Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

purisme (suite)

Amédée Ozenfant était peintre. Selon ses Mémoires (publiés en 1968), il avait commencé, tout jeune, par « trouver du charme aux dessins ne représentant rien ». Il fut ensuite sensible à l’impressionnisme, mais, venu se fixer à Paris en 1905, il eut pour camarades d’atelier, à l’académie de la Palette, André Dunoyer de Segonzac (1884-1974) et Amédée de La Patellière (1890-1932), qui l’incitèrent à pratiquer un art moins spontané. Edmond Aman-Jean, ami de Georges Seurat, l’orienta vers le pointillisme, auquel il adhéra dès qu’il eut fait la connaissance de Paul Signac, dont la volonté de systématisation le séduisit. À l’égard du cubisme*, Ozenfant se montra réticent, lui reprochant de devenir de plus en plus un art pour artistes, de moins en moins un art pour tout le monde. Il entretint des relations d’amitié avec Picasso aussi bien qu’avec Apollinaire, mais discuta parfois âprement avec Juan Gris.

C’est par l’intermédiaire des frères Perret qu’il fait en 1918 la connaissance de Le Corbusier, qui sera peintre, à ses heures, tout au long de sa carrière (et signera ses toiles Jeanneret jusqu’en 1927). Le purisme résulte de cette rencontre, les deux artistes exposant dans Après le cubisme, édité la même année, des idées dont ils constatent avec enthousiasme la coïncidence. Il importe, selon eux, de « relever les objectifs de l’art », en résistant aux pressions de la mode, du pittoresque, de l’exotisme (celui des Noirs ou celui de Serge de Diaghilev), de se consacrer à la recherche de l’essentiel, c’est-à-dire de ce qui est permanent et invariable dans l’univers comme dans la nature humaine, depuis toujours et pour longtemps encore sensible à des rapports de lignes et de couleurs, qu’il s’agit de mettre en évidence dans la représentation d’objets eux-mêmes reconnaissables : « Le tableau sera un jeu de couleurs et de formes indépendant de la nature, mais composé d’objets servant aux usages de l’homme. » Le cubisme, professent-ils également, bascule dans la décoration, les effets de touche et de matière, l’art pour l’art. Le purisme (« jacobinisme du cubisme », diront certains) entend rétablir dans le tableau les droits du verre à boire, de la carafe, de la bouteille ou de la mandoline, de toutes sortes de choses sobrement converties en harmonies idéales, donc fondées sur la géométrie. À la restriction des thèmes correspond, dans les toiles et les dessins d’Ozenfant et de Le Corbusier appartenant à la période puriste, une semblable restriction des moyens : absence de couleurs trop vives, formes et composition réduites à l’épure.

Pour Le Corbusier, cette période prend fin vers 1927, avec l’apparition de la figure, d’une vie beaucoup plus libre du trait et de la forme ; et l’on notera que 1929 est l’année du premier chef-d’œuvre de l’architecte, la villa Savoye. Tout en maintenant un certain dépouillement, Ozenfant, de son côté, renoncera aux limitations du purisme, abordant dans sa peinture des thèmes atmosphériques, voire ceux des mouvements cosmiques. Son action de théoricien d’esprit classique, soucieux de valeurs stables, s’exercera dans les académies qu’il ouvre à Paris en 1930, puis à New York, où il s’installe en 1939.

Opposé à l’expressionnisme et au surréalisme, mais non moins éloigné de l’abstraction par son attachement au concret, au social, le purisme proclamait que « l’œuvre d’art ne doit pas être accidentelle, exceptionnelle, impressionniste, inorganique, protestataire, pittoresque, mais au contraire générale, statique, expressive de l’invariant. » Par là, il a joué un rôle dans l’évolution générale du concept d’art au xxe s., et son influence peut être recherchée dans l’œuvre d’artistes très divers, depuis Fernand Léger* jusqu’aux tenants d’un art « minimal* ». Mais il n’a jamais eu d’adeptes déclarés suffisamment illustres pour constituer une école véritable.

M. G.

➙ Cubisme / Le Corbusier.

puritanisme

Mouvement religieux qui se développe en Angleterre à la fin du xvie s., et dont beaucoup de membres émigrèrent aux Pays-Bas et en Amérique.


La vie des organismes et celle des sociétés traversent des phases successives à peu près régulièrement :
naissance - croissance - vitalité - ferveur,
maturité - épanouissement - établissement,
vieillissement - retombée - routine - dogmatisme.

Le ralentissement, les compromissions, l’insignifiance succèdent facilement au jaillissement, à l’imagination, à l’authenticité originelle : dans la majorité des cas, l’homme d’âge mûr disparaît dans la masse, et les grands mouvements d’esprit ou d’âme se laissent « socialiser », c’est-à-dire uniformiser par la société dans laquelle ils se sont implantés, qui, le plus souvent, les digère sans se laisser entamer par eux. Il en est ainsi du christianisme, qui, au long des siècles, s’est laissé à ce point « idéologiser » qu’il a été fréquemment regardé comme un des éléments les plus sûrs de l’ordre établi.

Les cures de rajeunissement des organismes biologiques n’empêchent pas la sclérose et la mort ; les réformes et les réveils, par contre, ont toujours tendu à relancer la communauté chrétienne sur une trajectoire correspondant à la parole et à l’esprit de son fondateur. C’est dire que la question de la « religion pure et sans tâche », dont, à la suite des prophètes d’Israël, l’Épître de Jacques (i, 27) et tout le Nouveau Testament esquissent les traits, ressurgit incessamment dans l’histoire de l’Église. Les puritains sont ceux qui, au xvie s., ont voulu ramener l’anglicanisme à la purissima religio.

On sait que l’Église d’Angleterre (v. anglicanisme), produit « impur » des goûts et des expériences personnels d’Henri VIII* et des compromis politiques de son successeur, représente un mélange peu cohérent de cérémonies de style romain, de constitution épiscopale, d’insistance sur la succession apostolique, d’une part, et de refus de l’autorité papale, de la messe et d’acceptation du dogme calviniste, d’autre part. Fortement persécutés sous la réaction catholique du règne de la « sanglante » Marie Tudor (1553-1558), des exilés, rassemblés à Genève autour de John Knox*, reviennent en Angleterre au début du règne d’Élisabeth Ire*. Ils entreprennent aussitôt de débarrasser l’anglicanisme de tout « levain papiste » ; ils réclament le retour au christianisme primitif : autorité des Écritures, simplicité du ministère, pureté de l’Église. Mais la reine, plus politique que spirituelle, plus esthète qu’ascète, est rien moins que puritaine : elle ordonne que l’on impose à tous les ministres l’obéissance aux règles anglicanes, ce qui permet de les destituer s’ils y contreviennent, de les persécuter s’ils persévèrent. À partir de 1570, les pouvoirs de la « High Commission », tribunal spécial pour le châtiment de tous les « non-conformistes », ou dissenters, sont accrus. Nombreux sont les émigrants, notamment vers les Pays-Bas.