Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rhin (le) (suite)

Le milieu physique et humain rhénan a donc été profondément altéré par ces grands travaux. Si l’urbanisation et l’industrialisation en ont profité, l’environnement a subi de profondes atteintes. La descente entre Bâle et Mannheim s’effectue en moins de vingt heures, mais la remontée est plus dure. L’œuvre de Tulla, si elle a été décisive, n’en a pas été pour autant complète ; les travaux de régularisation devaient compléter les travaux de correction. Cela a amené, vers 1890, le projet d’un canal latéral de Strasbourg à Ludwigshafen, qui a échoué devant l’opposition du duché de Bade et de la ville de Mannheim. D’autres projets ont eu le même sort.

L’aménagement du Rhin hessois ne se fit pas non plus sans difficulté. La plaine de Hesse facilement inondable fut protégée par des « Sommerdeiche ». Les rapides du Binger Loch, provoqués par des barres de quartzites, furent corrigés tout au long du xixe s. Vers 1899, le chenal fut porté à 30 m. Un deuxième chenal a été aménagé avec 94 m de large. Il est réservé à la descente, alors que le premier l’est à la montée. Toutes les difficultés n’ont pas été vaincues, et les bateaux sont obligés de prendre un pilote à bord pour assurer le passage.

À la sortie du Massif schisteux rhénan, les digues ont été multipliées. On distingue les « Sommerdeiche », culminant à 0,25 m au-dessus des hautes eaux, les « Winterdeiche », dépassant de 2 m ces dernières, et enfin les « Banddeiche », ou « Landdammer », qui se situent à 3,85 m au-dessus des plus grandes eaux. On pense que ce dispositif permettra de résister aux crues exceptionnellement fortes comme les crues séculaires ou millénaires. À de nombreux endroits, des îles ont été incorporées au rivage, permettant l’extension urbaine ou des cultures maraîchères aux abords des villes.

L’aménagement du Rhin en Alsace* ou en Hollande (v. Delta [plan]) est étudié en détail par ailleurs. Le traité de Versailles (1919) avait donné à la France la libre disposition des eaux du Rhin. Elle en a profité pour commencer la construction d’un canal latéral équipé de centrales hydro-électriques. Au cours de la construction, on s’avisa, cependant, que la technique utilisée amenait un enfoncement de la nappe phréatique. Sur les plaintes des riverains badois, on abandonna l’idée d’un canal latéral pour utiliser, à partir de Vogelgrün, la technique des biefs, avec retour de l’eau dans le lit principal. Dans la partie amont, de petits barrages permettent de maintenir une certaine quantité dans ce dernier. En Hollande, les aménagements, très complexes, visent à mettre les plaines à l’abri des inondations fluviales, et les îles et le littoral, notamment de la Zélande, à l’abri des tempêtes catastrophiques comme celle de 1953.


Un fleuve à régime international

La navigation rhénane a été longtemps entravée par les nombreux péages que les bateaux devaient acquitter. La Révolution française et l’Empire napoléonien avaient simplifié le régime. L’Empire abolit tous les péages et les remplaça par douze bureaux de droits échelonnés entre Strasbourg et la Hollande. Toutefois, la mauvaise situation financière de la France amena le rétablissement des péages en 1813. Le traité de Vienne était équivoque. Son article 109 affirmait la liberté de circulation jusqu’à la mer, mais, dans l’annexe 16 B, la navigation était restreinte aux États riverains. Une commission centrale des États riverains fut instaurée, dont la mission était d’assurer l’application des règlements. Les Pays-Bas firent des difficultés, considérant que la mer débute là où se fait sentir la marée. Se réunissant d’abord à Mayence, la Commission centrale s’installa, en 1868, à Mannheim. Elle était formée des représentants de la Prusse, des Pays-Bas, du pays de Bade, de la Hesse, du Nassau, de la Bavière et de la France. À la suite du réaménagement territorial intervenu en Allemagne, en 1866, les États membres de la commission centrale signèrent en 1868 l’acte de Mannheim, qui est resté, pratiquement, la charte de la navigation rhénane. Il affirmait la liberté de navigation et abolissait tous les obstacles douaniers. Seule l’utilisation des installations mécaniques ou portuaires pouvait entraîner la perception d’un droit.

L’annexion de l’Alsace et de la Moselle, en 1871, amena le retrait de la France de la Commission centrale. Le traité de Versailles devait lui rendre, outre les territoires annexés, sa place dans la Commission, dont le siège fut transféré à Strasbourg. La Belgique, la Suisse, la Grande-Bretagne et l’Italie furent admises comme membres.

L’Italie et l’Allemagne devaient se retirer en 1935 et en 1936. Si l’Italie ne fut pas réintégrée après 1945, l’Allemagne ne pouvait guère être tenue éloignée d’une commission dont la compétence touchait une grande partie de son territoire. Elle fut réadmise en 1951.

La Commission centrale compte, actuellement, dix-huit membres ou commissaires : Allemagne fédérale (3), Belgique (2), France (4), Grande-Bretagne (1), Pays-Bas (4), Suisse (4). Sa mission est de veiller à l’application des clauses de l’acte de Mannheim et de résoudre les problèmes qui peuvent se poser. L’évolution des techniques de transport, des structures économiques, des conditions politiques l’oblige à intervenir constamment. Aussi, de nombreux groupes de travail préparent-ils les décisions de la Commission centrale, qui — et ce n’est peut-être pas la moindre de ses actions — créent un esprit de collaboration entre pays européens.

La navigation rhénane

Le Rhin est une des plus grandes artères fluviales. Aussi les pays riverains disposent-ils de flottes importantes.

La prépondérance revient aux Pays-Bas. À partir des années 1960 environ, le Rhin a été le théâtre d’une véritable révolution à la suite de l’introduction de la technique du poussage. On compte, en 1973, une bonne centaine de pousseurs pouvant chacun pousser quatre barges, au moins, de 4 000 t au total. Le poussage a été rapidement introduit sur les affluents du Rhin, notamment la Moselle.