Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rotterdam (suite)

Rotterdam est un port municipal, la ville ayant à sa charge (avec l’aide de l’État) les travaux d’aménagement et l’acquisition d’une partie du matériel portuaire ; les quais et les terre-pleins sont loués aux sociétés commerciales et industrielles et aux compagnies de navigation, qui disposent de leurs propres bâtiments et d’un équipement spécifique. L’attrait du port repose en grande partie sur sa bonne organisation, la rapidité des opérations de déchargement et de transbordement (souvent réalisées par du matériel flottant), la grande capacité de stockage de ses entrepôts et l’existence de services annexes comme la réparation navale ; en outre, l’extension mondiale des relations maritimes, avec la présence de très nombreuses lignes régulières, assure aux affréteurs la certitude d’un acheminement à bref délai de leurs marchandises.

Europoort et Maasvlakte

L’extension des aires portuaires vers l’ouest, au sud de la Nieuwe Waterweg, ne constitue que le prolongement d’une politique suivie depuis la fin du siècle dernier ; mais les développements récents ont frappé l’imagination par l’ampleur des travaux effectués, l’importance des conquêtes réalisées sur la mer et la fonction internationale (« porte de l’Europe ») assignée aux nouveaux espaces portuaires.

La construction d’Europoort, décidée par la municipalité de Rotterdam en 1957 et approuvée par le gouvernement en 1958, a entraîné un bouleversement du paysage de la partie occidentale de l’île de Rozenburg, avec l’arasement complet du cordon dunaire ; la pièce maîtresse en est le Calandkanaal, auquel on accède directement au sud de l’entrée de la Nieuwe Waterweg : profond de plus de 20 m, il permet depuis 1970 la desserte des raffineries par des pétroliers de 200 000 à 250 000 t. Dès 1968, les terrains industriels proches des bassins étaient presque tous occupés ou attribués (raffineries de pétrole et usines chimiques essentiellement) ; en outre, le tonnage des navires en circulation ou en chantier continuait de s’accroître ; si Rotterdam voulait conserver l’avantage parmi les grands ports européens, il devenait urgent de mettre en œuvre le projet de la Maasvlakte, malgré la lourde charge financière qu’avait représentée l’aménagement d’Europoort. La Maasvlakte était un banc de sable à faible distance de l’île de Rozenburg ; son utilisation impliquait donc la conquête sur la mer d’au moins 2 000 ha, avec l’exhaussement du niveau à + 5 m et la construction de solides digues de protection. Les travaux sont actuellement en cours, mais des incertitudes subsistent quant à la destination des nouveaux espaces industriels. Si l’implantation d’une sidérurgie « sur l’eau » reste controversée, un fait important est cependant acquis : Rotterdam accueillera à bref délai les plus gros minéraliers et pétroliers en circulation (jusqu’à 400 000 ou 500 000 t) ; les chantiers navals Verolme disposent déjà à Rozenburg de docks permettant la construction de navires de 450 000 t, et la Maasvlakte pourrait devenir le principal centre européen d’éclatement des cargaisons des gros minéraliers, peut-être concurrencée à terme par Le Havre et le terminal d’Antifer.


Les industries

Depuis longtemps, l’activité industrielle de Rotterdam témoigne de liens étroits avec la fonction portuaire. Dès avant le xixe s., le traitement des marchandises importées (grains, sucre, tabac, etc.) et les constructions navales tenaient une place importante dans l’économie urbaine. Mais c’est surtout depuis 1920 que se sont développées les branches nouvelles qui dominent aujourd’hui le panorama industriel du Rijnmond. Les industries de service, liées à l’activité du port, gardent un rôle significatif : principal centre néerlandais de constructions navales, Rotterdam dispose aussi d’industries métallurgiques fournissant les moteurs, l’appareillage électrique, l’équipement des navires et des quais. De même, les industries alimentaires sont toujours fortement représentées, avec en particulier les minoteries, les biscuiteries et les huileries (fabrication de margarine). Les industries d’origine ancienne se localisent essentiellement dans la ville même, surtout sur la rive sud et à proximité des bassins creusés avant 1930. Au contraire, les créations récentes, qui relèvent principalement du raffinage du pétrole et de la chimie, se sont développées au fur et à mesure de l’extension du port vers l’ouest, depuis l’implantation de la première raffinerie (Shell) à Pernis dans l’entre-deux-guerres. De Pernis à Europoort, sur près de 30 km, on trouve actuellement un paysage industriel quasi continu, marqué par les superstructures métalliques, les torchères et les immenses réservoirs des raffineries de pétrole. La plupart des grandes compagnies mondiales ont ici un ou plusieurs établissements : l’essentiel du brut importé (une partie est expédiée par oléoduc vers la Rhénanie, Amsterdam et Anvers) est traité sur place, et les produits raffinés donnent lieu à une élaboration ultérieure dans une série d’usines modernes appartenant à des sociétés néerlandaises, anglaises et américaines (Impérial Chemical Industries, Dow Chemical) ; une gamme très variée de produits chimiques, parmi lesquels le caoutchouc, les textiles synthétiques et les matières plastiques occupent une place importante, alimente les industries de transformation néerlandaises et aussi étrangères, car une fraction de la production est exportée. La métallurgie se limite pour l’instant à l’industrie de l’aluminium, les projets déjà anciens d’implantation d’un complexe sidérurgique n’ayant encore déterminé aucune réalisation concrète.

Dans l’ensemble, les activités du secteur secondaire sont moins variées à Rotterdam qu’à Amsterdam et reposent beaucoup plus sur des industries de base nécessitant de vastes espaces et de gros investissements, mais un volume de main-d’œuvre relativement réduit ; elles emploient néanmoins, à côté des travailleurs qualifiés autochtones, un nombre croissant d’immigrés venus des pays méditerranéens et dont l’insertion dans la société néerlandaise commence à poser de sérieux problèmes. Difficile à concilier avec la politique de décentralisation industrielle, cette concentration autour des aires portuaires en eau profonde entraîne d’autres soucis pour les autorités locales : approvisionnement en eau, pollution atmosphérique (sensible jusqu’à La Haye* par temps de brouillard), logement de la main-d’œuvre. L’insuffisance des emplois féminins explique également le vœu souvent émis d’une diversification industrielle et d’un ralentissement de la croissance des activités de base, qui pourraient trouver un terrain favorable à une plus grande distance de l’agglomération, en particulier dans les zones en cours d’aménagement du Moerdijk (au sud du Hollands Diep) et de Zélande.