Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Russie (suite)

La légende de Riourik et de l’appel aux Varègues est à la base de la théorie « normaniste », due à des historiens allemands du xviiie s. Elle présente les Slaves comme des tribus primitives incapables de se gouverner elles-mêmes et qui auraient appelé les Varègues (Scandinaves, Normands*) pour les aider à former un État, alors qu’une ébauche de celui-ci existait bien avant le ixe s. La chronique d’Ipatievski, confirmée par les sources scandinaves et les recherches archéologiques, démontre que Riourik n’est pas venu à Novgorod d’outremer, mais d’un château qu’il s’était fait construire près de Ladoga. Pour l’historien russe Vassili Ossipovitch Klioutchevski (1841-1911), Riourik avait été engagé comme chef d’une troupe de mercenaires par les doyens de la ville pour les aider à résoudre les luttes intestines. Il prit le pouvoir, devint prince de Novgorod et rendit la ville prospère, ce qui permit à son successeur, Oleg († 912), de partir à la conquête de Kiev et d’en faire la capitale de l’État russe unifié (882 ? d’après la chronique).


Début de l’État russe ancien

L’histoire de l’État russe commence avec la vassalisation des tribus slaves et le rattachement de celles-ci à Kiev. Puis les princes combattent les voisins de la Russie (Khazars, Bulgares, Polonais) afin d’étendre leur territoire et de consolider leurs frontières. La guerre contre Byzance n’est que le prolongement des guerres des vie et viie s. : il s’agit d’établir le prestige international de la Russie et de renforcer les liens économiques et culturels.

En 907, Oleg arrive aux portes de Constantinople et impose la paix. Un traité favorable à la Russie sera signé en 911.

Igor (912-941 ou 945), successeur d’Oleg et véritable créateur de l’État russe, est vaincu par Byzance en 941. Une seconde campagne (944) aboutit à un nouveau traité.

Sviatoslav (957 ou 964 - 972), fils d’Igor, cherche à s’emparer de la Bulgarie danubienne ; vaincu par Jean Tzimiskès en juillet 971, il signe un traité où il s’engage à ne plus attaquer Byzance et la Bulgarie.


L’établissement du christianisme

Vladimir Ier (980-1015) reprend la lutte. Cependant, l’empereur byzantin Basile II* a besoin de l’aide militaire de Vladimir pour réprimer les insurrections. En échange, le prince russe demande la main d’Anne, la sœur de l’empereur. Cet acte aura une double importance : d’une part, Byzance reconnaît le jeune État russe, et des contacts économiques et culturels s’établissent entre les deux puissances ; d’autre part, vers 988, le christianisme est adopté en Russie comme religion d’État, ce qui consolide la politique du jeune État et celle des classes dirigeantes. L’écriture cyrillique (venue sans doute de Bulgarie) est adoptée comme écriture unique.


L’État russe ancien

Dès le règne de Vladimir Ier sont ébauchées les grandes lignes du régime social russe. L’État russe est un pays agricole dont l’économie repose sur la grande propriété féodale des princes, des boyards et des mouji, puis, plus tard, sur celle de l’Église. Les seigneurs vivent de leur terre, exploitée par diverses catégories de travailleurs, dont certains subissent des formes d’asservissement comme la corvée et les redevances en nature. Les villes (ou plutôt les bourgs) se développent : elles groupent marchands et artisans, et elles deviennent des centres commerciaux. Les différences de classes s’accentuent : une minorité de boyards et de marchands s’enrichit, tandis que la grande masse du peuple reste pauvre et endettée.

L’apparition, puis la consolidation de centres politiques locaux se font au détriment de la principauté de Kiev : Novgorod est la première ville à manifester des signes d’indépendance (1016). Iaroslav (1019-1054) rétablit son pouvoir sur toute la Russie. De 1054 à 1073, ses fils gouvernent en commun, se partageant le pays en trois grandes régions (l’aîné, Iziaslav Ier devait tenir le rôle de « père » à l’égard des autres). Une nouvelle Justice (qui corrige la Justice d’Iaroslav) est publiée : elle tend essentiellement à assurer la protection de la grande propriété féodale. Les antagonismes de classes s’accroissent : on assiste à une série de révoltes du peuple contre les grands seigneurs. Celle de 1068 à Kiev provoque la rupture de l’alliance des trois fils de Iaroslav. En 1097, le traité de Lioubetch redistribue les terres entre les princes et accentue le recul de Kiev. Jusqu’en 1113, les luttes dynastiques et les révoltes des basses couches de la population de Kiev se succèdent.

Sous Vladimir II Monomaque (1113-1125) et son fils Mstislav Ier (1125-1132), des ordonnances réglementent les relations commerciales et financières au profit des usuriers, légalisent l’exploitation des serfs et permettent même l’asservissement. Les tentatives faites pour freiner le morcellement féodal échouent : Kiev s’affaiblit, et les tendances séparatistes s’accentuent ; l’État russe se désagrège.


Chute de la principauté de Kiev

Victorieuse en 1136 contre le grand-prince de Kiev, Novgorod devient une république, gouvernée par la vetche, assemblée dans laquelle les boyards ont accaparé les postes importants. Une autre région prend alors de l’importance, celle de Vladimir*-Souzdal (au nord-est de la Russie). De par sa situation géographique, elle dépend moins de Kiev. Son organisation est de type féodal très marqué ; les boyards terriens sont les maîtres du pays. Des villes neuves surgissent ; la principale, Vladimir (sur la Kliazma), est fondée au xiie s. En 1147, sous Iouri Dolgorouki (fils de Vladimir Monomaque), prince de Rostov-Souzdal (1125-1157), apparaît pour la première fois dans les textes, le nom de Moscou. André Bogolioubski (1157-1174), fils d’Iouri Dolgorouki, s’installe à Vladimir ; il favorise la noblesse récente (issue des droujiny [troupes]), les marchands et les artisans des villes nouvelles. En 1169, aidé de onze princes, il prend Kiev. C’est la chute définitive de l’État kiévien. Vladimir devient le centre politique de la Russie. En 1170, André Bogolioubski tente, mais sans succès, de s’emparer de Novgorod, qui restera indépendante.

De 1176 à 1212, Vsevolod Iourevitch (Vsevolod III, le Grand Nid), frère d’André, accroît encore la puissance de la principauté de Vladimir-Souzdal. Il s’appuie pour cela sur les marchands, les artisans et sa garde, la droujina. Après sa mort, les luttes intestines et les tendances au morcellement féodal nuisent à la principauté à la veille de l’invasion tatare.

De 1120 à 1160, la principauté de Tchernigov se démantèle en une vingtaine de petits territoires, qui se maintiendront jusqu’au xve s.

Roman Mstislavitch (1199-1205) unit les deux principautés de Galicie et de Volhynie, avec Galitch (Halicz) pour capitale. Son fils Daniel Galitski (1238-1264) poursuit victorieusement la lutte contre les boyards en s’appuyant sur le peuple. Mais l’invasion des Mongols arrête brutalement les premiers succès obtenus sur le morcellement féodal.