Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Provence (suite)

Après la prise du pouvoir par les Jacobins, les départements provençaux se rallient au fédéralisme girondin. Des forces marseillaises insurgées tentent de faire leur jonction avec celles de Lyon, mais les troupes régulières du général J.-F. Carteaux les repoussent et entrent dans Marseille le 25 août 1793. La révolte de Toulon est brisée en décembre. Implacable, la Convention s’impose par la Terreur.

La Provence, où est concentrée l’armée d’Italie, que Bonaparte conduira à la victoire, accueille avec soulagement le retour à la liberté des cultes et approuve l’action constructive du Premier consul. Le Blocus continental, en ruinant ses ports, puis l’arrestation du pape rendent Napoléon impopulaire. En 1814, Pie VII, libéré, reçoit un accueil chaleureux, tandis que Napoléon, au lendemain de l’abdication de Fontainebleau, échappe à un attentat à Orange et doit se déguiser pour gagner Le Luc à cause de l’hostilité des populations. Aux Cent-Jours, redoutant Marseille et la vallée du Rhône, il passe par la montagne, qui le préfère aux Bourbons. L’assassinat du maréchal G. Brune à Avignon le 2 août 1815 et la Terreur blanche témoignent de la permanence du royalisme en Provence. Mais, en avril 1832, la tentative de soulèvement de Marseille à la faveur du débarquement à Carry de la duchesse de Berry se solde par un échec. Et, au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851, des soulèvements armés se produisent dans les départements du Var, de Vaucluse et des Basses-Alpes, l’idée républicaine ayant fait son chemin.

Marseille connaît sous le second Empire une période faste grâce à la politique économique de Napoléon III : ouverture du canal de Suez, développement de la navigation à vapeur, liaisons avec l’Algérie, création du grand réseau ferré. L’agriculture rhodanienne est en partie renouvelée. Le comté de Nice est rattaché à la France après le plébiscite massif des 15 et 16 avril 1860, et le prodigieux essor du tourisme de luxe commence à Nice.

Le 21 mai 1854, le félibrige est fondé au château de Font-Ségugne par Mistral, Roumanille, Aubanel, Mathieu, Brunet, Tavan et Giéra pour maintenir la langue d’oc. En 1859, Mistral publie Mirèio. Le poète veut redonner à l’Occitanie entière conscience de sa personnalité et lui rendre la fierté de son enracinement.

Si Marseille a sa Commune du 23 mars au 4 avril 1871, l’ensemble de la Provence fait preuve du plus grand loyalisme au gouvernement légal présidé par le Marseillais Adolphe Thiers. Le chef-lieu des Bouches-du-Rhône (195 000 habitants en 1851, 500 000 en 1901) voit quadrupler le trafic portuaire de 1870 à 1913 avec les entreprises coloniales de la IIIe République. C’est l’époque des grandes compagnies de navigation, de l’implantation d’importantes industries alimentaires, sucrières, de corps gras et aussi des débuts de l’extraction des bauxites du bassin de Brignoles. Entre les deux guerres, la haute Provence s’appauvrit et se dépeuple, tandis que le tourisme côtier commence à se démocratiser en 1936 et que l’industrie pétrolière apparaît.

Au mois de juin 1940, l’offensive italienne est arrêtée à Menton, mais, en vertu de la convention d’armistice, l’Italie occupe le département des Alpes-Maritimes. En novembre 1942, les forces allemandes déferlent sur toute la Provence. Quand elles pénètrent dans Toulon le 27 novembre, la flotte française se saborde. Marseille, Arles, Tarascon, entre autres villes, subissent des destructions du fait de l’autorité occupante et des bombardements alliés. Au moment du débarquement des forces françaises et américaines le 15 août 1944 à Cavalaire-sur-Mer, à Sainte-Maxime, à Saint-Tropez, à Pampelonne et au Dramont, les « maquis » constitués en haute et en moyenne Provence passent à l’action. Après cinq jours de combat, les troupes du général de Monsabert obtiennent la capitulation de la garnison allemande de Marseille le 23 août. Quatre jours plus tard, celle de Toulon capitule à son tour. La Provence entière est alors libérée.

La région Provence-Côte d’Azur, qui s’étend sur six départements, est l’un des pôles du développement français, grâce à ses ressources naturelles et l’essor de son industrie et de son commerce.

J. P.

➙ Aix-en-Provence / Arles / Avignon / Charles Ier d’Anjou / Marseille / Nice / René Ier le Bon / Toulon.

 E. Ripert, la Renaissance provençale, 1800-1860 (Dragon, Aix-en-Provence, 1918). / P. Masson, la Provence au xviiie s. (Hachette, 1936 ; 3 vol.). / R. Busquet et V. L. Bourrilly, Histoire de la Provence (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1944 ; 2e éd., 1966). / R. Baehrel, Une croissance : la Basse-Provence rurale (S. E. V. P. E. N., 1962). / F. Tavernier, Marseille et la Provence, t. II : Sous la royauté, 1481-1789 (Éd. du Centre régional de documentation pédagogique, Aix-en-Provence, 1963). / E. Baratier (sous la dir. de), Histoire de la Provence (Privat, Toulouse, 1969) ; Atlas historique. Provence, comtat Venaissin, Principauté de Monaco, Principauté d’Orange et Comté de Nice (A. Colin, 1969) ; Documents de l’histoire de la Provence (Privat, Toulouse, 1971). / M. Agulhon, la République au village. Les populations du Var, de la Révolution à la Seconde République (Plon, 1970). / P. Rollet, la Vie quotidienne en Provence au temps de Mistral (Hachette, 1972). / M. Vovelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au xviiie siècle (Plon, 1973).


L’art en Provence

Les navigateurs grecs établissent leurs premiers comptoirs là où des abris naturels favorisent le commerce et surtout l’habitat. Leur choix est à l’origine des plus grands ports : Marseille*, Toulon, Hyères... À l’intérieur, les populations celto-ligures choisissent, pour se défendre, les sites plus élevés des collines. L’oppidum de Roquepertuse, celui d’Entremont ou celui de Saint-Blaise sont ouverts aux influences grecques, puis étrusques venues de la mer, mais ils perpétuent, grâce à un profond sens religieux et au culte des ancêtres, un système de formes original. Souvent barbare, comme au portique de Roquepertuse (musée Borély à Marseille), l’expression du modelé définit avec beaucoup de rigueur les aspirations et les craintes du groupe humain.