Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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préhistoire (suite)

La chronologie

Après la description et le classement des faits, il s’agit pour le préhistorien de les rapporter à une échelle chronologique. L’établissement d’une chronologie est apparue comme la première tâche des préhistoriens. Le schéma classique montre la succession des âges de la pierre (Paléolithique*, Mésolithique, Néolithique*), du cuivre (Chalcolithique) et du bronze*, avant l’âge du fer. S’il est difficile de préciser les débuts de la préhistoire, puisqu’elle commence avec l’apparition de l’Homme, il est aussi difficile d’en préciser le terme, car l’émergence de l’histoire varie suivant les lieux. La Gaule, par exemple, entre dans l’histoire avec l’invasion de Jules César (52 av. J.-C.), en plein âge du fer (civilisation de La Tène) ; pour le continent américain, ce passage s’effectue au début du xvie s. de notre ère avec la conquête espagnole.

La difficulté dans une chronologie est de bâtir un système cohérent. Le schéma classique s’appuie sur la matière première de l’outillage, la pierre puis le métal. Gordon Childe (1892-1957) a mis l’accent sur les bases économiques des sociétés préhistoriques, et la tendance actuelle est de souligner cet aspect des choses (v. Néolithique). Le cas de la préhistoire américaine est significatif : divisée en cinq stades (le Lithique, l’Archaïque, le Formatif, le Classique et le Postclassique), cette chronologie est absolument incohérente puisque le premier stade (Lithique) est fondé, comme en Europe, sur la matière première utilisée, le second (Archaïque) marque une ancienneté relative par rapport aux grandes civilisations méso-américaines et les trois suivants (Formatif, Classique et Postclassique) représentent des degrés culturels. Les préhistoriens éprouvent beaucoup de difficultés à rompre avec une chronologie traditionnelle passée dans les mœurs, mais il est possible que l’on détermine dans un proche avenir un nouveau système s’appuyant sur des critères socio-économiques. On reconnaît déjà deux étages fondamentaux : les prédateurs, ou chasseurs-collecteurs, et les producteurs de nourriture.


L’interprétation

À ce stade de la recherche, le préhistorien possède une série de faits qui s’articulent sur les deux dimensions, spatiale et temporelle. Il a déterminé une séquence de phases culturelles et tente d’intégrer cette séquence dans un schéma en la reliant avec les autres déjà existantes. Un tel panorama doit lui permettre d’interpréter les vestiges matériels et de transcender les faits matériels en faits humains. Les deux premiers niveaux de la recherche ne sont exécutés qu’en fonction du dernier stade, l’interprétation. C’est alors que l’archéologue devient un véritable préhistorien.


La préhistoire et les « sciences exactes »

Le préhistorien est souvent amené à collaborer avec les spécialistes des sciences dites « exactes », la recherche préhistorique moderne s’appuyant sur la physique, la chimie, la microscopie, la radiographie d’une part, la géologie, la sédimentologie, la palynologie*, la botanique, la zoologie d’autre part.

Les méthodes de prospection relèvent de différentes techniques des sciences physiques : archéomagnétisme* et paléomagnétisme*, résistivité, etc. L’identification des dépôts contenant les faits préhistoriques est le travail du géologue et du sédimentologue ; mais ces mêmes dépôts contiennent aussi des fossiles* animaux et végétaux dont l’identification sera assurée par des spécialistes en la matière (v. paléontologie.). L’ostéologie tient ainsi une place prépondérante au sein de la recherche préhistorique, les vestiges osseux comptant parmi ceux qui se conservent le mieux.

Les sciences physiques et chimiques peuvent conjuguer leurs efforts dans l’analyse des constituants de l’objet, les poteries en particulier. Il est possible d’étudier les céramiques au moyen du microscope polarisant, de l’analyse thermique différentielle, des rayons X, des analyses spectrographiques, chimiques et radiographiques. Ces sciences s’avèrent encore essentielles pour la conservation de l’objet.

L’apport de la physique et de la chimie est manifeste dans la datation des vestiges matériels. On dispose aujourd’hui d’une véritable batterie de méthodes de datation, lesquelles seront plus ou moins recommandées suivant le problème envisagé. La technique du carbone 14 est de loin la plus célèbre, mais sa fiabilité n’excède pas 70 000 ans. Le rapport du potassium et de l’argon s’avère au contraire excellent lorsque nous sommes en présence d’objets remontant au-delà de 500 000 ans (cette technique a été employée avec succès dans la datation des Australanthropiens d’Afrique orientale). Il convient de signaler que toutes ces méthodes de datation absolue n’en sont encore qu’à leurs balbutiements et qu’elles se perfectionneront dans l’avenir. Les résultats acquis, combinés avec les données de la palynologie, marquent cependant un progrès considérable.

La paléontologie humaine est une science indissociable de la préhistoire. Elle connaît une véritable effervescence depuis la découverte des Australanthropiens d’Afrique orientale. Son champ d’activité s’exerce sur le groupe zoologique des Anthropiens et elle tente de retrouver le processus d’hominisation à partir des Primates les plus primitifs jusqu’aux races contemporaines en passant par tous les types d’Hominiens* tels que l’Australanthropien, l’Archanthropien, le Paléanthropien et le Néanthropien. Le préhistorien, lui, s’efforcera de reconstituer le comportement de ces différents types grâce à leur production technologique.


Tendances actuelles de la préhistoire


La « nouvelle archéologie »

Après la Seconde Guerre mondiale, les archéologues ont développé une nouvelle approche du fait archéologique. À l’école « normative » va s’opposer une école « systémique » qui, dédaignant l’histoire culturelle, s’attache à analyser le processus de l’évolution culturelle. On ne considère plus la culture comme un ensemble d’idées communes aux membres d’une même société mais comme un ensemble de systèmes en interaction continuelle. Tout événement dans un système doit se répercuter dans les autres systèmes. Grâce à cette nouvelle approche, le préhistorien qui ne retrouve des sociétés disparues que le seul système technologique doit regarder ces activités techniques comme le reflet d’événements dans le système social, religieux, économique, etc. Partant du fait observé, le préhistorien induit alors une série d’hypothèses dont il déduira quelques prédicats qui devront être validés par un test sur d’autres faits observables. Quand les préhistoriens auront établi ainsi un ensemble de modèles logico-sémantiques applicables à la recherche archéologique, il sera possible de définir une véritable « théorie » de la préhistoire.