Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pop music (suite)

À ces prises de position sur vynilite correspondront d’ailleurs des attitudes, et la chanteuse Joan Baez, par exemple, se rendra célèbre par ses manifestations d’opposition à la politique du gouvernement américain. La seconde moitié des années 60 connaît aux États-Unis une particulière effervescence : la jeunesse des campus se révolte contre la guerre au Viêt-nam ; les hippies, descendants des beatniks, prônent un monde d’amour et de paix tout en dénonçant les dangers d’une société uniquement axée sur la consommation ; drogues et philosophie orientales, pour beaucoup, deviennent des antidotes au conditionnement technologique d’une société obsédée par le rendement.

Bob Dylan

Bob Dylan, chanteur, guitariste, harmoniciste, compositeur, parolier, reste le héraut symbolique du réveil de la jeune Amérique. Sa voix étonnante a pu, un moment, soutenir des textes d’une haute valeur poétique, typiquement contemporains dans leur émotions et leurs images. Après avoir été, dans une première période, un chanteur de folk engagé, Dylan deviendra le maître du folk-rock pour revenir ensuite à une conception très sobre et assurément moins brillante de son art.

C’est vers 1965 qu’il aura connu son sommet (symbolisé par le double album Blonde on Blonde) : l’étudiant contestataire de Greenwich Village s’était transformé en une sorte de prophète halluciné qui, après avoir vilipendé les « maîtres de la guerre », chanta la fuite sur les autoroutes, mille voyages et mille images. Soutenu par un ensemble électrifié, Dylan décevra ses premiers admirateurs (festival de Newport de 1965), les puristes du folk, mais gagnera un public universel, immédiatement touché par l’appel qui se dégage de cette voix qui sait aussi bien magnifier le blues que les ballades irlandaises.

Robert Zimmermann (Duluth 1941) devenu Bob Dylan par admiration pour le poète Dylan Thomas, fera maintes rencontres en parcourant les États-Unis en stop, notamment le chanteur de blues Big Joe Williams et, à New York, celui qui deviendra son premier inspirateur, le chanteur folk Woody Guthrie, nomade au grand cœur des années 30, véritable personnage des Raisins de la colère, hospitalisé pour une grave maladie. Il enregistre son premier disque, Bob Dylan, en 1961, mais le succès va venir avec l’album Free Wheelin, qui contient, entre autres chansons contestataires, le célèbre Blowin’ in the Wind, repris par Peter Paul and Mary. Après avoir définitivement consacré le « protest song » avec le succès de l’album The Times they are A-Changin’ (Les temps sont en train de changer), Dylan va évoluer vers une expression plus riche, mais d’un caractère politique moins évident. Mister Tambourine Man, Like a Rolling Stone, Highway 61 revisited marquent des étapes vers le sommet symbolisé par l’album Blonde on Blonde.

Ensuite, ce sera une période de silence. Dylan, qui a eu un grave accident de moto, reviendra en 1968, rajeuni, mais assagi, avec John Wesley Harding, retour à la ballade campagnarde qui va marquer son désengagement progressif.


Les groupes

Tout cela va être accompagné, rythmé, chanté par les groupes pop. Tandis qu’un extraordinaire guitariste et chanteur noir américain. Jimi Hendrix (v. guitare), commence à faire parler de lui en Europe, de nouveaux orchestres se forment partout aux États-Unis, bousculant les conceptions artistiques plus innocentes des vedettes alors en faveur — les Beach Boys, fondés en 1962, demeurant des précurseurs qui, d’ailleurs, sauront évoluer jusqu’à demeurer le plus important groupe américain des années 60. Dès 1965, on va parler des sympathiques Lovin’Spoonful (chanteur John Sebastian), bientôt des furieux Fugs et, toujours à New York, des impeccables Blood, Sweat and Tears (fondés par un organiste-compositeur-arrangeur-producteur connu, Al Kooper), groupe très professionnel qui réhabilite les cuivres comme Chicago Transit Authority, champion des ventes de disque. New York abritera aussi l’étrange et obnubilant Velvet Underground, reflet malsain de la ville souterraine suscité par le peintre et cinéaste Andy Warhol ; ses premiers membres, Nico, John Cale, Lou Reed, feront ensuite des carrières séparées. Les groupes de Détroit se manifestent à leur tour, caractérisés par une musique très violente, digne de la « Motor City » : MC 5, Stooges (chanteur Iggy Pop) ou bien l’incroyablement bruyant Grand Funk, gigantesque et symbolique injure sonore plus que musique.

C’est cependant la côte ouest qui verra la plus grande éclosion de groupes consacrés au nouveau rock : au soleil de la Californie s’épanouissent depuis toujours sectes et religions diverses, et là se dérouleront, en musique, les premières expériences de vie communautaire ainsi que les premiers festivals importants (Monterey, 1967). Deux groupes ont fait de la baie de San Francisco un haut lieu du rock west-coast : le Jefferson Airplane (principaux musiciens : la chanteuse Grace Slick, le guitariste rythmique Paul Kantner, le bassiste Jack Casady et le guitariste soliste Jorma Kaukonen) et le Grateful Dead (guitariste et leader Jerry Garcia) — mais liés au mouvement hippie, il faut également citer Country Joe and the Fish ainsi que Big Brother and the Holding Company, premiers accompagnateurs de la grande Janis Joplin (morte le 4 octobre 1970).

Les Mothers of Invention de Frank Zappa, partagés entre la parodie et la recherche, vont illustrer une autre tendance ; les Byrds de Roger McGuinn, avec leurs ballades country sur rythme électrique, feront triompher le folk-rock (Quicksilver et The Band sont dans la même tradition) ; le Buffalo Springfield restera célèbre pour avoir abrité le Canadien Neil Young et Stephen Stills, qui, en se joignant à David Crosby (ex-Byrds) et à l’Anglais Graham Nash (ex-Hollies), formeront les fameux Crosby, Stills, Nash and Young — ensuite séparés, mais extrêmement populaires vers la fin des années 60.

Il faut encore citer les excentriques Captain Beefheart et Commander Cody (and his Lost Planet Airmen), ces fins serviteurs du blues que sont les Canned Heat, les groupes plus hargneux comme Steppenwolf (chanteur Allemand de l’Est John Kay), acérés comme Spirit ou bien les Vanilla Fudge (où se feront connaître le bassiste Tim Bogert et le batteur Carmine Appice), ou bien encore Iron Butterfly, célèbre pour In a Gadda da Vida. Creedence Clearwater Revival (des frères Fogerty) a remporté un moment un très grand succès avec une musique simple, mais non dépourvue de feeling, contrairement aux Monkees, qui apparurent comme de purs produits du business. On ne peut clore cette liste sans parler, enfin, de Santana, riche d’influences sud-américaines parfaitement assimilées, et des Doors, peut-être le groupe le plus « fort » qu’ait connu l’Amérique.