Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Q

queue (suite)

La course (éventuellement le saut) en station bipède semi-érigée telle qu’elle est pratiquée par le Basilic, le Lézard à collerette, les Dinosaures, le Kangourou ou la Gerboise nécessite un balancier pour compenser le porte-à-faux du corps sur les pattes arrières. C’est la queue qui, puissante chez ces animaux, remplit cette fonction stabilisatrice. Chez la plupart de ces animaux, la queue peut aussi servir de béquille, l’animal au repos s’appuyant alors sur un trépied constitué par les pattes postérieures et son appendice caudal. Le Castor utilise sa queue plate et large de façon comparable (mais jamais comme truelle comme on le croit souvent).

Une autre modalité d’utilisation de la queue dans les processus de locomotion est présentée par nombre d’espèces arboricoles ou semi-arboricoles chez qui elle est longue, souple et préhensile : Caméléons parmi les Reptiles, groupes très variés parmi les Mammifères (des Sarigues aux Singes du Nouveau Monde en passant par les Pangolins). La queue préhensile des Sarigues et des Singes peut servir non seulement à la suspension, mais aussi à la préhension : parfois même son extrémité, plus ou moins dénudée, est riche en terminaisons tactiles.

La queue de certains animaux peut être utilisée comme instrument d’intimidation : c’est le cas du Crotale (Serpent à sonnette), qui, par vibration de son extrémité caudale, agite un bruiteur constitué par un certain nombre de segments cornés emboîtés de façon lâche ; le Castor donne l’alarme en claquant l’eau avec sa queue.

Enfin, la queue peut constituer une arme souvent redoutable : celle du Crocodile est une puissante massue, celle du Fouette-queue, garnie d’épines acérées, est une véritable masse d’armes. Certaines Raies (Pastenagues, Aigles de mer) peuvent infliger de dangereuses blessures grâce à leur queue flagelliforme dotée d’un aiguillon venimeux. Chez un grand nombre de Lézards, elle constitue un curieux organe de défense « passive » grâce à son pouvoir d’autotomie : elle se détache, au grand étonnement de l’agresseur qui l’a saisie, tandis que le Lézard s’enfuit.

De curieux usages de la queue

Le nom gréco-latin de l’Écureuil (Sciurus) donne à entendre qu’il s’abrite à l’ombre de sa queue. En fait, il emploie ce volumineux panache à un tout autre usage : il lui sert à soutenir en l’air l’arrière de son corps pendant ses longs sauts d’une branche à une autre. Le Tamanoir, en revanche, utilise effectivement sa queue comme parasol. La « Sarigue-Souris » est connue depuis Buffon par la façon dont la mère porte ses petits sur son dos, leur minuscule queue accrochée à la sienne, qu’elle rabat jusque par-dessus la tête.

Certaines races de Moutons africains des zones semi-arides ont une queue épaisse où se localisent des réserves de graisse utilisables en cas de disette.

J. Ch.

Quevedo y Villegas (Francisco de)

Écrivain espagnol (Madrid 1580 - Villanueva de los Infantes, prov. de Ciudad Real, 1645).


« Le premier artiste des lettres hispaniques, créateur d’une littérature à la fois vaste et complexe. » C’est ainsi que le définit Jorge Luis Borges, fin connaisseur en la matière. Certes, nul n’a dépassé Quevedo dans l’invention verbale. Or, sa virtuosité provient d’une ingéniosité toute naturelle, l’« ingenio ». Il n’a que mépris pour les gens de plume, ces « saltimbanques », et leurs exercices de rhétorique, de poétique qui « sentent le travail » et donc la bassesse de leur condition sociale. Aussi bien, sa production littéraire est faite de pièces et de morceaux en marge des genres traditionnels des belles-lettres : épopée, drame, grand lyrisme. Il oublie souvent de signer et il abandonne ses manuscrits aux corruptions grossières d’un public ébloui. On y trouve des traductions, en vers ou en prose, d’auteurs latins (Sénèque), italiens (Malvezzi) et français (François de Sales), des Songes (Los sueños) à l’imitation de Lucien et de Cicéron, des poèmes religieux, galants, moraux, burlesques et métaphysiques, des pamphlets politiques, des réflexions philosophiques sous forme de courts traités, des récits historiques, une fiction romanesque, des farces dites « saynètes » ou « intermèdes », des essais foisonnants dans tous les genres et sur tous les sujets, par exemple la décadence de l’Espagne, comment le roi Louis XIII a souillé la source première — qui est en France — de toute noblesse, la défense de saint Jacques, patron protecteur de l’Espagne, contre l’usurpatrice sainte Thérèse, et la polémique contre Machiavel et contre Bodin. Cette œuvre semble au total incohérente et soustraite à tout système de pensée ou de sentiment qui ferait son unité. Et pourtant, chaque pièce, chaque morceau porte les empreintes, uniques et exclusives, comme digitales, de ce génial touche-à-tout. Peut-on expliquer un ton aussi original par une forte et belle personnalité ? Non. Cet homme était faible et méchant. On le disait même diabolique. Tourmenté par on ne sait quel complexe, il ne connut que des échecs et des frustrations tout au long de sa vie. Lope de Vega*, l’un des rares hommes de lettres qui ne se comptent pas parmi ses ennemis, écrivait à propos de son Chitón de las taravillas (Silence au caquet, ouvrage du licencié Quisaitout, 1630) : « C’est au monde ce qu’on a vu de plus satirique et de plus venimeux. »

Quevedo est né dans une famille de serviteurs du palais. Les rois recrutaient alors leur personnel domestique dans la petite noblesse (?) des vallées des monts Cantabriques, faite de paysans non « entachés de sang juif » et qui au début du siècle faisaient sculpter sur leurs étables et sur leurs granges des blasons ridicules rien que pour écarter les agents du fisc. Le jeune garçon fit ses premières lettres chez les jésuites du futur Collège impérial à Madrid ; puis il passa à l’université d’Alcalá de Henares (1596-1600), où on lui enseigna entre autres choses la logique et la mathématique ; et il suivit la Cour à Valladolid. Là, il jeta sa gourme, acquérant une grande réputation parmi les freluquets, épris d’aventures galantes ou de farces aux bourgeois, mais non moins sensible aux humanités (1600-1605).