Deuxième ville des Pays-Bas* (province de Hollande-Méridionale) et le plus grand port mondial ; 670 000 hab. (plus d’un million pour l’agglomération).
L’histoire
À l’origine petit village de Hollande septentrionale, Rotterdam est née de la construction d’une digue, ou dam, vers 1240 sur la Rotte, rivière qui se jetait dans la Nieuwe Maas (l’un des bras du delta commun de la Meuse et du Rhin), et de l’installation d’une colonie près de cette digue. Elle accède à l’état de cité par des chartes successives : en 1299, puis en 1328 ; en 1340, Guillaume IV, comte de Hollande, lui accorde son statut définitif de ville, concédant en même temps aux citoyens le droit de creuser un canal jusqu’à la Schie, autre affluent de la rive droite de la Nieuwe Maas. Rotterdam est ainsi en liaison avec de grands centres d’affaires : Leyde, Delft et Dordrecht. Port de pêche et de commerce accessible à des navires de fort tonnage, la ville bénéficie de l’industrie drapière à Delft et à Leyde et de l’invention de la mise en caque, qui rend possible l’exportation massive des harengs. Mais son véritable essor ne date que de la seconde moitié du xve s. — illustré également par la naissance d’Érasme vers 1469, dont la gloire contribue au renom de la ville. Les navires de Rotterdam, comme ceux d’Amsterdam, participent à l’expansion maritime et commerciale des Hollandais, auxquels le roi de Danemark ouvre en 1431 les détroits par la paix de Copenhague, qui leur permet de ruiner progressivement le monopole du commerce maritime que détenaient jusque-là les Hanséates. Mais le mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien* d’Autriche en 1477 ralentit cette croissance, l’autoritarisme centralisateur provoquant des troubles dont l’instigateur est Frans Van Brederode (1465 ou 1466-1490) ; mais la situation est encore plus critique sous les règnes de Charles Quint* et surtout de Philippe II*. D’abord en partie détruite accidentellement par un incendie en 1563, la ville est occupée et pillée par les troupes espagnoles du stathouder Maximilien Van Boussu qui tentent de reprendre Brielle, où les « gueux de mer » calvinistes venus d’Angleterre ont débarqué le ler avril 1572. Rotterdam, qui a chassé les Espagnols en juillet, se range aux côtés du prince Guillaume Ier * d’Orange-Nassau, qui anime l’opposition protestante aux Habsbourg catholiques et qui est reconnu stathouder par les états de Hollande réunis au milieu du mois à Dordrecht. Partie intégrante des Provinces-Unies* nées en fait de l’Union d’Utrecht du 23 janvier 1579, Rotterdam bénéficie dès lors du blocus de l’Escaut (1585). Conséquence de la guerre menée contre l’Espagne*, celui-ci détourne en effet les courants commerciaux qui animaient les ports flamands et brabançons restés espagnols vers les ports zélandais et hollandais, où affluent les marchands et les artisans d’Anvers* victimes du sac de 1576 ou fuyant l’Inquisition* après la reconquête de cette ville par Alexandre Farnèse en 1585. Conçu à la fin du xvie s. par le Conseil de la ville à l’instigation du pensionnaire Johan Van Oldenbarnevelt (1547-1619), un plan d’agrandissement et de rénovation du port et du canal maritime dote alors Rotterdam d’un nouveau et vaste quartier portuaire équipé de plus de dix bassins profonds. Le port dispose en outre d’un nouvel outil de transport, la flûte, navire gros porteur mis au point avant 1590 et qui sort en partie de ses chantiers navals. Rotterdam reste non seulement un centre actif de la pêche artisanale du hareng, dont 80 p. 100 du produit est exporté, mais devient également au xviie s. la deuxième place marchande des Provinces-Unies. Accueillant à ce titre de 1635 à 1656 la compagnie des Marchands aventuriers, exportateurs de draps anglais non apprêtés, la ville entretient en outre au xviie et au xviiie s. avec la France et l’Angleterre un trafic dont la régularité est interrompue par les nombreuses guerres qui opposent les Provinces-Unies principalement à la première de ces puissances. Enfin, elle se tourne vers l’Indonésie et l’Amérique et devient l’une des étapes les plus importantes de la Compagnie des Indes orientales. Un tel essor commercial entraîne dès 1609 la création d’une banque de dépôt organisée sur le modèle italien ; de plus, il enrichit la bourgeoisie, ainsi qu’en témoignent les investissements que consent cette dernière à l’extension des polders et à la culture de la garance. De 1622, date à laquelle elle compte 45 000 habitants, jusqu’en 1795, Rotterdam accroît sa population de 117 p. 100. Un tel taux s’explique non seulement par sa prospérité économique, mais aussi par l’ouverture religieuse de la ville. Adhérant surtout à la forme la plus tolérante du calvinisme, l’arminianisme, acceptant la présence d’un service d’assistance catholique, Rotterdam accueille en effet en 1685, à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, de nombreux protestants chassés de France, parmi lesquels Pierre Bayle, qui y publie en 1696-97 le célèbre Dictionnaire historique et critique.