Révolution culturelle prolétarienne (Grande) (suite)
Les mois qui vont suivre le IXe Congrès seront mis à profit pour rendre à l’immense pays son visage habituel. À vrai dire, celui-ci ne sera jamais plus comme avant. Plusieurs années après ce qui avait pu sembler être la conclusion de la Grande Révolution culturelle prolétarienne, certaines péripéties viennent encore altérer la signification de celle-ci. Ainsi, la disparition de Lin Biao lors d’un accident d’avion le 12-13 septembre 1971 et les attaques dont il a fait l’objet à titre posthume donnent un nouveau relief à l’événement. Outre l’ex-successeur désigné de Mao disparaissent d’autres « grands » du régime, et en particulier Chen Boda, qui avait été pendant des dizaines d’années le porte-parole du président du parti et le vulgarisateur de sa pensée. Un certain nombre de militaires de haut rang — et parmi eux Huang Yongsheng, promu chef d’état-major général en 1968 — quittent la scène. Les explications officielles feront état d’un complot visant à éliminer physiquement Mao pour permettre au groupe de Lin Biao de prendre les rênes du pouvoir.
Il apparaît que l’« ultra-gauche », avec qui l’ancien ministre de la Défense avait partie liée, utilisée, puis mise à l’écart plusieurs fois par Mao Zedong, ait réussi à conserver quelque pouvoir dans les instances dirigeantes de l’État. Or, les divergences entre celle-ci et la tendance médiane, symbolisée par Zhou Enlai, ont dû être légion, non seulement au niveau intérieur, où les compromis sont mal compris par ceux qui avaient mis toute leur énergie pour faire tomber la droite, mais en politique étrangère, principalement au sujet du rapprochement sino-américain. Les principales critiques formulées a posteriori contre la « clique antiparti » de Lin Piao portent sur le fait que celle-ci empêchait pratiquement les masses de s’approprier l’« idéologie révolutionnaire prolétarienne » (par exemple en se servant du Petit Livre rouge comme d’un livre de recettes), qu’elle préférait les attaques personnelles à la lutte idéologique, qu’elle se fondait seulement sur l’empirisme et le spontanéisme.
Le Xe Congrès du parti communiste chinois, réuni à Pékin du 24 au 28 août 1973, reprend à son compte les violentes condamnations contre le « traître ». Les positions de Zhou Enlai se trouvent encore renforcées.
Finalement, la tendance médiane, représentée par le Premier ministre, paraît l’avoir emporté après une lutte qui aura duré une bonne dizaine d’années et dont la Révolution culturelle aura été la face dévoilée et publique. Au-delà de la succession de Mao Zedong et de ses pairs, le grand débat aura peut-être permis au peuple chinois d’échapper au phénomène bureaucratique et d’ouvrir la voie à une société d’un type véritablement nouveau.
C. H.
➙ Chine / Lin Piao / Mao Tsö-tong.
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