Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Rhin (le) (suite)

Le trafic total entre Rheinfelden (Suisse) et la frontière hollandaise s’est élevé à 190 Mt en 1970, et 178 en 1971 (crise de la sidérurgie ; baisse des charbonnages). Mais le trafic a presque triplé entre 1936 et 1970, arrivant à saturation dans le secteur du Rhin inférieur. Le trafic porte essentiellement sur les produits pondéreux (1970 ; sables et pierres, 34 p. 100 ; hydrocarbures, 16 p. 100 ; minerais, 16 p. 100 ; charbon, 10 p. 100 ; produits sidérurgiques, 7 p. 100, etc.). Le recul du charbon a été rapide à partir de 1960, mais semble enrayé, le trafic oscillant autour d’une vingtaine de millions de tonnes par an. La flotte internationale de tankers atteint, malgré les oléoducs qui longent le fleuve, un million de tonnes (dont les quatre cinquièmes pour les automoteurs). Si l’on excepte Rotterdam, les principaux ports rhénans sont : Duisburg-Ruhrort (39,8 Mt), Strasbourg (12,3), Mannheim (8,9), Bâle (8,9), Ludwigshafen (8,7), Cologne (8,6), Karlsruhe (7,7).


Les villes rhénanes

La défense des régions riveraines, s’appuyant sur les limites du fleuve, ainsi que la fonction de passage ont donné naissance à des villes. Beaucoup de villes rhénanes sont d’origine romaine : Cologne, Coblence, Mayence, Worms, pour ne nommer que les plus importantes. La défense du limes, mais aussi le trafic commercial ont engendré ces villes dont les fonctions étaient militaires, commerciales et culturelles. D’elles partait la culture latine vers les campagnes. La romanisation en Rhénanie a été le fait des villes. Reliées à la Gaule par un réseau routier dont les traces sont encore visibles aujourd’hui, ces villes étaient les sentinelles de la civilisation romaine face aux contrées germaniques. Les traces romaines restent vivaces dans les grandes villes rhénanes d’aujourd’hui. À Cologne, les fouilles récentes devant la cathédrale ont mis au jour un mithraeum montrant les relations entre l’Occident et l’Orient.

Le Moyen Âge a été propice à l’essor urbain, surtout après le xe s. L’époque carolingienne, moins urbanisatrice, était axée sur les pays rhénans. Les routes terrestres, mal entretenues depuis l’époque romaine, furent abandonnées au profit de la voie fluviale. Les navires de mer remontaient jusqu’à Cologne, qui garda pendant tout le Moyen Âge le droit d’étape, ce qui signifiait l’obligation, pour les navires, de débarquer les marchandises. De ce fait, la ville joua un rôle de redistribution des marchandises qui engendra une classe bourgeoise commerçante active. Les villes du Rhin moyen et supérieur, moins bien placées par rapport aux villes industrieuses de Flandre ou de la Hanse, étaient moins actives. Néanmoins, partout un patriciat urbain commerçant jouait un rôle économique important. Les villes rhénanes étaient, au Moyen Âge, des villes commerçantes cumulant souvent des fonctions militaires, religieuses et administratives. À la fin du Moyen Âge, la vallée du Rhin était déjà un couloir urbain où la civilisation, brillante, se montrait en avance sur celle des contrées encadrantes. Malgré les nombreux péages, dus en partie au morcellement politique, l’essor urbain fut continu jusqu’au xve s. Les villes rhénanes drainaient le commerce des régions voisines. La situation géographique favorisait cette évolution. Les vignobles rhénans alimentaient le commerce en produits de luxe, qui étaient vendus par l’intermédiaire des commerçants hanséates jusque dans les zones baltes. Les bourgeoisies urbaines s’intéressaient au commerce du bois, des produits agricoles, aux textiles et produits métallurgiques. Le commerce du charbon de bois, produit sur les hautes terres du Massif schisteux rhénan, fut actif jusqu’à l’utilisation de la houille. Sans doute, les bateaux étaient-ils de taille médiocre, mais leur trafic était suffisant pour faire du monde rhénan un monde cosmopolite qui se révéla particulièrement à l’époque de la Renaissance, Culturellement et économiquement, les régions rhénanes, lorsque survint la Réforme, étaient en avance sur les autres régions germaniques. Et cet écart devait se maintenir à peu près constamment.

On peut être étonné du fait que la vallée du Rhin n’ait pas engendré une métropole rhénane dominatrice. La géographie fournit sans doute la réponse en même temps que l’histoire. La fin du morcellement politique de l’Allemagne rhénane est un phénomène récent. Jusqu’au xixe s., des entités politiques autonomes coexistaient sur les bords du Rhin. Actuellement, quatre Länder sont riverains du Rhin : Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat, Hesse et Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Les traditions historiques de ces régions sont diverses. Si l’influence française a été très importante au xviiie s., elle a diminué à partir du début du xixe s. après les traités de Vienne. L’influence prussienne s’est étendue alors en Rhénanie du Nord et du Centre. Elle devait être moindre dans le sud. L’installation de la Prusse en Rhénanie est un fait capital. La rigueur prussienne s’alliera, en partie, au dynamisme rhénan. L’ère du charbon a déclenché une phase d’urbanisation nouvelle, qui correspond au développement du machinisme et à l’essor de la navigation rhénane moderne.

La première moitié du xixe s. est marquée par une espèce de « révolution silencieuse » qui transforme profondément les structures et l’économie rhénanes. L’accroissement des villes s’accélère. Duisburg compte 5 230 habitants en 1819, mais 269 000 en 1905 ; Düsseldorf passe de 26 655 à 324 000 entre les mêmes dates ; Mannheim a moins de 10 000 habitants en 1819 et approche 150 000 habitants en 1905 ; Karlsruhe totalise 16 000 habitants en 1820 et 111 000 en 1905. Ludwigshafen, qui n’était pas encore créée au début du xixe s., arrivait à 49 000 habitants en 1890 ; Leverkusen présente une situation analogue.

Les villes hollandaises profitent de la croissance de l’hinterland germanique, notamment de la Ruhr. La construction d’une ligne ferrée Anvers-Ruhr, en 1843, hâte la liaison entre Rotterdam et la Ruhr (1857). L’essor de Rotterdam se place dans la seconde moitié du xixe s., avec l’aménagement du Rhin et le développement industriel, en relation avec le développement économique allemand. Dès 1940, Rotterdam compte 400 000 habitants. L’aménagement du Nieuwe Waterweg et la construction d’Europoort ont encore accentué le rôle de l’axe rhénan aux Pays-Bas. Là, sur 35 km de part et d’autre des rives du Nieuwe Waterweg, de Rotterdam à la mer du Nord, a lieu le plus spectaculaire développement industriel que les Pays-Bas aient jamais connu.

F. R.