Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pop music (suite)

Animés par Jim Morrison († Paris 1971), les Doors surent enrichir leur musique d’une dimension théâtrale que les textes lyriques, très libres, de Jim Morrison, clamés par une voix d’une ampleur rare, portèrent à un haut niveau dramatique. Scandaleux, provoquant, morbide, Morrison fut porteur, avec son physique d’archange, d’une bien lourde ambiguïté : tout à la fois poète maudit et idole des jeunes. Jim Morrison sombra dans l’alcool et connut une rapide déchéance.


Le folk et les guitaristes

Plusieurs traditions cohabitent dans la musique américaine, et l’on a pris l’habitude, quand la ballade se fait plus présente et la guitare sèche (ou moins électrifiée), de parler de folk (Pete Seeger, Tim Hardin, Phil Ochs, Tom Paxton, Tim Buckley, Loudon Wainwright III), quitte à y inclure un poète écrivain comme le Canadien Léonard Cohen, les talentueux Simon et Garfunkel, un nostalgique du country and western comme Johnny Cash ou le romantique James Taylor. Parmi les chanteuses et les chanteurs solitaires, il faut citer la Canadienne Joni Mitchell, l’Indienne Buffy Sainte-Marie ou encore Judy Collins et Julie Felix ainsi que le remarquable Van Morrison (d’origine irlandaise), le Texan Tony Joe White, le Noir Richie Havens.

Si l’on en juge par le disque et d’après une réputation suffisamment confirmée par le temps, les grands guitaristes américains restent Duane Allman (mort d’un accident de moto en 1971), Roger McGuinn (Byrds), le Portoricain José Feliciano. Henry Vestine (Canned Heat), Harvey Mandel, B. B. King (le plus fameux représentant du courant blues), Terry Kath (Chicago Transit Authority), Larry Corryel et John McLaughlin (tous deux assez proches du jazz), Jerry Garcia (Grateful Dead), Jorma Kaukonen (Jefferson Airplane), Leslie West (Mountain) et l’albinos Johnny Winter, l’un des plus convaincants et dont le frère, Edgar, est également un musicien confirmé. Il est évident que le plus grand de tous les guitaristes de rock reste Jimi Hendrix.

Ce que l’on a pu appeler l’illusion hippie connut son apothéose lors des festivals géants de Woodstock (1969) et de l’île de Wight (1970) avec environ 500 000 participants à chaque fois. Ce goût du retour à la nature, ce plaisir de la communion dans la musique se trouvèrent vile contrariés par d’insurmontables problèmes matériels, diverses formes de récupération politique et des interdictions formelles. Les groupes récents — plus fabriqués, d’ailleurs —, comme Alice Cooper, connaissent un retour à la scène traditionnelle satisfaisant un jeune public qui considère, à partir de 1970, les Beatles et Woodstock comme de l’histoire ancienne. Cette troisième décennie de l’histoire du rock voit le retour du rhythm and blues noir sous l’étiquette soul music, un courant commercialement diminué depuis la mort d’Otis Redding en 1967, mais marqué par un renouveau avec Curtis Mayfield et l’école de la firme Tamla Motown : Marvin Gaye, Stevie Wonder, Temptations. À la suite de Sly and the Family Stone, les Noirs ont parfaitement intégré les prouesses électro-acoustiques de la pop music — elle-même ayant puisé sa force aux racines du jazz, le blues.

P. K.

 C. Belz, The Story of Rock (Londres, 1969). / R. J. Gleason, The Jefferson Airplane and the San Francisco Sound (New York, 1969). / L. Roxon, Rock Encyclopedia (New York, 1969). / A. Rémond, les Chemins de Bob Dylan (Éd. de l’Épi, 1971). / J. Vassal, Folk Song. Une histoire de la musique populaire aux États-Unis (A. Michel, 1971). / La Pop music, numéro spécial de Musique en jeu (Éd. du Seuil, 1971). / P. Bas-Rabérin, les Rolling Stones (A. Michel, 1972). / P. Daufouy et J.-P. Sarton, Pop’ music/Rock (Champ libre, 1972). / A. Dister, les Beatles (A. Michel, 1972) ; Jimi Hendrix (Chiron, 1973) ; le Rock anglais (A. Michel, 1973). / J.-M. Leduc, Pink Floyd (A. Michel, 1973). / J.-M. Leduc et J.-M. Ogouz, la Pop-music de A à Z (A. Michel, 1973). / A. Raisner, l’Aventure pop (Laffont, 1973). / H. Muller, Jim Morrison au-delà des Doors (A. Michel, 1974). / S. Reins, les Who (Éd. polaires, 1974).
On peut également consulter les revues Rock and Folk (Paris, 1966 et suiv.), Rolling Stones (San Francisco, 1967 et suiv.), Best (Paris, 1968 et suiv.).

populaire (art)

Dans une société donnée, ensemble d’activités et de productions plastiques excluant habituellement celles qui sont à caractère savant ou très individualisé, mais incluant les formes artisanales susceptibles d’une connotation esthétique.



Généralités

L’expression art populaire, comme le terme de folklore* (et comme celui, plus large, de Völkerkunde, ou science des peuples, chez les savants allemands), est apparue au xixe s. Suivant l’éveil des nationalités, les consciences ethniques, soutenues ou combattues, s’affirment. L’ethnographie et l’anthropologie physique, dont les bases étaient déjà jetées, se constituent. L’intérêt que suscite l’étude des peuples s’accompagne aussi du désir d’établir scientifiquement le lien entre « race* », « peuple » et « culture* », lien que l’on croit certain.

La transformation des concepts d’art* et d’esthétique* peut, par toutes ses implications intellectuelles et sociales, caractériser une époque. Des conditions historiques et scientifiques concourent au jeu de ce renouvellement, et la notion d’art populaire s’y trouve aujourd’hui entraînée et modifiée au fur et à mesure de sa délimitation.

L’archéologie*, par la mise en lumière d’aires culturelles et de périodes successives des civilisations, a démontré les mécanismes de brassages et d’influences, les cycles, la complexité originelle des traditions. Elle a montré aussi l’ancienneté et la permanence du phénomène de la stylisation en art. Et ce que l’on découvre, c’est le foisonnement des capacités créatrices, leur présence, appauvrie ou puissante, à tous les degrés, sous tous les aspects du développement social. Un immense inventaire des œuvres et des hommes commence alors dans le temps et dans l’espace... Il va modifier la vision des mentalités relatives des différents groupes humains à la surface de la Terre. L’accumulation des données ethnographiques, l’entreprise d’une connaissance de l’homme (v. anthropologie) œuvrent dans le même mouvement de révolution de l’esprit. La perception esthétique n’y échappe pas et prouve son rôle d’indicatrice privilégiée. Un échange d’analyses et d’hypothèses sur les structures sociales, les systèmes religieux, les systèmes de parentés et les liens de l’écologie multiplie les voies d’accès à la compréhension du registre de valeurs et de productions des peuples étudiés. Mieux encore, l’exotique n’a plus saveur d’étrange ; l’étrange n’est plus l’éloigné. La préhistoire* et l’étude de l’art préhistorique apportent encore une autre dimension et reculent les frontières du connaissable. Cette remontée dans le temps, qui conduit aux premières formes de l’intelligence artisanale, fait apparaître très tôt la notion d’esthétique. Dès que les premières techniques se constituent, on remarque qu’utilité, fonction, forme et beauté de l’objet ne sont pas strictement séparables. Leurs liens forment une histoire peut-être aussi ancienne que celle de l’homme. Et, de même, la fonction artistique, dès ses premières manifestations, montre qu’elle est à la racine même des facultés d’expression.