Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Résistance française (la) (suite)

En zone sud

Au sud de la ligne de démarcation, en raison de l’absence des Allemands et de la présence du gouvernement de Vichy*, la Résistance prend un aspect politique à l’origine : la sécurité relative donne davantage de champ pour évoluer au début dans une semi-clandestinité. Jusqu’en 1942, il faudra tenir compte de l’opinion publique, plus ou moins favorable au maréchal Pétain*, au double jeu duquel on croit ferme. Du fait de sa situation et de la facilité que présente sa topographie pour la vie secrète, Lyon sera pendant quatre ans la véritable capitale de la Résistance.

• C’est à Lyon qu’à la fin de 1941 naît l’un des plus importants mouvements de résistance, le mouvement Combat. Le capitaine Henri Frenay (né en 1905), officier des services d’espionnage, a recruté parmi ses camarades de l’armée et des catholiques de gauche (Claude Bourdet, né en 1909) un premier noyau de patriotes le Mouvement de libération nationale, qui publie les Petites Ailes de France. Conjointement, à Annecy, le professeur François de Menthon (né en 1900) fait sienne la parole de Foch, à savoir qu’« un peuple n’est vaincu que lorsqu’il a accepté de l’être » (journal Liberté 25 nov. 1940). Les groupes Liberté recrutent des intellectuels catholiques (Edmond Michelet [1899-1970], Pierre Henri Teitgen [né en 1908], Guy de Combault, etc.). Lors d’une rencontre à Grenoble (nov. 1941), H. Frenay et F. de Menthon fusionnent leurs groupes, qui deviennent le mouvement Combat, dont le journal clandestin du même nom tire à 30 000 exemplaires en 1942. Combat se rattache les « groupes francs » de Jacques Renouvin (1905-1944), dont les sabotages, les « kermesses », frappent l’opinion publique, quelque peu assoupie. Malgré le manque d’argent, mais grâce à des effectifs jeunes et sans cesse croissants, il domine vite la Résistance. Fortement structuré, il servira de modèle aux autres. Les militants de base auraient souhaité l’unification de la Résistance par Frenay, mais les chefs des autres mouvements avaient souvent des conceptions différentes, et cela ne se fera pas.

• Avec Libération-Sud, Emmanuel d’Astier de La Vigerie (1900-1969) veut donner à la Résistance des assises populaires. C’est pourquoi, après l’arrestation du commandant Édouard Corniglion-Molinier (1899-1963), cofondateur, à Clermont-Ferrand, de la Dernière Colonne, il recrute des éléments venus du syndicalisme (Robert Lacoste [né en 1898], Marcel Poimbœuf) et du socialisme (André Philip [1902-1970], Pierre Viénot), et, avec Jean Cavaillès (1903-1944), il crée Libération-Sud.

• Franc-Tireur, implanté dans le Sud-Est, regroupe autour de Jean-Pierre Levy (né en 1911) et d’Antoine Avinin (1902-1962) des radicaux. Dans son journal clandestin, le mouvement est le premier à dénoncer la « trahison » de Pétain. Franc-Tireur crée aussi les premiers maquis de France (Vercors, Jura, Sud-Ouest).


En zone nord

« Chaque ville importante avait son mouvement de résistance » (Henri Michel). Précaires, face à une répression impitoyable, ces mouvements adoptèrent un caractère militaire.

• Libération-Nord, pendant de Libération-Sud, dont il restera toujours indépendant, diffuse un hebdomadaire rédigé par des socialistes : Christian Pineau (né en 1904), Jean Texcier, etc. Il annexera la Voix du Nord.

• Le mouvement Ceux de la Résistance, parallèle à Combat au départ (Robert Guédon, né en 1902), touche les milieux administratifs (Henry Ingrand [né en 1908], René Parodi [1904-1942], Maurice Bourdet), fusionne avec d’autres mouvements et essaime dans le Nord, l’Est (Dr Jean Quentin) et le Centre (Delage). Orienté sur le renseignement, il est anéanti en février 1942 et doit à Jacques Lecompte-Boinet (1905-1974), gendre du général Mangin, de survivre (Ingrand, Pierre Le Rolland, Paul Arrighi [né en 1895] et son fils Pierre). En 1944, il pourra aligner 70 000 membres des Forces françaises de l’intérieur (F. F. I.).

• Le mouvement Ceux de la Libération, de l’ingénieur Ripoche, se rattache aux corps francs du groupe Vengeance, qui agissent en particulier dans la région parisienne. Après avoir organisé de nombreux parachutages, il participe à la libération de Paris, mais, en 1943, ses chefs ont été successivement arrêtés : Ripoche, Roger Coquoin, dit Lenormand, Médéric, le colonel Ginas.

• L’Organisation civile et militaire (O. C. M.) dépasse largement les deux précédents mouvements. Issue du deuxième bureau de l’armée de l’armistice (colonel Alfred Heurtaux [né en 1893], colonel Touny, Jacques Arthuys [1894-1943]), elle est à la fois une amicale d’officiers de réserve, constituant une véritable armée dotée de services de renseignements et qui facilitera le débarquement dans l’Ouest, et un organisme politique : personnel des ministères, Confédération des intellectuels. Fonctionnaires et intellectuels fournissent les cadres du service d’études économiques et politiques (Jacques-Henri Simon, Jacques Rebeyrol, Jacques Piette [né en 1916], A. Lefaucheux, Aimé Lepercq [1889-1944]), qui lance les Cahiers de l’O. C. M. Ceux-ci recherchent des solutions aux problèmes de l’après-guerre : il s’agit d’éviter le retour aux errements de la IIIe République et de promouvoir une nouvelle révolution française.

• De son côté, le parti communiste prend l’initiative du Front national, destiné à coiffer la Résistance (Pierre Villon [né en 1901] en zone nord, Georges Marrane [1888-1976] en zone sud). De recrutement très éclectique (F. Joliot-Curie*, chanoine Georges Chevrot [1879-1958], Pierre Corval [né en 1910], G. Bidault), le Front national fait sentir son action au plan professionnel (Fédérations nationales des avocats, des agriculteurs, etc.). Ses corps francs, les célèbres Francs-tireurs et Partisans français (F. T. P. F.), sous la direction de Charles Tillon (né en 1897), joueront un rôle essentiel dans la guerre d’embuscade et à la Libération.


Les services de la Résistance

Le service des faux papiers est, sans aucun doute, l’un des mieux organisés. Grâce à la complicité des fonctionnaires, mais surtout à l’ingéniosité de ceux qui reproduisent signatures et cachets, les clandestins sont dotés de cartes de toutes sortes.

Le Noyautage des administrations publiques (N. A. P.) mobilise les bonnes volontés des services de Vichy (le postier, l’employé de mairie), mais prépare aussi l’épuration du personnel.