Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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profession (suite)

En premier lieu, la France a cessé d’être une nation à prédominance agricole. En 1968, on comptait déjà moins de 15 p. 100 de paysans, dont moins de 3 p. 100 de salariés agricoles. En six ans, de 1962 à 1968, le nombre de paysans a diminué de 21 p. 100. La population agricole représentait 42 p. 100 de la population active en 1921, 27 p. 100 en 1954, 20 p. 100 en 1962, 14,9 p. 100 en 1968, 11 p. 100 en 1972.

Mais la part de la population agricole reste importante si on la compare à celle de certains autres pays. Dès 1960, il n’y avait plus que 4 p. 100 de paysans dans le Royaume-Uni (4 p. 100 en 1966), 7 p. 100 aux États-Unis (5,5 p. 100 en 1967) et 14 p. 100 en Allemagne fédérale (11 p. 100 en 1966).

On notera que les inactifs sont moins nombreux dans la population agricole que dans la population totale, l’écart étant particulièrement sensible pour les femmes. Par ailleurs, les exploitants agricoles ont une moyenne d’âge relativement élevée.

Dès 1968, les salariés représentaient plus des trois quarts de la population active française. Entre les recensements de 1962 et 1968, on dénombre 2 100 000 salariés non agricoles en plus, soit un accroissement de plus de 16 p. 100. Cette extension rapide du salariat, mouvement corrélatif de la modernisation et de l’industrialisation, n’a cependant pas atteint le niveau de la Grande-Bretagne, où 98 p. 100 des actifs sont salariés.

Cependant, l’accroissement de la population de salariés ne s’est pas traduit par une égale augmentation de la part de chaque catégorie. De 1962 à 1968, la catégorie dont l’accroissement est le plus sensible est celle des professeurs (+ 67 p. 100) ; les cadres supérieurs ont augmenté d’environ 30 p. 100, les employés de 26 p. 100, mais les ouvriers n’ont augmenté que de 9 p. 100.

Mais il ne faut pas surestimer les conséquences de cette évolution sur la structure sociale de la société française. Des variations importantes sur des petites catégories ne modifient pas considérablement la configuration d’ensemble. Avec un taux d’accroissement spectaculaire, les cadres supérieurs passent de 2,2 à 4,1 p. 100 de 1954 à 1968, mais les ouvriers, avec un taux de croissance très modeste, passent dans le même temps de 33,8 à 37,7 p. 100 de la population active.

Parmi les ouvriers, ce sont les catégories les plus qualifiées qui ont le plus progressé. Si la proportion de manœuvres est restée à peu près stable de 1952 à 1968, celle des O. S. a augmenté de 13 p. 100, celle des ouvriers qualifiés de 14 p. 100 et celle des contremaîtres de 17,6 p. 100.

Le phénomène le plus marquant est sans doute la transformation de l’activité féminine. Si le pourcentage des femmes actives par rapport à la population active totale reste stable (34,8 p. 100 en 1954, 34,6 p. 100 en 1962, 34,9 p. 100 en 1968), de nets changements ont, en revanche, affecté l’emploi féminin, traduisant un mouvement de promotion. Ainsi, la proportion de femmes ingénieurs a augmenté de 48 p. 100, celle des femmes professeurs de 75 p. 100 et celle de femmes techniciennes de 121 p. 100.

Les femmes représentaient au recensement de 1968 61 p. 100 des employés, 41 p. 100 des cadres moyens et 19 p. 100 des professions libérales et des cadres supérieurs.


Quelques comparaisons

Il n’est pas facile de comparer les données provenant de différents pays. En dépit des efforts effectués par divers organismes internationaux pour normaliser les codes et les catégories, chaque pays conserve son propre système de classement.

En 1940, Colin Clark reprit les critères de classification que l’économiste Alen B. Fischer avait introduits en 1935 pour faciliter la comparaison de la distribution de la population active dans plusieurs pays et proposa de distinguer trois secteurs : le secteur primaire (agriculture, pêche, chasse, forêts), le secteur secondaire (industries extractives et de transformations, construction et travaux publics, eau-gaz-électricité) et le secteur tertiaire (le reste, c’est-à-dire principalement les services-transports, commerce et administrations).

Cette classification très grossière permet, cependant, d’apprécier combien les composantes de l’emploi se sont modifiées au cours des dernières années dans la plupart des pays industrialisés. Les plus récentes statistiques de l’O. C. D. E. montrent que les bouleversements les plus importants ont eu lieu au Japon et les plus faibles en Europe. De 1956 à 1967, c’est au Japon et en Amérique du Nord que l’augmentation de la population active a été la plus forte (respectivement 17 et 18 p. 100), alors qu’en Europe la progression ne fut que de 4 p. 100.

Si la répartition de la population active française par secteur se modifie, cette mutation est relativement lente par rapport à celle de certains pays développés.

Pour les pays européens, on dispose de statistiques plus détaillées. De 1958 à 1970, la population active du Marché commun a peu augmenté.

Mais, comme pour la France, sous cette relative stagnation, on observe de profonds changements structurels. Tout d’abord, en douze ans, l’emploi salarié s’est accru de 18 p. 100. Par ailleurs, cette croissance de l’emploi salarié a été plus forte dans le secteur « tertiaire » (transports, télécommunications, commerce, services, administrations). Dans le même temps, les pays du Marché commun ont perdu 6,8 millions de paysans. On observe partout une entrée plus tardive des jeunes dans la vie active et une augmentation sensible de la main-d’œuvre féminine. Enfin, l’emploi étranger s’est considérablement renforcé. L’Italie est le seul pays du Marché commun ayant en permanence un excédent de main-d’œuvre. Aussi, la main-d’œuvre étrangère y est-elle pratiquement inexistante (33 000 salariés en 1968), alors qu’en Allemagne fédérale on compte 1,37 million de salariés étrangers (soit 6 p. 100 de l’emploi salarié) contre 1,16 million en France (7,5 p. 100), 200 000 en Belgique (7 p. 100), 60 000 aux Pays-Bas (1,5 p. 100) et 30 000 au Luxembourg (soit près de 28 p. 100). Ces chiffres, qui datent de 1969 (voir le rapport sur « la libre circulation de la main-d’œuvre et les marchés du travail dans la C. E. E. », C. E. E., juin 1970), sont en 1973 largement dépassés par l’Allemagne, qui compterait plus de 2 millions de travailleurs étrangers.