Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Provence (suite)

Quand, au début du ve s., la Provence est divisée en Alpes-Maritimes, en Narbonnaise seconde et en Viennoise, Arles, où Constantin le Grand aime séjourner, devient chef-lieu de la préfecture des Gaules. À partir de 476, la région subit les invasions des Wisigoths, des Burgondes, des Ostrogoths et des Francs, qui s’établissent en Provence et rattachent ce pays à leur royaume (537).

Province de l’Empire carolingien, la Provence fait ensuite partie de la Lotharingie jusqu’en 855. À cette date, Charles, troisième fils de Lothaire, qui l’a reçue en partage, en fait un royaume qui va de Lyon à la Méditerranée, des Alpes au Forez et au Gévaudan. Annexée à celui de Charles le Chauve, la Provence renaît, agrandie de la Bourgogne, en 879 avec Boson. En 947, c’est au royaume de Bourgogne qu’elle appartient. À la mort de Rodolphe III, en 1032, elle est rattachée au Saint Empire.

Vers 973, les Sarrasins sont chassés du massif des Maures par le fils de Boson, le comte Guillaume le Libérateur, fondateur de la dynastie des comtes de Provence. La féodalité s’organise, mais la vie municipale, héritée de Rome et maintenue en dépit des invasions, restreint sa puissance. Au xiie s., les institutions communales se développent avec le renouveau urbain et l’essor des activités maritimes dû aux croisades. Le régime du consulat se répand, et certaines villes font appel au podestat, fût-il étranger, pour trancher les litiges et structurer l’administration.

En 1112, le mariage de Douce de Gévaudan, héritière de Provence, avec le comte de Barcelone Raimond Bérenger III, crée un vaste domaine qui s’étend de Monaco au delta de l’Èbre. La maison des comtes de Toulouse, propriétaire du marquisat (Vaucluse actuel), appuie le comte de Forcalquier et le seigneur des Baux, qui tentent de s’approprier la Provence entière, mais, en 1156, la maison de Barcelone l’emporte. Quand le Languedoc entre dans le royaume de France, après la crise albigeoise, le Saint Siège séquestre le marquisat.

Marguerite de Provence, fille de Raimond Béranger IV, épouse Louis IX, et sa sœur Béatrice le frère cadet du roi de France, Charles* comte d’Anjou, à qui elle apporte la Provence en dot. Mal accepté par les féodaux provençaux, Charles Ier doit réduire leur résistance par les armes. Il démantèle les remparts de Marseille et réduit ses libertés. Il se lance ensuite dans une politique expansionniste, agrandissant son comté jusqu’aux abords de Gênes et de Turin. Devenu roi de Sicile en 1266, il n’est plus discuté par les Marseillais, leur port connaissant une activité considérable.


Du xive siècle à nos jours

Descendante directe de Charles Ier, Jeanne Ire quitte Naples après l’assassinat, en 1345, de son premier mari et se réfugie un temps en Provence. En 1348, alors que la peste noire fait 11 000 victimes dans la région, elle vend Avignon au pape Clément VI. Sous les pontificats de Clément V, de Jean XXII, de Benoît XII, de Clément VI, d’Innocent VI, d’Urbain V, de Grégoire XI, cette ville, surpeuplée, remplie de délégations, fait figure de ville internationale.

La reine Jeanne, revenue à Naples, adopte en 1380 Louis Ier d’Anjou pour successeur. Marseille le reconnaît, mais Aix tient pour le successeur naturel Charles de Durazzo, neveu par alliance de la reine. Par le traité de 1388, Nice, Barcelonnette et Puget-Théniers admettent la souveraineté du comte de Savoie, Amédée VII. Évincé de Naples par la maison d’Aragon, le roi René* se replie sur la Provence, où il meurt sans enfants en 1480. Son neveu et héritier Charles II (ou V) cède par testament au roi Louis XI le comté de Provence (1481). La monarchie française crée un port de guerre à Toulon en 1496 et dote Aix d’un parlement en 1501. Une imprimerie s’installe à Orange en 1573. La première savonnerie marseillaise est fondée en 1577.

Les guerres de religion déchirent la Provence. Le comte de Savoie tente alors de s’emparer du Sud-Est, tandis que Marseille, avec le dictateur Charles de Casaulx (1591-1596), prétend à l’indépendance. Pour en finir avec l’agitation protestante et réduire la révolte parlementaire des « Cascavéous », Richelieu envoie l’armée de Condé en 1631. Les troubles ne cessant pas, Louis XIV occupe militairement Marseille le 2 mars 1660. Sur son ordre, Avignon et le Comtat sont saisis par le parlement de Provence, puis rendus au pape l’année suivante avec d’expresses réserves sur ses droits. Ils seront de nouveau rattachés au royaume pour un temps à la fin du xviie s. À deux reprises, par les campagnes de Nicolas Catinat et du duc de La Feuillade, la France s’empare de Nice. Pendant la guerre de la Succession d’Espagne (1701-1714), la Provence est envahie par les armées austro-sardes, mais ni les troupes du duc de Savoie, ni la flotte anglaise ne peuvent s’emparer de Toulon en 1707. Au traité d’Utrecht (1714), Barcelonnette est rattachée au royaume.

Pendant le règne de Louis XIV, le décor des villes provençales est renouvelé par une pléiade de grands architectes et d’urbanistes, qui construisent d’admirables monuments publics et hôtels particuliers classiques, et qui ouvrent des cours et des esplanades aux proportions harmonieuses.

Éprouvée par l’hiver de 1709, qui détruit vignes, oliviers et amandiers, la Provence est ravagée en 1720 et en 1721 par la peste. On dénombrera plus de 10 000 morts à Marseille, à Aix, à Arles et à Toulon.

Sous Louis XV, le 14 mai 1731, la principauté d’Orange est incorporée à la France. Pendant la guerre de la Succession d’Autriche (1740-1748), les armées austro-sardes l’emportent d’abord en 1744 à Toulon et à Nice, puis sont repoussées par les troupes françaises du maréchal de Belle-Isle en 1746 et en 1747. Supprimé en 1771, le parlement d’Aix est rétabli en 1775 par Louis XVI. À cette époque, dans la marine, les Provençaux Suffren et de Grasse s’illustrent aux Indes et en Amérique.

La dernière réunion des états de Provence a lieu en avril 1789. Le comte de Mirabeau leur dénie le droit de représenter la « nation provençale » et demande « l’élection libre d’un peuple qui use de ses droits ».

Administrativement, la Provence cesse d’exister par le décret du 26 février 1790. On divise son territoire en trois départements : Bouches-du-Rhône (Marseille n’en sera le chef-lieu qu’en 1800), Var et Basses-Alpes. Le Vaucluse et les Alpes-Maritimes naîtront de la réunion à la France du comtat Venaissin le 14 septembre 1791 et du comté de Nice le 31 janvier 1793.

Le bataillon des fédérés de Marseille, entraîné par le Conventionnel Ch. J. M. Barbaroux, gagne Paris en 1792, réclame le 2 août la déchéance du roi et donne le 10 l’assaut aux Tuileries aux accents du Chant de guerre pour l’armée du Rhin, qui devient ainsi la Marseillaise.