été un auteur extraordinairement fécond, et en particulier au théâtre, sur (les sujets tirés principalement de l’Écriture sainte et sur bien d’autres aussi, pris dans la légende, dans le Décaméron, dans la Gesta Romanorum et dans beaucoup d’autres recueils d’histoires. En 1561, il déclarait avoir écrit 208 pièces de théâtre, en majorité tragiques, et c’est lui qui a introduit le mot tragédie dans la langue allemande. Toutes ses pièces tragiques n’ont pas été publiées, mais toutes sont oubliées.

Plus réaliste que la tragédie, la comédie de mœurs lui a permis une expression plus personnelle, et son nom est resté attaché à plusieurs séries de « jeux de carême » (Fastnachtsspiele) qui valent par leurs scènes de la vie quotidienne observées sur le vif. Les paysans fournissent la plupart des rôles comiques ; ils sont lourdauds et on les berne à la ville, mais les bourgeois et les gens d’église sont décrits sans indulgence. Les nobles sont épargnés, sans doute par prudence. Sachs parle pourtant une langue directe et concrète ; les portraits qu’il trace sont simplifiés, le trait est souligné, mais la précision des notations sauve toujours l’effet. Car Sachs pose sur toutes choses de son univers un regard vigilant : des pièces comme l’Écolier voyageur au paradis (1550), le Fer chaud (1576) ou bien Saint Pierre et les lansquenets (1557), qui est une farce, offrent des tableaux très parlants et qui ont valeur de documents.

Réformé luthérien, Hans Sachs voulait aussi convaincre : il a peint les faibles et les fautes pour en tirer des leçons ; l’action même de la pièce fait ressortir que le péché est nuisible, qu’il est, à y bien regarder, pure folie. La morale de la fable ne manque jamais d’être reprise et soulignée par des préceptes et des conseils au bon public. Mais un auteur de farces doit amuser, et Sachs savait faire rire, souvent aux dépens des femmes, qu’il n’a pas idéalisées. C’est dans le comique de situation qu’il a eu ses meilleures trouvailles.

Avec leurs costumes paysans, leurs contrastes et leur mouvement lent, les scènes de Sachs font penser à des tableaux de maîtres néerlandais (David Teniers ou Jan Steen). Sachs a aussi la précision de Dürer, Nurembergeois comme lui. Plus tard, c’est Goethe* qui, en pleine époque « rococo », l’a sauvé de l’oubli avec un poème de 1776 intitulé Explication d’une ancienne gravure sur bois représentant la vocation poétique de Hans Sachs. Dans son atelier, un dimanche matin, Sachs a ôté son tablier de cuir, remis au rayon le fil poissé, le marteau de l’alêne pour goûter le « repos du septième jour ». Il est représenté là entre ses deux inspiratrices, qui s’appellent « loyauté active » et « fable » : « Que le monde, écrit Goethe, s’offre à tes yeux comme Albrecht Dürer a su le voir, vie solide et virile, dans sa mesure et sa fermeté. » Comme Richard Wagner, Goethe faisait déjà de la figure, à demi légendaire, de Sachs, artisan de vieille roche, le symbole de la solidité du peuple d’autrefois dans les villes d’Allemagne au temps de la Renaissance.

P. G.

 C. Schweitzer, Un poète allemand au xvie siècle : étude sur la vie et les œuvres de Hans Sachs (Berger-Levrault, 1889). / E. Geiger, Der Meistergesang des Hans Sachs (Berne, 1956).

Sachs (Nelly)

Femme de lettres suédoise d’origine allemande (Berlin 1891 - Stockholm 1970).


Fille unique d’un industriel berlinois, Nelly Sachs évolue dans un milieu cultivé de grande bourgeoisie. À dix-sept ans, elle écrit ses premières poésies et entre en correspondance avec Selma Lagerlöf*, dont elle admire les romans. En 1921, elle publie son premier livre, Légendes et récits (Legenden und Erzählungen), d’inspiration très romantique. Grâce à Selma Lagerlöf et sur l’intervention d’un membre de la famille royale de Suède, elle échappe aux lois antisémites du nazisme : en 1940, elle quitte l’Allemagne pour Stockholm, où elle s’installe désormais.

C’est dans l’exil et la souffrance que son génie poétique trouve son épanouissement. Son œuvre est difficile, hermétique, mystérieuse. Dès son premier recueil de poèmes, Dans les demeures de la mort (In den Wohnungen des Todes, 1940-1944), publié en 1947 à Berlin, Nelly Sachs témoigne de sa solidarité avec le peuple juif et le judaïsme, s’inspirant de la cabale, notamment de Zohar ou Livre de la splendeur, dont les symboles ésotériques répondent au fond mystique qui est en elle. Le thème de la mort, qui s’annonce dès le premier recueil, persiste dans les poésies ultérieures, lié cependant étroitement à une image de l’espoir, celle du papillon, signe de printemps et de métamorphose. Apparaissant pour la première fois, sous forme d’une métaphore assez conventionnelle, dans le poème Chœur de ceux qui ne sont pas encore nés (Chor der Ungeborenen), le papillon devient thème et titre d’un poème émouvant, publié dans le deuxième recueil de poésies, Obscurcissement de l’étoile (Sternverdunkelung), écrit de 1944 à 1946 sous la douleur de la perte d’un être cher. C’est à la même époque que Nelly Sachs compose, « dans la misère, la maladie et le désespoir complet », un essai dramatique, Eli. Cette histoire du savetier Michael qui part à la recherche de l’assassin du jeune berger Eli retrace, sous forme allégorique, le martyre d’Israël. La pièce doit beaucoup aux drames expressionnistes ; le style mêle aux éléments folkloriques des images et des sentences empruntées à l’Ancien Testament. Publié en 1951, Eli a été représenté pour la première fois en 1962. Nelly Sachs a réuni en 1962 ses œuvres scéniques en un seul volume, sous le titre de Signes dans le sable (Zeichen im Sand) : dans ces quatorze pièces visionnaires et oniriques, la danse et la pantomime jouent un rôle important. Eli a été mis en musique par Waller Steffens et par Moses Pergament.