Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Russie (suite)

La lutte pour l’indépendance et pour l’unité


Le joug tatar

En 1206 se forme l’immense Empire mongol, avec Gengis khān* à sa tête. Les troupes mongoles vont, pendant deux siècles, ravager le pays (v. Mongols). En 1222-23, contournant la Caspienne, elles envahissent la Transcaucasie jusqu’aux steppes du Caucase du Nord, puis se dirigent vers les frontières russes. Le 31 mai 1223, sur la Kalka, a lieu la première rencontre entre les Russes commandés par Mstislav (III) Mtislavitch le Hardi et les Mongols. La défaite écrasante des Russes s’explique en partie par le manque de cohésion des princes. En 1236, Bātū khān (petit-fils de Gengis khān) soumet les Bulgares près de la Kama. En 1237, il envahit la principauté de Riazan, puis s’empare de Kolomna et de Moscou ; enfin, le 4 mars 1238, la bataille de la Sita marque la chute de Vladimir (mort d’Iouri Vsevolodovitch grand-prince de Vladimir-Souzdal [1212-1216 ; 1218-1238]) et l’anéantissement des troupes russes. Bātū est maître de toute la Russie du Nord-Est. Il se dirige vers Novgorod, mais, affaibli, il renonce à 100 km de la ville.

En 1239-40, les Tatars* prennent Tchernigov, Kiev puis la Galicie-Volhynie. Battu à la bataille d’Olomouc en 1241, Bātū se replie et va constituer l’État de la Horde d’Or (capitale Saray [ou Saraï]) dans les steppes de la Volga inférieure.

Le bilan du joug tatar sur les Russes est très lourd : l’invasion freine le développement politique, arrête les relations économiques avec les pays d’Occident et d’Orient, et aggrave le morcellement du pays. Un tribut, imposé par les khāns, accable les paysans et les artisans russes. Le pays sera décimé et accusera un important retard sur les autres pays d’Europe.


La menace germanique et suédoise

En même temps, les Russes sont menacés à l’ouest par une poussée des seigneurs allemands et suédois vers la Baltique. Au début du xiiie s., les Porte-Glaive (ordre fondé en 1202 par les seigneurs allemands de Livonie) et les chevaliers Teutoniques brisent la résistance des tribus baltes. En 1240, les Suédois commandés par Birger s’engagent contre le prince de Novgorod, Alexandre (1236-1252). Le 15 juillet 1240, la victoire des Russes sur la Neva vaut à leur prince Alexandre le surnom de « Nevski ». Toujours en 1240, les Porte-Glaive réussissent à s’emparer de Pskov et menacent Novgorod. Alexandre Nevski organise la lutte, reprend Pskov en 1242 et avance sur le territoire des Tchoudes (Estonie). Le 5 avril 1242, une grande bataille se déroule sur la glace du lac de Tchoudsk : les Russes se battent « comme des lions », les chevaliers allemands sont exterminés, et les Porte-Glaive abandonnent toutes les terres russes conquises.


La Moscovie*

Au début du xive s., le morcellement de la grande principauté de Vladimir renforce les principautés de Tver et de Moscou*. Dès la fin du xiiie s., cette dernière s’affirme par son activité politique. Elle est au centre des grandes voies marchandes et fluviales, et sa population augmente.

Au début du xive s., la lutte éclate entre Moscou et Tver pour l’Iarlyk (charte selon laquelle la Horde d’Or régit l’administration de la « terre russe » par l’intermédiaire des princes des différentes régions), qui passe aux mains d’Ivan Ier Danilovitch, dit Ivan Kalita (la Bourse) [1325-1340]. Sous le règne de celui-ci, le peuple commence à moins ressentir l’oppression tatare. D’une part, Ivan Kalita utilise avec ruse ses bonnes relations avec les Tatars pour renforcer son pouvoir et agrandir le territoire de la principauté de Moscou ; d’autre part, le pays profite de l’accalmie pour développer son économie. Le prestige d’Ivan Kalita est tel que celui-ci entrera dans l’histoire sous le nom de « rassembleur de la terre russe ».

Ses fils Siméon le Superbe (1340-1353) et Ivan II (1353-1359) continuent sa politique. Suit une période plus confuse avec la minorité du prince Dimitri Donskoï (petit-fils d’Ivan Kalita) : le grand-prince de Souzdal et de Nijni-Novgorod obtient de la Horde d’Or le titre de grand-prince de Vladimir. Mais les boyards et le métropolite Alexis réussissent à faire rendre le titre au prince de Moscou.

Dimitri Donskoï (1359-1389) doit faire face à une situation intérieure complexe et à une recrudescence des menaces extérieures. Victorieux, en 1375, des prétentions de Michel de Tver (pourtant soutenu par le grand-prince de Lituanie* Olgierd [Algirdas, 1345-1377]), il consolide le rôle de Moscou comme centre politique des terres russes et rallie à lui plusieurs grands-princes. Cette évolution politique s’explique en partie par les changements qui se sont produits au xive s. dans le domaine des rapports sociaux et économiques du pays.

Sur le plan économique, l’essor est général. En agriculture, on pratique des méthodes nouvelles : labours fréquents et assolement triennal (fin du xive s.). La grande propriété terrienne (vottchina) est aux mains des seigneurs et des religieux. Elle s’accroît au détriment des paysans, qui perdent leurs biens et passent de l’état libre à l’état de serfs. La condition des paysans est aggravée (fin du xive s.) par une augmentation de la corvée (barchtchina) et des redevances en nature (obrok). Les villes (gorod) russes se développent : Novgorod, Pskov, Smolensk, Tver, Nijni-Novgorod et Moscou ; une centaine d’autres se créent. Elles sont entourées d’une muraille de bois ou de brique (en 1367 à Moscou) qui les protège des assaillants. Leur vie est active, et les métiers se développent : c’est l’époque de l’invention du moulin à eau, de l’arme à feu (1382). Le commerce lient un rôle important. Les marchands se groupent dans les faubourgs (possad) de la ville. Novgorod, Pskov, Moscou et Tver commercent avec l’Occident. Deux grandes voies, la Volga et le Don, relient l’Orient et l’Occident. Moscou devient le centre principal de l’artisanat et commence à battre monnaie.