Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Assyrie (suite)

Son fils et successeur, Shoulmân-asharêdou III (Salmanasar) [859-824], reprend les mêmes expéditions : dans le Zagros, où il rencontre, à partir de 843, des nouveaux venus de langue indo-européenne, les Mèdes et les Perses ; dans le bassin du Tigre supérieur et la cuvette du lac de Van, où les agressions assyriennes ont provoqué la formation d’un État puissant, l’Ourarthou. Mais, surtout, ce roi entreprend de rendre régulière la levée du tribut dans cette riche Syrie, où son père n’avait fait que passer. Dès 859, il franchit l’Euphrate et se heurte aux royaumes néo-hittites ; pour assurer ses arrières, il annexe le Bît-Adini (857). Une nouvelle expédition (854) échoue (bataille de Qarqar) devant Hamat (auj. Ḥamā), défendue par une coalition qui est dirigée par le souverain araméen de Damas et qui comprend douze rois, dont le Pharaon. L’Assyrien revient bien des fois en Syrie ; il obtient à chaque fois le tribut d’une foule de roitelets et même, en 842, celui de Damas, mais le temps de sa domination se limite à celui du séjour des troupes assyriennes. Il n’est pas beaucoup plus heureux en Cilicie et en Cappadoce (royaume de Tabal), où il dispute à d’autres Néo-Hittites le contrôle des fameuses mines du Taurus.


La crise interne de l’Assyrie (826-746)

L’expansion de l’Assyrie est brisée par une guerre civile qui serait, d’après G. Goossens, d’origine sociale : Assour-dân-apli, fils aîné de Shoulmân-asharêdou III et qui se révolte contre son père en 828, se serait appuyé sur la petite noblesse du vieux pays assyrien, jalouse de l’aristocratie de cour, qui accaparait les grands offices et les profits de la guerre et de l’administration des pays soumis. La révolte est écrasée en 823 seulement par le frère du révolté, Shamshi-Adad V (824-810). Celui-ci doit faire des concessions à la grande noblesse, qui l’a soutenu : les gouverneurs et les grands officiers deviennent inamovibles. Malgré l’énergie de Shamshi-Adad V, l’affaiblissement du pouvoir royal et le morcellement de l’autorité diminuent la puissance de l’Assyrie, dont les troupes ne font plus régulièrement campagne. Son fils Adad-nirâri III (810-782) peut encore aller humilier le roi de Damas, bloqué dans sa capitale (805), mais, après lui, c’est une succession de souverains sans relief, que les grands officiers du temps oublient de nommer dans leurs inscriptions. La poussée de l’Ourarthou, qui tend à prendre la place de l’Assyrie dans le Nord syrien, est contenue à grand-peine dans la haute vallée du Tigre ; à plusieurs reprises, des révoltes éclatent dans les villes d’Assyrie.


L’empire du Proche-Orient (viiie - viie s.)

Un nouveau soulèvement amène sur le trône Toukoulti-apil-ésharra III (746-727), le Téglat-phalasar de la Bible, qui rétablit rapidement la situation dans le royaume d’Assour. La multiplication des charges auliques et le morcellement des provinces affaiblissent la haute noblesse en élargissant ses rangs. Tenant sans doute compte du mécontentement que la conscription suscitait dans une Assyrie épuisée par la guerre incessante, les rois de ce pays recruteront désormais leur infanterie chez les prisonniers de guerre et n’utiliseront plus les Assyriens que dans les troupes d’élite : le génie, la charrerie, la cavalerie ; les chars ne servent plus qu’à transporter les troupes, car la force de choc est maintenant constituée par les cavaliers, les Assyriens ayant appris à monter à cheval au contact des Mèdes, chez qui ils vont régulièrement razzier des montures. Enfin, la cour d’Assyrie pratique désormais une politique extérieure suivie : intervention systématique dans les querelles dynastiques et les guerres locales, annexions et déportations de plus en plus fréquentes pour répondre aux révoltes.

Dans ces conditions, Toukoulti-apil-ésharra III récupère rapidement les positions avancées de la domination assyrienne au siècle précédent et les dépasse amplement. À la suite de ses campagnes dans le Zagros, il reçoit le tribut des Mèdes de tout le nord de l’Iran. En 743, il bat une coalition des rois de la Syrie septentrionale et du Taurus, sans doute animée par le roi d’Ourarthou, Sardouri, qui doit renoncer à la prépondérance qu’il exerçait dans ces régions ; en 735, l’Ourarthéen est même assiégé dans sa capitale, Toushpa (au sud-est du lac de Van), par les Assyriens, qui ont reconquis tout le bassin du Tigre supérieur. Mais la résistance au roi d’Assyrie se maintient en Cappadoce et dans le couloir syrien : il faut trois campagnes pour prendre Arpad, capitale d’un royaume araméen de la région d’Alep (740) ; une coalition de princes syriens est battue en 738, puis, de 734 à 732, l’Assyrien, sans doute pour déjouer les intrigues de l’Égypte, occupe la Palestine et la Transjordanie, et détruit le royaume araméen de Damas.

Enfin, Toukoulti-apil-ésharra III se laisse tenter par la faiblesse de la Babylonie, où les usurpateurs se succèdent rapidement et dont le territoire est en fait divisé entre les chefs des tribus araméennes. Il rompt alors avec la politique prudente de ses prédécesseurs, qui tantôt avaient battu les rois de Babylone et s’étaient contentés d’annexer une ou deux bourgades, tantôt étaient venus soutenir un prétendant de leur choix et, après avoir châtié quelques tribus de pasteurs, s’étaient présentés en pèlerins dans les villes saintes de basse Mésopotamie. Ayant affaire en Babylonie à un usurpateur décrié, l’Assyrien le capture et se fait proclamer roi à Babylone sous le nom de règne de Poulou, indiquant ainsi qu’il entend maintenir l’existence propre du royaume du Sud, mais la domination assyrienne s’y heurtera toujours aux réticences des citadins et aux révoltes des tribus araméennes, qui trouvent un asile dans les marais des basses vallées et du Pays de la mer. Cette union personnelle des deux États se maintient sous le fils aîné du grand conquérant, Shoulmân-asharêdou V (Salmanasar) [727-722], dont la campagne la plus notable aboutit à la prise de Samarie (722), capitale du royaume d’Israël.