Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Assyrie (suite)

Les temps obscurs et les dominations étrangères à Assour (xviiie - xive s.)

Si, pour cette époque, la liste royale hésite entre plusieurs séries de souverains, c’est qu’il y a sans doute dans les bourgades proches des princes se réclamant également du dieu Assour et en rivalité avec le vicaire de la grande ville, dont la domination est réduite au voisinage immédiat. Mais, à partir de SHOU-Ninoua (Kidin-Ninoua) [v. 1606-1592], les différentes versions de la liste royale sont de nouveau d’accord : le morcellement de l’État a cessé, et, chose rare dans l’histoire, les descendants de ce prince, d’authentiques Assyriens, régneront à Assour pendant un millénaire (jusqu’à la fin du viie s.). La situation s’améliore un moment pour cette dynastie : les inscriptions de souverains d’Assour, inconnues après Shamshi-Adad Ier, reparaissent au xvie s., puis, après une nouvelle interruption, à la fin du xve s. C’est sans doute dans les périodes muettes que les vicaires de la cité du Tigre subissent des dominations étrangères : celle des rois kassites de Babylone, qui reste bien difficile à situer dans le temps, et celle, plus certaine (v. 1475-1375), des souverains du Mitanni, ou Hanigalbat, comme disent les Assyriens pour cet empire des xve - xive s., qui s’étend du Zagros à la Méditerranée.


Le premier Empire assyrien (xive - xie s.)

La situation est brusquement retournée par Assour-ouballith Ier (1366-1330), qui sait exploiter la crise interne du Mitanni ; rejetant les prétentions des souverains kassite et mitannien à la souveraineté sur Assour, il prend le titre de roi, qui sera désormais porté par tous ses successeurs en Assyrie. Au Hanigalbat, maintenant cantonné en haute Mésopotamie, il soutient et domine une lignée de rois locaux installés à l’ouest du Tigre ; ces rois s’opposent à une autre branche de la famille régnante du Mitanni, qui, sous la tutelle du grand roi hittite, garde le pays à l’est de la grande boucle de l’Euphrate. À la faveur de ses interventions au Hanigalbat, l’Assyrien annexe Ninive et les districts voisins situés à l’est du Tigre, commençant ainsi la conquête du « triangle assyrien » (entre le Tigre et le Zāb supérieur) et dont la population était jusque-là hourrite. Attiré par Babylone, dont la civilisation a un grand prestige chez les Assyriens, Assour-ouballith Ier marie sa fille au roi kassite, ce qui lui permet d’intervenir ensuite dans la succession royale de Babylonie. Mais cette politique hardie provoque une guerre qui traînera pendant deux siècles entre Assyriens et Babyloniens, et qui s’explique peut-être aussi par le désir des deux États de contrôler la route commerciale qui longe le pied du Zagros et les mines de ce district.

Les profits et les conséquences des victoires d’Assour-ouballith Ier sont tels que la mentalité assyrienne en est transformée : sous la direction de la noblesse, qui tire de gros revenus de l’administration des pays conquis, les fidèles d’Assour se vouent désormais à la guerre, qui étend la domination de leur dieu ; mais, comme les succès assyriens ont inquiété les grandes puissances voisines — les royaumes babylonien et hittite —, qui tentent de leur opposer des coalitions, et comme les fidèles d’Assour se heurtent de plus en plus souvent à des Barbares (montagnards du Zagros, pasteurs araméens du désert de Syrie), la guerre menée par les armées assyriennes prend un caractère impitoyable : déportations, mutilations, supplices sont des moyens de répression dont les souverains se vantent froidement.

Adad-nirâri Ier (1308-1276) porte son principal effort contre le Hanigalbat, qu’il tente d’annexer, et avance sa frontière jusqu’à la grande boucle de l’Euphrate. Mais l’élimination définitive de la dynastie de l’ancien Mitanni ne se produit que sous Shoulmân-asharêdou Ier (forme vulgaire : Salmanasar) [1276-1246], qui achève également la conquête du « triangle assyrien ». Ces annexions incorporent au domaine assyrien une nombreuse population hourrite, vouée à la sémitisation spontanée.

Cet empire ne suffit pas à Toukoulti-Ninourta Ier (1246-1209), qui réussit un moment à en doubler l’étendue. Après avoir conquis les pays du Tigre supérieur, il s’avance dans la cuvette du lac de Van ; plus tard, attaqué par le roi kassite Kashtiliash IV, il le bat et le fait prisonnier, puis il s’empare de Babylone, où il se proclame roi. L’heureux conquérant se montre aussi actif en Assyrie : il remplace à Assour le culte d’Ishtar, la grande déesse, par celui d’Assourîtou, épouse du grand dieu local, et, à l’exemple de son père, Shoulmân-asharêdou Ier, qui avait fondé une résidence royale à Kalhou (auj. Nimroud), il en crée une, Kâr-Toukoulti-Ninourta, près d’Assour.

Les tablettes ramenées de Babylone conquise s’ajoutent aux copies réalisées sous le règne précédent pour renforcer l’influence de la culture babylonienne. Depuis le renouveau politique du xive s., les scribes et les prêtres assyriens s’étaient mis avec une ardeur nouvelle à l’école de leurs confrères de Babylonie. L’originalité nationale se manifeste cependant dans leurs réalisations : inscriptions historiques, chroniques, poèmes épiques consacrés aux victoires sur les rois kassites ; culte de Mardouk, le dieu de Babylone.

Le règne de Toukoulti-Ninourta Ier se termine fort mal : les Babyloniens se soulèvent et rétablissent un roi kassite ; puis la noblesse de cour assyrienne se révolte sous la direction du prince héritier, et le roi est assassiné. Ses héritiers se disputent le trône ; l’Assyrie tombe un temps sous le contrôle de Babylone ; des Barbares venus d’Anatolie, les Moushki et les Kaska, s’installent sur le Tigre supérieur, et les Araméens viennent piller les plaines de haute Mésopotamie. Mais, dès qu’ils le peuvent, les rois d’Assyrie reprennent leur querelle avec la Babylonie.

Bénéficiant sans doute d’un répit dans les attaques de certains des peuples errants, Toukoulti-apil-ésharra Ier (forme vulgaire : Téglat-phalasar) [1115-1077] se lance dans de vastes expéditions. Au nord, il expulse ou soumet les Moushki, les Kaska et les autres habitants de la haute vallée du Tigre : puis il parcourt la cuvette du lac de Van et va planter sa stèle près de l’actuelle Malazgirt, sur l’Euphrate supérieur — plus loin qu’aucun des rois assyriens. Vers l’ouest, le conquérant soumet momentanément une partie des Néo-Hittites et les Phéniciens, dont les cités lui paient prudemment le tribut. Mais l’Assyrien ne réalise aucune annexion en dehors de la haute Mésopotamie et consacre davantage de temps (vingt-huit campagnes) à poursuivre les Araméens, dont il brûle les villages sur le moyen Euphrate et dans le désert de Syrie.