Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rotterdam (suite)

Favorable à un rapprochement avec la France et hostile au pouvoir monarchique du stathouder, le parti « patriote » s’assure la majorité au Conseil de ville lors des élections de janvier 1787. Aussi Rotterdam accueille-t-elle en 1795 les Français, qui y favorisent l’instauration d’une municipalité jacobine destituée après le coup d’État du 22 floréal (11 mai 1798). La ville est intégrée à la République batave (1795-1806), puis au royaume de Hollande (1806-1810) avant d’être annexée à l’Empire français (1810-1813) ; elle est victime du Blocus continental, qui provoque le déclin de ses activités portuaires. Malgré une légère amélioration due à la séparation en 1830 de la Belgique et de la Hollande, qui freine la renaissance d’Anvers, cette période de récession économique ne prend fin qu’avec le creusement, sous la direction de Pieter Caland (1826-1902) entre 1863 et 1872, d’une nouvelle voie d’eau ; la Nieuwe Waterweg, en communication directe avec la mer. Profitant également de la réalisation de l’unité allemande en 1871, de l’industrialisation de la vallée rhénane et surtout de la région de la Ruhr, dont il est le débouché naturel vers la mer, le port de Rotterdam est doté entre 1870 et 1940 de plus de vingt nouveaux bassins en eau profonde, permettant à 1 200 navires de s’y ancrer chaque année. Détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, en particulier lors du raid de la Luftwaffe du 14 mai 1940, cette infrastructure est reconstituée par la suite.

P. T.


Le port

Avec un trafic supérieur à 294 Mt, le port de Rotterdam occupait en 1973 le premier rang mondial pour le tonnage des marchandises chargées et déchargées. Son grand essor date surtout du xxe s. À l’origine, Rotterdam ne constitue que l’un des multiples petits ports des bouches de la Meuse et du Rhin et, si son importance s’accroît au cours des xvie et xviie s. (Dordrecht passe alors au second plan), Amsterdam* garde la prééminence aux Pays-Bas jusque vers 1900. Le site portuaire ancien ne présente pas d’avantages exceptionnels : c’est un petit estuaire de la rive nord de la Nouvelle Meuse (Nieuwe Maas), relativement éloigné de la mer et dont les accès sont gênés par l’envasement croissant de cette partie du « delta ». Comme à Amsterdam, la construction d’un canal maritime dans la seconde moitié du xixe s. représente un épisode décisif dans l’évolution portuaire : la Nieuwe Waterweg (« nouvelle voie d’eau »), mise en service en 1872, est approfondie à plusieurs reprises au cours des décennies suivantes ; contrairement au canal de la mer du Nord, son accès libre d’écluses facilite les relations entre Rotterdam et la mer. Jusque vers 1870, le port comprend seulement de petits bassins creusés dans la rive nord de la Nieuwe Maas, où l’extension est limitée par la présence des noyaux urbains de Rotterdam, Schiedam et Vlaardingen. Au contraire, la rive sud offre de très bonnes possibilités de développement au moment où s’accélère la construction du réseau ferré néerlandais ; le Spoorweghaven (« port du chemin de fer », 1879) marque la première étape d’une série de grands travaux qui se caractérisent par un glissement vers l’aval de l’activité portuaire, dans des bassins de plus en plus vastes et accessibles à des navires de tonnage croissant : Rijnhaven (30 ha), Maashaven (60 ha), Waalhaven (310 ha et 12 m de profondeur) ; après 1920, le creusement de quelques bassins sur la rive nord (Merwehaven) ne modifie pas le sens général de l’évolution : les trois ports pétroliers, dont le plus récent appartient à la grande zone portuaire du Botlek (1 200 ha), le complexe d’Europoort, les projets en cours de réalisation de la Maasvlakte confirment la recherche de vastes plans d’eau directement accessibles aux plus gros navires de mer.

C’est la situation de Rotterdam qui explique la croissance exceptionnelle de son trafic au xxe s. ; le port dispose en effet d’un arrière-pays très étendu grâce à la présence de la voie rhénane, principal axe européen de navigation intérieure, qui dessert notamment les régions les plus industrialisées d’Allemagne : actuellement, chaque année, plus de 100 Mt de marchandises passent la frontière germano-néerlandaise, l’essentiel ayant pour origine ou destination le port de Rotterdam, où s’effectue le transbordement des navires de mer à la batellerie rhénane. Le transit (hydrocarbures exclus) a connu sa plus grande importance dans l’entre-deux-guerres, où il représenta jusqu’à 75 p. 100 du trafic total du port ; les relations entre l’Angleterre et l’Allemagne, l’approvisionnement en matières premières des industries allemandes constituaient alors les tâches primordiales du port de Rotterdam. Depuis la Seconde Guerre mondiale, malgré une croissance en valeur absolue, la part du transit a considérablement diminué (moins de 25 p. 100 aujourd’hui) ; tout en gardant un arrière-pays à l’échelle européenne, Rotterdam est de plus en plus un port national dont le trafic alimente de façon croissante les propres industries. Ces changements résultent en partie de la volonté des Allemands de favoriser leurs ports nationaux de la mer du Nord, mais surtout du grand développement industriel récent du Rijnmond (organisme public qui groupe 23 communes et dont le conseil est élu au suffrage universel direct), devenu un des principaux complexes pétroliers et chimiques européens.

Le trafic de Rotterdam (Europoort inclus) présente deux caractères communs à beaucoup de grands ports des pays développés : un déséquilibre entre les entrées et les sorties et une place considérable des hydrocarbures. Ces deux éléments sont liés : si les produits pétroliers constituent le principal poste aux entrées comme aux sorties, la réexportation des produits raffinés par la voie maritime atteint à peine en tonnage le tiers des importations de pétrole brut. Aux entrées (plus de 70 p. 100 du trafic), on trouve en outre surtout des minerais métalliques et des denrées d’origine agricole (en particulier les grains et les fruits tropicaux) ; aux sorties, une plus grande variété de produits, parmi lesquels les biens manufacturés tiennent une certaine place en valeur, sinon en tonnage. Les marchandises générales sont manipulées dans la partie la plus ancienne du port, au sud et à l’ouest de la ville, tandis que les bassins récents sont spécialisés dans les hydrocarbures, les produits chimiques et les minerais. Depuis quelques années, Rotterdam participe à un trafic de grand avenir, celui des conteneurs, pour lequel on projette le creusement d’un nouveau bassin (Rijnpoort) sur la rive nord, entre Maassluis et le port de voyageurs de Hoek van Holland.