Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roumanie (suite)

À la suite des circonstances favorables nées de l’intensification du mouvement général de libération nationale des peuples de la péninsule balkanique aussi bien que de la guerre russo-turque qui a éclaté, la Roumanie proclame son indépendance (9 mai 1877) et la défend sur le champ de bataille, en participant, aux côtés de la Russie, à la guerre de 1877-78 contre la Turquie. La victoire des troupes roumano-russes sur les Turcs consolide sur le plan international l’indépendance de la Roumanie en tant qu’État, situation reconnue par le traité de San Stefano (3 mars 1878) et par le congrès de Berlin (13 juin - 13 juill. 1878) ; le traité de paix de Berlin rétablit l’autorité de l’État roumain sur le nord de la Dobroudja* — départements de Tulcea et de Constanţa —, tandis que la partie méridionale de la Bessarabie (rétrocédée à la Moldavie par le traité de Paris de 1856) est de nouveau incorporée à l’Empire tsariste.

La période de stabilité comprise entre la proclamation de l’indépendance et le début de la Première Guerre mondiale est caractérisée par un développement de l’économie à un rythme inégal. Malgré les progrès enregistrés sur le plan industriel (par suite de mesures visant à encourager l’industrie et d’une politique à caractère protectionniste), la principale branche de l’économie roumaine n’en demeure pas moins l’agriculture ; celle-ci enregistre, elle aussi, une courbe ascendante, en dépit des graves obstacles que représentent la structure de la propriété et la concurrence des céréales étrangères.

La vie politique se polarise autour du parti libéral (qui représente les intérêts de la bourgeoisie) et du parti conservateur (qui exprime les intérêts des gros propriétaires fonciers). L’alternance de ces deux partis au pouvoir constitue le trait caractéristique du système de gouvernement de la Roumanie de l’époque.

Dans la seconde moitié du xixe s., parallèlement à l’accroissement numérique de la classe ouvrière, les premiers cercles socialistes et ouvriers se constituent et en 1893 prend naissance le parti social-démocrate des ouvriers de Roumanie (Partidul social-democrat al muncitorilor din România) [P. S. D. M. R.] (dénommé, après 1910, « parti social-démocrate de Roumanie » [Partidul social-democrat din România (P. S. D. R.)]).

Depuis 1848, la Transylvanie se trouve sous la domination directe des Habsbourg. Après la création de l’État austro-hongrois (1867), elle est annexée à la Hongrie, ce qui vaut aux Roumains transylvains un surcroît d’oppression sociale et nationale. En 1881, une organisation politique centralisée de la bourgeoisie roumaine de Transylvanie prend corps : c’est le parti national roumain (P. N. R.), qui jouera un rôle important dans la lutte de libération nationale des Transylvains.

La rédaction d’un mémorandum, en 1892, par le parti national roumain est l’événement le plus important de la lutte menée pour la libération nationale et sociale en Transylvanie durant toute la période comprise entre la révolution de 1848-49 et l’union de la Transylvanie avec la Roumanie (1918).

Le fait qu’aucune solution ne soit donnée au problème agraire et, la survivance de nombreux vestiges des rapports féodaux provoquent des troubles fréquents dans les rangs de la paysannerie : révoltes de 1888 et de 1907. La jacquerie de 1907 prend les proportions d’une véritable guerre paysanne et gagne le pays tout entier.

En matière de politique extérieure, l’orientation proallemande du roi Charles Ier et de certains leaders politiques roumains détermine en 1883 l’adhésion de la Roumanie à la Triple-Alliance, bien que de fortes divergences opposent la Roumanie à l’Autriche-Hongrie. Ces divergences ont pour causes les problèmes économiques (la guerre douanière de 1884-1886) et la domination que l’Empire austro-hongrois exerce sur la Transylvanie, habitée en majorité par des Roumains.

Mais, en même temps, dans la politique extérieure de la Roumanie commencent à se faire jour des tendances d’une orientation vers les puissances occidentales, notamment vers la France, tendances qui s’accentueront considérablement à la veille de la Première Guerre mondiale.


La Grande Roumanie

En 1913, la Roumanie participe à la deuxième guerre balkanique, terminée par la paix de Bucarest (10 août 1913), aux termes de laquelle la région située au sud de la Dobroudja (contrée connue sous le nom de quadrilatère) est attribuée à l’État roumain.

Dès que la Première Guerre* mondiale est déclenchée, l’Entente et les Puissances centrales s’efforcent d’attirer le pays aux côtés de l’un ou de l’autre des deux blocs militaires. Passant outre à la position germanophile du roi Charles Ier et des conservateurs, la Roumanie décide d’adopter une attitude de neutralité armée durant les deux premières années de guerre ; pendant toute cette période, les dirigeants politiques roumains engagent des pourparlers diplomatiques avec les deux coalitions. Finalement, la Roumanie conclut un traité d’alliance (août 1916) avec les puissances de l’Entente, qui promettent de satisfaire l’aspiration à l’unité de l’État roumain.

En 1916, la Roumanie se joint donc à l’Entente et déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie (28 août 1916). Après quelques succès militaires remportés en Transylvanie, l’armée roumaine est prise dans les tenailles d’une double offensive allemande — à laquelle prennent part des troupes austro-hongroises, bulgares et turques — partant à la fois des Carpates et du Danube. En décembre 1916, les troupes ennemies occupent la capitale de la Roumanie ainsi que les deux tiers du pays. Au début de 1917, la ligne du front est stabilisée sur le Siret, le bas Danube et le bras Sfîntu-Gheorghe (Saint-Georges) du delta du Danube.

Durant l’été de 1917, l’armée roumaine, réorganisée avec l’appui d’une mission militaire française, lance une attaque à Mărăşeşti (juill.) et brise l’offensive allemande à Mărăşeşti (juill.-août). Vers la fin de l’année 1917, la situation militaire de la Roumanie est devenue particulièrement critique, par suite de certaines difficultés survenues aussi bien sur le plan intérieur que sur le plan extérieur. Dans ces circonstances, le gouvernement roumain doit conclure l’armistice de Focşani (9 déc. 1917), auquel succèdent le traité préliminaire de Buftea (5 mars 1918), puis le traité de paix de Bucarest (7 mai 1918), par lequel la Roumanie se voit imposer de lourds sacrifices territoriaux et économiques en faveur des Puissances centrales. Mais le 27 mars 1918, la Bessarabie est intégrée à la Roumanie.