Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Assyrie (suite)

Victime d’une révolte de la ville d’Assour, dont il avait supprimé les franchises, ce roi est remplacé par son frère, Sargon II (Sharrou-kên en assyrien) [722-705], qui a hérité de toute l’énergie de son père. Mais, désormais, les ennemis de l’Assyrie se prêtent volontiers main-forte, et l’étendue de l’empire entrave l’expédition des renforts. Profitant de la crise de succession, la Syrie se soulève et Babylone se donne pour roi l’Araméen Mardouk-apal-iddin II, le Mérodach-baladan de la Bible, qui, avec l’aide des Élamites, arrête l’armée assyrienne (720). Renonçant momentanément à la Babylonie, Sargon se retourne contre la Syrie : la coalition dirigée par le roi araméen de Hamat est écrasée à Qarqar, sur l’Oronte (720) ; le roi de Gaza et un général égyptien sont battus à Raphia (auj. Rafa) [720], mais les intrigues des pharaons amènent de nouvelles expéditions assyriennes en Palestine. La lutte contre les Néo-Hittites, qui sont longtemps appuyés par Rousâ, roi d’Ourarthou, et par Mita, roi de Moushki (sans doute le Phrygien Midas), est aussi difficile : Sargon annexe peu à peu la Cilicie et les régions du Taurus et de l’Anti-Taurus, mais ne parvient pas à soumettre totalement la Cappadoce. Par contre, son armée porte un coup terrible à Rousâ, qui lui disputait la tutelle des Mannéens (peuple situé au sud du lac de Rezāye) ; après la dévastation de son royaume (714), l’Ourarthéen se suicide, et ses successeurs se garderont d’inquiéter l’Assyrie. Enfin, en 710, Sargon trouve le temps pour attaquer la Babylonie : Mardouk-apal-iddin II s’enfuit, et l’Assyrien se fait proclamer roi dans la ville de Mardouk. Sa domination est alors reconnue dans la majeure partie de l’Asie occidentale : le roi de Dilmoun (île Bahreïn) et ceux de Chypre lui envoient le tribut. Mais à peine le conquérant a-t-il inauguré sa ville de royauté, Dour-Sharroukên (auj. Khursabād ou Khorsabad), au nord de Ninive, qu’il doit repartir en Cappadoce, où il est tué lors d’un combat (705).

Son fils et successeur, Sin-ahê-érîba (705-680), le Sennachérib de la Bible, manifeste le même caractère énergique et cruel. Son avènement est également pour les Babyloniens l’occasion de reprendre leur indépendance. Sin-ahê-érîba, qui entre à Babylone après avoir battu les Élamites et les Araméens (703), juge plus prudent de confier le trône de la grande ville à un Araméen qui a été otage chez les Assyriens, puis, après une nouvelle révolte (700), au prince héritier d’Assyrie. En 694, le roi d’Élam capture le roi assyrien de Babylone et le fait exécuter ; il faut à Sin-ahê-érîba cinq ans de luttes indécises pour triompher de ses ennemis. Aussi, après avoir pris Babylone (689), celui-ci fait raser la ville et ses temples, sacrilège qui rend les Assyriens odieux en basse Mésopotamie et divise même la cour d’Assyrie. Les autres révoltes survenues durant son règne — dans le Zagros, en Phénicie et en Palestine — coûtent moins de peine à Sin-ahê-érîba, qui peut ainsi consacrer quelques années aux grands travaux de Ninive, sa résidence.

Le destructeur de Babylone est assassiné dans un temple par deux de ses fils ; une guerre de succession s’ensuit, terminée par l’accession au trône d’Assour-ah-iddin (680-669), l’Assarhaddon (Asarhaddon) de la Bible, un prince bien différent de son père, Sin-ahê-érîba. Le nouveau roi, par ailleurs vaillant à la guerre mais de santé fragile et de tempérament anxieux, tourmenté par les périls aux frontières, ne cesse de consulter les dieux et emploie des rites extraordinaires pour conjurer les présages défavorables. Porté au pouvoir par une coterie assyrienne qui prône l’indulgence à l’égard des Babyloniens, il fait rebâtir les temples de la ville de Mardouk pour réparer le sacrilège de son père, dont la fin tragique le hante. Assour-ah-iddin s’efforce également de pratiquer une politique conciliante à l’égard des chefs mèdes, car la domination assyrienne a dû reculer dans le Zagros devant de nouveaux venus barbares : les Cimmériens, qui vont ensuite glisser vers l’Anatolie, et les Scythes, qui sont établis à demeure dans le royaume des Mannéens. Mais la grande pensée du règne est la conquête de l’Égypte, destinée à mettre fin aux intrigues du pharaon éthiopien, qui pousse à la révolte les cités phéniciennes, dont l’économie est liée à celle de la vallée du Nil. Assour-ah-iddin détruit Sidon (677) et donne une partie de son territoire au roi de Tyr, qui n’en fait pas moins défection au moment où l’armée assyrienne réussit à pénétrer dans le Delta (671) : le pharaon éthiopien est rejeté en Nubie, et la domination de l’Assyrie est étendue à toute l’Égypte, morcelée en petits royaumes sujets. Mais Assour-ah-iddin meurt au moment de reprendre les opérations dans ce pays, où, sans doute, la rébellion avait suivi le retour du roi.

Le défunt souverain avait partagé ses États de façon curieuse entre ses deux fils : l’aîné, Shamash-shoum-oukîn, reçoit Babylone et le pays d’Akkad avec le titre de roi, mais sous le contrôle de son cadet, Assour-bân-apli (669 - v. 627), dit aussi Assourbanipal, qui est roi d’Assyrie et maître de l’empire. Ce dernier, plus encore que son père, diffère du type traditionnel du monarque assyrien : Assour-bân-apli se glorifie d’être un lettré en akkadien et en sumérien, et, séjournant la plupart du temps à Ninive, il confie ses troupes à ses grands officiers. En Égypte, l’armée assyrienne, rappelée deux fois pour soutenir les petits rois sujets de Ninive contre le retour offensif du pharaon éthiopien, finit par saccager Thèbes (v. 663), qui soutenait ce dernier. En 651, Shamash-shoum-oukîn, étouffant dans son État minuscule, lance contre son frère une coalition où il a rassemblé Babyloniens, Araméens du Pays de la mer, Arabes, Élamites, citadins de Syrie, Égyptiens, montagnards du Zagros, mais, mal secouru, il succombe en 648. La cour de Ninive châtie les alliés du révolté, et particulièrement l’Élam, qui, depuis Sargon II, a soutenu les rebelles de Babylonie. Assour-ah-iddin, profitant du morcellement du peuple élamite en plusieurs royaumes, avait joué déjà des rivalités des princes, qu’il appuyait tour à tour ; Assour-bân-apli, qui avait continué cette politique, constate finalement que chaque Élamite accédant au trône se comporte en ennemi de l’Assyrie, et il décide d’en finir : une armée assyrienne saccage de fond en comble Suse, les villes voisines et leurs campagnes (v. 646).