Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Révolution française (musique de la) (suite)

La Marseillaise

Aucune musique n’a exprimé la Révolution française de façon plus complète et plus universelle que la Marseillaise. Ce Chant de guerre pour l’armée du Rhin — tel était son premier titre — fut composé à Strasbourg dans la nuit du 25 au 26 avril 1792 par un officier du génie Claude Joseph Rouget de Lisle (1760-1836). La diffusion de ce chant fut rapide, mais le bataillon des Marseillais le propagea avec une conviction telle qu’il prit le nom d’Hymne des Marseillais et finalement de Marseillaise. Il s’élevait contre le double péril qu’au lendemain de la déclaration de guerre (20 avr.) faisaient courir à la Révolution, à l’extérieur, les monarques coalisés et, à l’intérieur, le complot aristocratique. Chant de guerre patriotique et de défense révolutionnaire, la Marseillaise eut cette signification double et indivisible jusqu’à Thermidor. Elle fut ensuite supplantée par des « contre-Marseillaises » à l’image des régimes qui se succédèrent jusqu’en 1879 : le Réveil du peuple sous le Directoire, Veillons au salut de l’Empire sous Napoléon, Vive Henri IV sous les Bourbons, la Parisienne sous Louis-Philippe, Partant pour la Syrie sous Napoléon III. Hymne révolutionnaire, elle ressurgit, triomphante, en 1830, en 1848 et en 1871. Chant de guerre patriotique, elle fut reprise par Napoléon à la veille de son effondrement, par Louis-Philippe pendant la crise de 1840, par Napoléon III en juillet 1870. En 1878 encore, Mac-Mahon tentera de lui substituer un hymne commandé à Gounod* et à P. Déroulède : Vive la France ! Le triomphe des partis républicains aux élections législatives de 1879 aura pour premier effet l’adoption définitive de la Marseillaise comme hymne national (14 févr.), conformément au décret du 26 messidor an III (14 juill. 1795), qui lui reconnaissait déjà son « caractère de chant national ». Hymne officiel de la IIIe République, la Marseillaise, devenue une rengaine, fut rejetée peu à peu par les masses populaires et surtout ouvrières. À plus forte raison quand surgit l’Internationale (1888), hymne de la nouvelle classe révolutionnaire. L’antagonisme entre les deux chants, larvé pendant la Belle Époque, s’accentua avec la Première Guerre mondiale où la Marseillaise parut s’identifier au chauvinisme et à l’Union sacrée. Il s’aggrava jusqu’au 6 février 1934, qui vit les ligues d’extrême droite tenter de renverser la République au chant de... la Marseillaise ! L’échec du fascisme et la montée du Front populaire aboutirent à la réconciliation des symboles des deux révolutions bourgeoise et prolétarienne : le drapeau tricolore et le drapeau rouge, le 14-Juillet et le 1er -Mai, la Marseillaise et l’Internationale. Le 14 juillet 1935, Jacques Duclos prononçait un discours dans ce sens, et, en juin 1936, pour le centenaire de Rouget de Lisle, Maurice Thorez développait le même thème. Le 14 juillet 1936, le défilé populaire sanctionnait cette réconciliation. C’est « aux accents mêlés de la Marseillaise et de l’Internationale », selon l’expression consacrée de Maurice Thorez, que se sont déroulés les combats de la Résistance et les luttes des IVe et Ve Républiques.

Toutes les révolutions des xixe et xxe s. se sont faites dans le monde entier au chant de la Marseillaise. Aucun autre hymne national — à part l’Internationale, qui fut un temps l’hymne de l’U. R. S. S. — n’a connu de diffusion comparable et n’a inspiré autant d’œuvres littéraires, plastiques et musicales.

Principales harmonisations de la Marseillaise

1792

François Joseph Gossec*, pour soli, chœurs et orchestre d’harmonie ou orchestre symphonique (dans Offrande à la Liberté).

1830

Hector Berlioz*, pour soli, chœurs et grand orchestre symphonique (dédiée à Rouget de Lisle).

1870

Léo Delibes (1836-1891), pour chœur d’hommes a cappella.

1873

Franz Liszt*, paraphrase pour piano.

1942

Zoltán Kodály*, pour chœur mixte a cappella.

F. R.

 Erckmann-Chatrian, l’Art et les grands idéalistes (Hetzel, 1885). / C. Pierre, la Marseillaise, comparaison des différentes versions (E. Lacombe, 1887) ; Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française (Leduc, 1893) ; le Magasin de musique à l’usage des fêtes nationales et du Conservatoire (Fischbacher, 1895) ; Bernard Sarrette et les origines du Conservatoire national de musique et de déclamation (Delalain, 1895) ; Musique des fêtes et cérémonies de la Révolution française (Champion, 1899) ; les Hymnes et chansons de la Révolution française (Champion, 1904). / F. V. A. Aulard, le Culte de la Raison et de l’Être suprême (Alcan, 1892). / J. Tiersot, Rouget de l’Île, ses œuvres, sa vie (Delagrave, 1892) ; les Fêtes et chants de la Révolution française (Hachette, 1908). / A. Mathiez, la Théophilantropie et le culte décadaire, 1796-1801 (Alcan, 1903) ; les Origines des cultes révolutionnaires, 1789-1792 (Soc. nouvelle de librairie, 1904). / L. de Johanteau, le Triomphe de la Marseillaise (Plon, 1917). / L. Fiaux, la Marseillaise, son histoire dans l’histoire des Français depuis 1792 (Fasquelle, 1918). / M. Mauron, la Marseillaise (Perrin, 1968).

révolutions de 1848

Mouvements insurrectionnels d’inspiration libérale ou démocratique qui, dans les grands États de l’Europe occidentale et de l’Europe centrale, modifièrent ou tentèrent de modifier la nature des régimes politiques, en majorité absolutistes, et de satisfaire les revendications nationales.


Cette définition est commune aux révolutions qui éclatent au printemps de 1848 en Italie, en Allemagne et en Autriche-Hongrie. Mais, en France, pourvue depuis longtemps d’institutions libérales et qui ne connaît aucun problème d’ordre national, la révolution de février instaure un régime démocratique ; elle s’inspire de l’idéologie romantique, empreinte de religiosité. Quant à la Grande-Bretagne capitaliste et libérale et à la Russie agraire et autocratique, elles échappent aux convulsions.