Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Assyrie (suite)

L’Empire assyrien submergé par les Araméens (xie - xe s.)

Le règne de Toukoulti-apil-ésharra Ier se termine par des troubles intérieurs, qui ne cesseront plus durant le xie s. Les rois paient ainsi le prix de défaites inévitables : l’Assyrie perd son empire de haute Mésopotamie et est réduite à la vallée du Tigre moyen. Elle est alors véritablement cernée par les Araméens : les moins dangereux sont encore les soldats en garnison dans les cités de l’ancien Hanigalbat, qui ont toutes maintenant un roi araméen ; plus sauvages, les pasteurs, qui ne cessent d’affluer du désert de Syrie et ne rencontrent plus guère de résistance dans le royaume babylonien, que d’autres Araméens ont déjà colonisé, parcourent les steppes au sud et à l’est de l’Assyrie, depuis l’Euphrate moyen jusqu’au pied du Zagros septentrional. Les campagnes assyriennes sont dépeuplées par les Barbares, qui pillent, massacrent ou vendent les populations, et les villes, sans cesse menacées par leurs brusques attaques, souffrent de la famine.


La reprise des expéditions de pillage (xe - ixe s.)
Le second Empire assyrien (ixe - viie s.)

Il est difficile d’expliquer le sursaut national qui ranime l’Assyrie à partir de la fin du xe s. Peut-être ce phénomène est-il dû à l’achèvement de la sédentarisation des Araméens dans la partie septentrionale de la haute Mésopotamie, dont le sol portait plus normalement des cultures qu’une steppe pastorale, et au morcellement, en une foule de cités-États, des adversaires du royaume assyrien, morcellement qui a pu encourager ce dernier à reprendre l’offensive.

Les textes, puis, à partir du ixe s., les reliefs des palais nous font connaître l’équipement militaire assyrien et son évolution. Composée de paysans recrutés par les grands propriétaires sur leurs domaines, l’armée assyrienne acquiert une réelle valeur technique avec l’habitude des longues campagnes annuelles. La troupe de choc est longtemps celle des chars, qui portent chacun un conducteur, un archer et le porte-bouclier qui les protège. Elle ouvre à travers les rangs ennemis le chemin aux archers et piquiers de l’infanterie assyrienne. Un rôle capital est joué par le génie, qui permet aux chars de traverser les montagnes et les fleuves, et emploie contre les villes assiégées les béliers, les tours roulantes et les sapes.

Cette armée, fort mobile pour l’époque, va, chaque année, extorquer le tribut à un certain nombre de cités étrangères ; si elle n’opère pas l’année suivante dans le même secteur, les villes, qui avaient feint la soumission par prudence, refusent d’expédier un nouveau tribut ; elles sont alors considérées comme rebelles au dieu Assour, et tout est permis contre leurs habitants. Cependant, les rois d’Assyrie n’annexent que lentement les cités vaincues et en commençant par les plus proches du cœur de leur État. Mais ils établissent fort loin des colonies d’Assyriens chargées de garder les gués de l’Euphrate et des points stratégiques dans les montagnes au nord et à l’est de la Mésopotamie.

À cette époque, la guerre, qui permet la perception du tribut, devient une nécessité vitale pour l’économie assyrienne, qui se procure ainsi à bon compte les denrées étrangères qu’elle aurait du mal à acheter avec ses médiocres productions. Bientôt, les déportations permettront d’introduire des techniques nouvelles dans les cités d’Assyrie et fourniront la main-d’œuvre des grands travaux. Les profits de la guerre amènent en effet l’essor des constructions, et l’abondance nouvelle des inscriptions tracées sur les murs ou placées dans les fondations, puis la constitution de nouvelles collections de tablettes dans les palais font que l’époque « néo-assyrienne » (ixe-viie s.) est la seule de l’histoire de l’Assyrie dont on connaisse bien la vie matérielle, les croyances et les institutions.

La religion et l’État restent dominés par Assour, dieu de la ville sainte et maintenant de tout le royaume ; il est rarement représenté (sous forme de l’épée symbolique ou du disque ailé d’inspiration égyptienne, d’où émerge parfois le buste du dieu), mais continuellement invoqué dans les textes. Son grand prêtre est le roi, théoriquement choisi par le clergé dans la famille sacrée de SHOU-Ninoua ; et, lors de son intronisation, où il reçoit un nom chargé de puissance religieuse (par exemple Assour-ouballith : « Assour a fait revivre »), les prêtres ne cessent de lui répéter « Assour est roi » (par excellence). Les reliefs qui représentent le souverain terrestre sous l’aspect conventionnel du type ethnique nord-sémitique (corps grand et lourd, visage dur et massif, aux lèvres charnues et au nez recourbé) ne lui donnent jamais le moindre trait personnel. D’ailleurs, cet être symbolique voit, semble-t-il, sa puissance politique limitée par l’aristocratie de ses grands officiers, personnages puissants qui détiennent les charges ministérielles, gouvernent de vastes provinces et jouent sans doute aussi un rôle dans le choix des rois. Cependant, dans la longue série des souverains assyriens, émergent des personnalités de conquérants heureux, qui ont dû contribuer puissamment à l’essor de leur État.

C’est Assour-dân II (932-912) qui, le premier, reprend l’offensive, après avoir réorganisé la charrerie ; il rétablit la domination assyrienne sur les districts des vallées du Tigre moyen et du Zāb supérieur, qui étaient infestés d’Araméens depuis un siècle. Ses successeurs immédiats conquièrent les cantons montagneux au nord et à l’est du bassin du Tigre, et soumettent au tribut les cités-États des Araméens du Kurdistān turc et du bassin du Khābūr. Mais les grandes opérations militaires ne commencent qu’avec Assour-nâtsir-apli II (appelé à tort Assour-Nasirpal) [883-859]. Ce dernier consacre bon nombre de campagnes à soumettre la bordure montagneuse de la Mésopotamie depuis la haute Diyālā jusqu’aux sources occidentales du Tigre ; d’autres expéditions sont menées contre les Araméens, encore mal fixés, de l’Euphrate moyen. Mais l’Assyrien trouve plus de butin dans la vallée du Khābūr et surtout dans le pays de l’Occident, où il renoue avec la tradition de ses lointains prédécesseurs. Ayant obligé le Bît-Adini araméen (capit. Tilbarsip) et le royaume néo-hittite de Kargamish (Karkemish) à lui livrer les gués de la grande boucle de l’Euphrate, il pénètre après 877 dans le couloir syrien, dont il rançonne les États et particulièrement les cités phéniciennes (Tyr, Sidon, Byblos, Arwad [Arados]). Ces succès sont célébrés par les inscriptions que le conquérant multiplie dans ses résidences : Imgour-Enlil (Balawat), qu’il fonde près de Ninive, et Kalhou, qu’il reconstruit sur un plan plus vaste.