Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

revenus

Ce que perçoit une personne ou une collectivité soit au titre de fruits périodiquement produits par ses biens*, soit au titre de rémunération de son activité.


L’orientation prise par l’analyse économique contemporaine, consistant surtout à étudier les problèmes de la croissance économique, a longtemps rejeté au second plan les recherches relatives à la formation et à la répartition des revenus tant dans les sociétés industrialisées que dans les pays sous-développés. Ce parti pris involontaire a pu s’expliquer par la croyance selon laquelle l’action du processus d’expansion de la production parviendrait à réduire, sur une longue période, les inégalités en matière de revenus : on estimait que la croissance économique permettrait de résoudre plus facilement les problèmes de la distribution des revenus ; l’augmentation globale du revenu national et l’amélioration du niveau de vie en découlant faisaient oublier les inégalités de revenus existant entre les individus.

Cependant, contrairement aux prévisions, on a dû reconnaître que les inégalités en matière de revenus subsistaient malgré la croissance et aussi malgré les politiques correctrices. Ainsi, un groupe de travail du Commissariat au plan présidé par Bertrand de Jouvenel devait arriver à cette conclusion que, si l’expansion économique actuelle tend à unifier les désirs, il n’en demeure pas moins que les inégalités en matière de revenus sont de plus en plus ressenties par les individus. Ce constat d’échec relatif devait donner une nouvelle impulsion aux différents domaines d’étude des problèmes relatifs aux revenus (méthodologique, statistique, etc.).

L’analyse économique contemporaine tend à souligner que l’inégalité des revenus ne doit pas être confondue avec l’inégalité sociale. Il existe une inégalité préalable ou de départ dans la distribution des richesses, puis des inégalités diverses, de caractère non monétaire, qui sont généralement la conséquence de l’inégalité des revenus, mais qui en sont aussi parfois la cause. Le phénomène de l’inégalité doit donc être considéré comme un phénomène plus ou moins durable et qui, par conséquent, peut avoir tendance à se transmettre entre les générations ; c’est le cas de l’inégalité devant la maladie, devant la mort, devant les biens rares (culturels notamment), devant l’éducation. Dans ces conditions, il faut admettre que la lutte contre l’inégalité risque d’être difficile dans la mesure où ces divers aspects sont impliqués. Certains ont pu, par ailleurs, soutenir que le maintien d’une relative inégalité en matière de revenus peut se justifier au regard de la croissance économique, qu’elle peut même favoriser. En effet, l’inégalité des revenus est généralement considérée comme un stimulant de l’épargne et donc comme nécessaire au financement des investissements* réclamés par le fonctionnement du système économique. En outre, elle représenterait une incitation au travail* et à la recherche de niveaux plus élevés de qualification. Chez les chefs d’entreprise, elle encouragerait l’initiative et la prise de risques : elle jouerait donc un rôle capital dans le processus de croissance.

Ces précisions étant apportées, on a pu, dans un premier temps, se demander si la croissance économique contribuait à atténuer, à maintenir ou à accentuer l’inégalité des revenus. Dans un second temps, on a cherché à savoir si l’État ne devrait pas intervenir pour modérer la hausse des revenus consécutive à l’expansion économique afin de la rendre compatible avec le taux de croissance de l’économie (problème de la politique des revenus).


L’inégalité des revenus


Les méthodes d’évaluation

L’analyse économique contemporaine s’est d’abord efforcée de voir si les instruments de mesure, ou « indices », permettant de rendre compte de façon satisfaisante de ce phénomène d’inégalité, ne devaient pas être améliorés, voire remplacés. Ces efforts ont orienté les recherches dans deux directions différentes, qui aboutirent à l’établissement de deux catégories d’indices : les uns sont déduits de lois théoriques, les autres d’une analyse empirique.

D’une part, le recours à des lois théoriques a été tenté afin de découvrir, dans les distributions connues, des lois statistiques qui pourraient permettre de remplir le vide des données expérimentales et qui seraient universellement valables. Cette tendance est représentée par les recherches de Pareto*, celles de Gibrat et, parmi les travaux les plus récents, celles de Champernowne. En fait, la loi de Pareto a été élaborée non pas pour déterminer la distribution du revenu national, mais pour ajuster des statistiques fiscales concernant uniquement les revenus supérieurs. Aussi essayer d’obtenir la courbe réelle à partir de la courbe théorique, après utilisation des seules statistiques concernant les revenus élevés, est extrêmement contestable. La courbe de Gibrat échappe à celle dernière critique dans la mesure où elle utilise des statistiques fiscales plus complètes : cette méthode représente donc une amélioration par rapport à celle de Pareto. Mais l’ajustement est moins satisfaisant et conduit à des modèles plus complexes et, par conséquent, plus difficiles à interpréter. Quant aux recherches plus récentes de Champernowne (entre 1930 et 1960), elles s’efforcent de se rapprocher de la réalité en introduisant de nouveaux paramètres ; mais, alors, la forme des courbes varie selon les paramètres choisis, ce qui est, pour le moins, discutable.

Les analyses empiriques, quant à elles, poursuivent des objectifs plus modestes ; elles ne formulent aucune hypothèse sur le mode de distribution des revenus ; se contentant de rechercher des indices ou des techniques permettant de décrire une distribution de manière suffisamment synthétique, elles représentent seulement des moyens pour décrire et mesurer les caractères d’une distribution donnée. Bien entendu, leur signification est plus restreinte dans la mesure où rien ne permet d’extrapoler lorsque les statistiques font défaut (tandis que. si les revenus sont distribués selon un modèle théorique, une extrapolation peut combler des lacunes). Ces analyses empiriques ont eu recours à différentes méthodes : classement des revenus par catégories ou par taille en un certain nombre de classes ; puis calcul du nombre de revenus réunis dans chaque filasse.