Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

profession (suite)

Le code a été construit de manière essentiellement empirique : on a choisi certains métiers comme « points de base » ou « cas typiques » d’une catégorie et classé dans une même catégorie les métiers ressemblant le plus aux métiers de base. Par exemple, l’« ajusteur » étant choisi comme cas typique de la catégorie « ouvriers qualifiés », les métiers s’en approchant sans ambiguïté possible entreront automatiquement dans cette catégorie. Par contre, aux zones frontières, un métier intermédiaire comme celui de magasiniers appellera, pour être classé, d’autres précisions.

À l’aide de cette méthode, la population active a été classée depuis 1962 en trente catégories (le code de 1954 en comprenait trente-sept). Ces trente catégories sont une subdivision de neuf groupes fondamentaux :
0. agriculteurs exploitants ;
1. salariés agricoles ;
2. patrons de l’industrie et du commerce ;
3. professions libérales et cadres supérieurs ;
4. cadres moyens ;
5. employés ;
6. ouvriers ;
7. personnels de service ;
8. autres catégories.

Chacune des trente catégories socio-professionnelles est identifiée par un numéro à deux chiffres dont le premier indique le numéro de groupe. Ainsi, les catégories 51 (employés de bureau) et 53 (employés de commerce) relèvent toutes deux du groupe 5 (employés).

La population non active a été elle-même répartie depuis 1968 en neuf catégories (codes 91 à 99).

Depuis plus de vingt ans, l’I. N. S. E. E. utilise le code des catégories socio-professionnelles, qui a rendu les plus grands services dans de nombreux travaux démographiques (étude de la fécondité, de la mortalité), économétriques (analyse des budgets familiaux), économiques (structure de la population active) et sociologiques (étude de la mobilité sociale, sociologie électorale, sociologie de l’éducation). C’est également à partir de ces catégories que sont effectués les échantillonnages par quota des enquêtes par sondage.

L’usage du concept statistique de catégorie socio-professionnelle s’est tellement répandu qu’on l’emploie maintenant dans le langage courant.

Pourtant, cette classification a été souvent critiquée, principalement par certains sociologues qui dénoncent l’a priori idéologique qui lui est sous-jacent. Dans le Traité de sociologie du travail, Jean Porte souligne que « la classification par catégories socio-professionnelles n’est pas autre chose que la réalisation consciente du programme contenu implicitement dans la pratique des spécialistes des sondages et études de marché », et, dans leur livre les Classes sociales en France (1963), Maurice Bouvier-Ajam et Gilbert Mury vont jusqu’à accuser ceux qui ont élaboré ce code d’avoir cherché à détourner l’attention du public des classes sociales vers d’autres classifications.

En vérité, les catégories socio-professionnelles n’ont pas été conçues pour rendre compte des classes sociales.

Créer des catégories est un exercice difficile. Pratiquer des coupures sur un ensemble continu de situations sociales implique nécessairement une part d’arbitraire. Une classification n’est pertinente qu’en fonction de la logique qui a présidé à son élaboration. Il importe donc d’avoir une claire conscience des options méthodologiques implicites. Pensée pour satisfaire le maximum d’usages, la classification socio-professionnelle est nécessairement imparfaite — et les spécialistes de l’I. N. S. E. E. sont les premiers à le reconnaître — pour chacun de ces usages précisément.

Sa portée ne doit être ni minimisée ni surestimée. Élaborée pour une fonction précise, cette classification ne saurait rendre compte de tous les aspects de la réalité sociale.

Sans doute laisse-t-elle dans l’ombre d’importantes différences, par exemple celles qui tiennent à la nature exacte des tâches ou au statut précis de l’individu dans son groupe de travail. Sans doute peut-on regretter l’absence de critères tels que le niveau d’instruction, le type d’habitat ou le niveau de revenu. Mais cette classification rend compte au moins des contrastes majeurs et traduit d’assez près l’existence d’ensembles spécifiques de situations sociales : appartenir à telle catégorie, c’est être intégré à un univers social particulier.

La classification socio-professionnelle, unique et standardisée, présente également l’avantage de permettre la confrontation des résultats d’études diverses et d’effectuer d’utiles comparaisons dans le temps. C’est en particulier grâce à elle qu’on peut suivre avec précision les importantes transformations de la structure de la population active.


L’évolution de la population active : tendances fondamentales


En France

Depuis le début du siècle, alors que la population totale augmentait sensiblement et malgré une immigration importante, la population active française est restée remarquablement stable.

D’après des estimations plus récentes de l’I. N. S. E. E., la population active, au sens du recensement, s’élève en mars 1972 à 20 829 900 personnes (12 998 400 hommes et 7 831 500 femmes), auxquelles il convient d’ajouter environ 500 000 actifs marginaux dénombrés par l’enquête annuelle sur l’emploi. Cela représente 41,6 p. 100 d’actifs dans l’ensemble de la population.

Pour les années à venir, l’I. N. S. E. E. prévoit un accroissement régulier de la population active, qui passerait à 42,8 p. 100 de la population totale en 1985. Cette augmentation est due à l’accroissement de la population totale d’âge actif, au développement de l’activité féminine (il y aura en 1985 environ 2 millions de femmes actives supplémentaires par rapport à 1970, et la féminisation de la population active passera de 35,6 à 37,5 p. 100) et enfin à l’importance croissante de l’immigration dans la population active. L’accroissement de la population active permettra de réduire la charge que représente pour les actifs la population inactive. De 139 inactifs pour 100 actifs en 1970, on passera à 136 en 1980.

Si la masse globale varie lentement, la structure de la population active a beaucoup changé et reflète la mutation de la France vers une société nouvelle.