Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Résistance française (la) (suite)

La presse clandestine informe le public, s’oppose à la propagande ennemie, diffuse les mots d’ordre contre l’occupant, dénonce le pillage économique et la réquisition des travailleurs, révèle les exploits des patriotes et la dureté de la répression nazie. D’abord dactylographiées, les feuilles sont ensuite fabriquées dans des imprimeries clandestines. Diffusés par des équipes volantes, expédiés par valises avec la complicité des cheminots, les journaux clandestins (1 000 environ) tireront à 2 millions d’exemplaires en 1943.

La presse clandestine s’attache à rallumer l’espoir en la victoire et témoigne de la présence de l’esprit français dans la lutte contre l’ennemi. Elle contribue à plébisciter le général de Gaulle et, sortie au grand jour en 1944, elle renouvelle l’éventail de la presse* française, alors en crise.

Le renseignement est un devoir pour tous les résistants. Le service des renseignements d’un mouvement comme Combat dispose d’un personnel permanent (dactylos, agents de codage et de décodage, etc.), mais les Anglais s’opposent à ce que les mouvements possèdent des radios autonomes. Les messages passent par le B. C. R. A. Les succès des bombardements alliés et du débarquement ont beaucoup dû à ces services, dont les membres payèrent une lourde contribution à la répression.

Après la création du Service du travail obligatoire (S. T. O.) se gonflent les maquis (été 1943), dont il faudra former les chefs (maquis-écoles). Refuges des réfractaires, les maquis posent aux chefs de la Résistance d’épineux problèmes de sécurité, de ravitaillement et de psychologie. Il faut maintenir le moral des jeunes, ne pas former des groupes trop nombreux et échapper aux Allemands, qui détruiront impitoyablement les maquis des Glières, du Vercors et de Corrèze.

D’autres services naissent de la nécessité : citons les liaisons souvent assurées par des femmes, le logement, l’action ouvrière contre la déportation des travailleurs.


L’unification de la Résistance

Du fait du petit nombre de résistants par rapport à la population, la séparation des mouvements semblait illusoire : souvent, un même patriote relevait de plusieurs mouvements. C’est de Londres que devait venir l’unification.

Dans les premiers mois qui suivent la défaite, le général de Gaulle n’est pas unanimement reconnu chef de la Résistance intérieure : « Libération a eu un départ non gaulliste, affirme d’Astier de La Vigerie, mais, par la force du symbole, j’ai constaté l’impossibilité de faire autre chose que du gaullisme. » Même le Front national reconnaîtra la prééminence du général de Gaulle sur les groupes de résistance. D’ailleurs, sous peine d’asphyxie financière et militaire, la reconnaissance du chef de la France libre est indispensable. Sans elle, la Résistance risque de n’être qu’une révolte de l’esprit.

C’est l’argument de l’argent que détient Jean Moulin lorsqu’il revient en France en janvier 1942. À ce moment, l’idée d’unité fait des progrès ; pendant l’été 1942, des contacts à Lyon rapprocheront les chefs de la Résistance. Frenay et d’Astier de La Vigerie vont à Londres et avec de Gaulle mettent au point la création d’un « Comité de coordination des activités de la Résistance », qui finalement tiendra sa première séance le 27 novembre, à Lyon, au moment où le tournant de la guerre en faveur des Alliés amène à la clandestinité beaucoup de gens jusqu’ici attentistes.

En zone sud, le Comité de coordination devient, grâce aux efforts de Jean Moulin, les Mouvements unis de la Résistance (M. U. R.), qui comprend Frenay, d’Astier et J. P. Levy, et qui a Jacques Baumel (né en 1918) pour secrétaire général. Successivement sont créées l’Armée secrète (Charles Antoine Delestraint [1879-1945], puis Pierre Dejussieu-Pontcarral [né en 1898]) avec ses six régions, puis des organismes nationaux communs aux mouvements : Service maquis, Action politique (N. A. P. et Action ouvrière), Bureau d’information et de presse (B. I. P.), etc.

En zone nord, dès 1942 le colonel Rémy (Gilbert Renault, né en 1904) prend contact avec l’O. C. M. (colonel Touny) par l’intermédiaire de Pierre Brossolette. Le 30 janvier 1942, une réunion de responsables a lieu, et J. Moulin charge le commandant Frédéric Henri Manhès (1889-1959) de fédérer les organismes clandestins. En raison des positions de l’O. C. M. et du Front national, c’est l’échec. Brossolette et le colonel Passy (André Dewavrin) créent toutefois un comité de coordination qui divise la zone nord en quatre secteurs. Trois services (renseignement, armée, service politique) dépendent de la délégation.

Finalement, les deux zones n’auront en commun que le « Comité général d’études » (Alexandre Parodi [né en 1901], Michel Debré [né en 1912], F. de Menthon et P. H. Teitgen), qui publie les Cahiers politiques, et le C. O. S. O. R., qui s’occupe des familles de résistants arrêtés. Dans le même temps, J. Moulin s’ingénie à donner à la Résistance une direction unique. Il y rattache les syndicats et les partis politiques reconstitués, malgré les protestations des chefs de mouvement. Finalement, et ce sera son dernier acte, il préside le 27 mai 1943 à Paris, 48, rue du Four, la première séance du Conseil national de la Résistance. Le C. N. R. confie au général de Gaulle la gérance des intérêts de la nation française. Après l’arrestation de J. Moulin à Caluire (21 juin 1943), Georges Bidault préside le C. N. R. Celui-ci prépare la libération du pays, crée le Comac (Commission d’action militaire), pour unifier l’action des combattants, et des comités de libération, pour administrer les affaires locales à la Libération.

Jean Moulin

(Béziers 1899 - en déportation 1943). Préfet d’Eure-et-Loir à l’arrivée des Allemands en 1940, il est emprisonné parce qu’il refuse de signer une déclaration rendant responsables d’atrocités des soldats sénégalais ; il préfère se trancher la gorge ; le foulard dont il s’entoure le cou désormais masquera la cicatrice. Vichy le met en disponibilité parce qu’il est « prisonnier du régime ancien ». Jean Moulin gagne alors Londres et se fait parachuter en zone sud en janvier 1942. La mission que lui a confiée le général de Gaulle, c’est l’unification de la Résistance. Peu à peu, il dote les « mouvements » de services communs : transmission, informations, parachutages, financement. Le 27 mai 1943, il préside la première réunion du C. N. R. Arrêté peu après aux environs de Lyon, à la suite d’une trahison, il est torturé par la Gestapo, qui sait qu’elle tient un personnage important de la Résistance. Celui que l’on ne connaissait que sous les pseudonymes de « Max », « Rex » ou de « Mercier » meurt dans le train qui le déporte en Allemagne. Son sens de l’État et son patriotisme intransigeant font de lui une des plus pures figures du martyrologe français pendant la Seconde Guerre mondiale.