Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Purcell (Henry) (suite)

Ces odes de Purcell, issues d’une tradition officielle typiquement britannique, se jouent du ton de circonstance avec tant de charme et une telle puissance imaginative qu’il faut bien se persuader que ce sont là les modèles présents à l’esprit de Händel lorsqu’il créa son type personnel d’oratorio, si souvent fêté et imité par la suite ; mais le classicisme de Händel, s’il a retenu bien des traits de la fantaisie baroque de Purcell, semble avoir organisé d’une manière bien plus rectiligne le tracé capricieux de son prédécesseur.


La musique dramatique

Les habitudes d’opéra en Angleterre sont si singulières qu’elles n’ont permis à cet étonnant dramaturge qu’est Purcell d’exercer son génie shakespearien que dans un seul véritable opéra : Dido and Aeneas. En effet, les Anglais ont toujours privilégié un spectacle où la musique venait décorer l’action, au lieu de s’y associer étroitement. D’où l’importance des musiques de scène offrant quelques morceaux vocaux et orchestraux en appoint à l’action théâtrale parlée ; d’où, surtout, ce genre hybride du semi-opéra, où la musique se taille une part bien plus large, mais non plus belle, car aucun des personnages essentiels du drame ne doit chanter.


Les musiques de scène

Œdipus (J. Dryden et N. Lee), 1692.
The Libertine (T. Shadwell), 1692?
Timon of Athens (d’après Shakespeare), 1694.
The Comical History of Don Quixote (T. D’Urfey), 1694.
The Virtuous Wife (T. D’Urfey), 1694?
The Married Beau (J. Crowne), 1694.
Bonduca (d’après F. Beaumont et J. Fletcher), 1695.
Abdelazer (A. Behn), 1695.
Pausanias (T. Norton), 1695.

Pour chacune de ces pièces et pour bien d’autres, Purcell a écrit deux ou trois airs, parfois des chœurs, ouvertures et danses qui contiennent de véritables merveilles ; certaines sont restées très célèbres : « Music for a While » (Œdipus), « Sweeter than Roses » (Pausanias), « From Rosy Bowers » (Don Quixote) et tant d’autres airs ainsi que des danses d’une grande vitalité qui constituent de très jolies suites d’orchestre.


Les semi-opéras

History of the Prophetess (Dioclesian, d’après F. Beaumont et J. Fletcher), 1690.
King Arthur (Dryden), 1691.
The Fairy Queen (d’après A Midsummer Night’s Dream de Shakespeare), 1692.
The Tempest (d’après Shakespeare), 1695.
The Indian Queen (J. Dryden et R. Howard), 1695.

Il est impossible de donner une idée du fourmillement de trouvailles de ces cinq partitions en quelques lignes. On a donc pris le parti de se limiter à l’exemple de The Fairy Queen, à peu près comme si l’on voulait donner une idée de l’opéra mozartien en quelques pages sur le seul Don Giovanni. Malgré les situations secondaires où se trouve enfermé le génie dramatique de Purcell et la médiocre adaptation de Shakespeare, The Fairy Queen dispense autant d’airs d’ensembles, de chœurs, et de danses, qu’il faut pour emplir un opéra tout entier ; chacun des grands tableaux offre au musicien des idées poétiques qu’il transfigure : le poète ivre, l’allégorie féerique de la nuit, les scènes campagnardes de faneurs et de bergers, sans compter tout l’arsenal d’un grand spectacle baroque avec Chinois, singes, échos, oiseaux, fées et elfes, qui font miroiter la musique de mille nuances proprement shakespeariennes.


Dido and Aeneas (1689)

C’est le seul véritable opéra de Purcell, la seule fois où celui-ci a pu faire vivre des héros : Didon, Énée, la sorcière et la confidente Belinda. La commande d’un pensionnat de jeunes filles aura fait naître une des plus belles héroïnes tragiques de la musique dramatique, Didon, dont les deux grounds résonnent dans toutes les mémoires. Mais le génie anglais a mêlé à l’action, au récit antique — le livret est de Nahum Tate d’après l’Énéide de Virgile — des apparitions de sorcières, d’esprits, des interventions de matelots et de courtisans rustiques, qui permettent à Purcell de faire grouiller tout un peuple réaliste ou complètement féerique et de faire jouer en trois actes si condensés qu’ils durent à peine une heure, toutes les couleurs psychologiques dont doit disposer le dramaturge en musique, qu’il fasse danser, chanter ou jouer, qu’il fasse rire, aimer, ou pleurer. On pourra toujours dire que les autres opéras de Purcell contiennent des pages plus sublimes, et c’est vrai. Il n’en reste pas moins que la qualité de chaque partie et l’ordonnance magistrale du tout dans la diversité et l’unité, dans le tragique et le comique, dans l’infini lyrisme et la continuelle litote tiennent du prodige. Et, comme tout prodige, celui-ci ne s’est jamais renouvelé. Jamais un musicien jusqu’ici n’a réussi comme Purcell un opéra si grand et si bref.

R. S.

 J. A. Westrup, Purcell (Londres, 1937, 4e éd., 1960 ; trad. fr., Janin, 1947). / S. Demarquez, Purcell, la vie, l’œuvre, discographie (la Colombe, 1951). / R. Sietz, Henry Purcell. Zeit, Leben, Werk (Leipzig, 1955). / I. Holst (sous la dir. de), Henry Purcell. Essays on his Music (Londres, 1959). / R. E. Moore, Henry Purcell and the Restoration Theatre (Londres, 1961). / F. B. Zimmerman, Henry Purcell, an Analytical Catalogue of his Music (Londres, 1963) ; Henry Purcell, his Life and Times (Londres, 1967).

purisme

Tendance picturale française appartenant pour l’essentiel aux années 1919-1925 et dont les promoteurs furent Amédée Ozenfant (Saint-Quentin 1886 - Cannes 1966) et Charles Édouard Jeanneret (Le Corbusier*).


Après la fin de la Première Guerre mondiale se manifesta dans une partie de la jeunesse le sentiment d’avoir à donner des impulsions nouvelles à ce qu’allait être désormais la vie dans les différents domaines de la pensée et de l’action, y compris celui des arts. Ozenfant et Jeanneret, auteurs du manifeste Après le cubisme (1918) et cofondateurs de la revue l’Esprit nouveau (1920-1925), écrivaient : « Une grande époque a commencé, animée d’esprit nouveau, un esprit de construction et de synthèse, conduit par une conception claire. »