Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Russie (suite)

Marchands, artisans, moyens et petits seigneurs souhaitent l’unification de l’État russe. En revanche les grands-princes de Tver, de Nijni-Novgorod et de Riazan voient dans l’unification l’affaiblissement de leur influence politique. En 1375, Dimitri Donskoï, grand-prince de Moscovie, réunit autour de lui contre Tver la majorité des principautés russes. Ses succès politiques consolident la position de la Moscovie et provoquent un revirement dans l’attitude des grands-princes envers la Horde d’Or : de la soumission, ceux-ci passent à la résistance. En 1378, les Moscovites sont victorieux de l’armée du temnik (général) Mamaï, un seigneur de la Horde. Celui-ci s’allie avec le grand-duc de Lituanie (Jogaila Jagellon) et avec Oleg, prince de Riazan. Dimitri ne réussit pas à entraîner les principautés russes. Il rallie 150 000 hommes : ses propres troupes et celles de Vladimir, auxquelles se sont joints paysans et citadins. Le 8 septembre 1380, c’est la célèbre bataille de Koulikovo et la débâcle de Mamaï. La victoire russe montre que la centralisation du pays est réalisable et anéantit les espérances tataro-lituaniennes de démantèlement de la Russie.

En 1382, le khān Tugtamich dévaste le pays et rétablit la domination de la Horde d’Or. Mais, en 1395, il est battu par le despote Tīmūr Lang* (Tamerlan), et la Horde s’affaiblit dans de nouvelles luttes intestines. Le pays se trouve momentanément soulagé du joug tatar.

Basile (Vassili) Ier (1389-1425), fils aîné de Dimitri, réunit Nijni-Novgorod à la Moscovie. Mais la principauté de Tver cherche à créer une puissance indépendante de la Moscovie, tandis que celle de Riazan cherche à se détacher de celle-ci.

Le règne de Basile (Vassili) II l’Aveugle (1425-1462) est marqué par une succession de graves crises politiques. De 1425 à 1453, une guerre féodale secoue la principauté moscovite. Dans le domaine de la vie religieuse, le concile de Florence (1439), qui réunifie les Églises d’Occident et d’Orient, provoque la rupture du clergé russe avec Byzance : l’Église russe devient indépendante. Les démêlés de Basile II avec la Horde d’Or (1445) accélèrent le début de l’unification de l’État russe. En 1456, Novgorod reconnaît l’autorité du grand-prince de Moscovie, tout en gardant son autonomie politique.


La Russie dans la seconde moitié du xve siècle et au xvie siècle


Fin du joug tatar et unification des terres russes

Ivan III (1462-1505) est un des plus glands hommes d’État de son temps ; il continue la politique de son père, Basile II, et veut la capitulation totale de Novgorod. Après une bataille victorieuse sur les rives de la Chelon (14 juill. 1471), la république de Novgorod est définitivement rattachée à Moscou en 1478. Tver et d’autres principautés indépendantes subissent le même sort en 1485.

Au cours de l’été de 1480, Ivan III doit faire face aux attaques de la Pologne* (Casimir IV Jagellon [v. Jagellons]), de la Lituanie et des Porte-Glaive, alliés au dernier khān de la Horde d’Or, le khān Ahmet. Celui-ci est mis en échec par Ivan III — qui s’est réconcilié pour l’occasion avec ses trois frères — sur la rive droite de l’Ougra (affluent de l’Oka) à l’automne de la même année. La Horde d’Or, démantelée, est définitivement écrasée en 1502 par le khān de Crimée Mengli Giray († 1515). Les terres russes réunies et libérées. Ivan III concentre ses efforts contre Kazan, qui devient vassale de Moscou en 1487.

De 1460 à 1499, c’est la poussée vers le nord-est, dans le bassin de la Kama et au-delà de l’Oural. Deux guerres russo-lituaniennes — l’une de 1492 à 1494, l’autre de 1500 à 1503 — rendent à l’État russe les territoires conquis jadis par la Lituanie et la Pologne sur les princes de Kiev. Il s’agit principalement des villes de Tchernigov, de Novgorod-Severski, de Gomel et de Briansk ainsi que des territoires voisins ; cependant, la ville de Smolensk reste lituanienne. Le traité de 1503 entre Ivan III et la Livonie permet le libre commerce de la Russie avec les pays d’Occident. L’État russe est alors définitivement constitué.


Constitution de l’autocratie

Le prestige de l’État russe s’affirme ; les relations diplomatiques et commerciales avec l’Occident et l’Orient se développent. En 1472, Ivan III épouse Sophie (Zoé Paléologue), nièce du dernier empereur de Byzance. Il prend le titre de « souverain de toute la Russie » et parfois celui de « tsar » (empereur), et il ajoute à ses armoiries l’aigle à deux têtes.

De plus, les progrès économiques et sociaux entraînent des changements importants dans l’appareil d’État. L’instauration de l’autocratie est officialisée en 1497 par le Code (Soudebnik) en soixante-huit articles : le pouvoir du grand-prince s’étend à toutes les terres.

La Douma des boyards perd de son influence : elle prend les grandes décisions avec le Concile sacré et les représentants de la haute noblesse. Les premiers prikazes apparaissent : ce sont des sortes de bureaux qui dirigent les différentes branches de l’Administration.

Une nouvelle noblesse se forme a la suite de la redistribution des terres (pomestie), accordées aux boyards par les grands-princes pour s’assurer leur aide militaire ou civile. Il en résulte un asservissement quasiment total de la paysannerie au seigneur. Le Code de 1497 permet aux paysans de changer de propriétaire une fois par an seulement, au moment de la Saint-Georges (Iouriev den).

Le règne de Basile (Vassili) III (1505-1533) est moins brillant que celui de son père, Ivan III. Basile III annexe Pskov en 1510 et la principauté de Riazan en 1521 ; la guerre avec la Lituanie lui apporte Smolensk en 1514. Cependant, les Tatars de Kazan et de Crimée menacent les régions méridionales de la Moscovie. Sur le plan intérieur, on assiste dans les années 20 au mécontentement des boyards et à leur rébellion. Après la mort de Basile III en 1533, la situation va empirer jusqu’en 1547, c’est-à-dire pendant la régence. Le pouvoir est alors partagé entre la tsarine Hélène Glinski (Ielena Glinskaïa, † 1538) et les princes Chouïski et Belski.