Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Polybe (suite)

L’homme

Fils de Lycortas, qui sera stratège de la ligue Achéenne après la mort de Philopœmen (253 av. J.-C. - 184), il reçoit une éducation littéraire et philosophique soignée et il participe à diverses charges militaires et politiques. En 181, il prend part à une ambassade en Égypte. Quand la ligue se décide à se déclarer en faveur des Romains, il est nommé hipparque (169-168). Comme son père et comme Philopœmen, il est du parti modéré, opposé aussi bien aux démocrates, adversaires de Rome, qu’à l’oligarchie proromaine. Désigné parmi les mille otages livrés à Rome après la défaite de Persée à Pydna (168), il va y rester seize ans, s’attirant l’amitié de Scipion Émilien et de Fabius Maximus Aemilianus, les fils de Paul Émile, ce qui lui permettra de consulter les archives de l’État et d’entreprendre son œuvre historique. En 150, il obtient le droit de rentrer en Grèce, mais, par la suite, il revient souvent à Rome, désormais pour lui une seconde patrie, soit pour y séjourner, soit pour accompagner Scipion dans ses campagnes (siège de Carthage en 146, siège de Numance en 134-133). Après la conquête définitive de la Grèce, il est chargé d’établir les assises de la future province romaine d’Achaïe.

Polybe composa une Vie de Philopœmen, une Guerre de Numance, un Traité de tactique, ouvrages aujourd’hui perdus, et surtout des Histoires, en quarante livres, dont il ne subsiste que les cinq premiers livres et d’importants fragments. Les livres I et II forment un préambule consacré aux événements qui se sont passés de 264 à 221, soit depuis le commencement de la première guerre punique. Polybe y expose la soumission du monde civilisé aux armes et à la politique romaines. À partir du livre III, il mène de front l’histoire de l’Italie et celle de la Grèce : si le livre V se termine par la bataille de Cannes (216), les suivants allaient jusqu’en 146 et décrivaient l’établissement du protectorat romain sur la Grèce.


Modernité de Polybe

« Il y a trois parties dans la science historique : la première se rapporte à la recherche des documents et au classement des matériaux ; la deuxième à l’examen des villes et des lieux, des fleuves et des ports, et, d’une façon générale, des terres et des mers, tant au point de vue de leur configuration que de leurs distances ; la troisième est la connaissance des affaires politiques » (Histoires, XII, 25). Polybe se plie remarquablement à ces trois exigences : il recourt à toutes les sources d’informations (traditions orales, archives, lecture et critique des historiens antérieurs) ; il accorde une importance capitale à la géographie (il a lui-même parcouru la Grèce, l’Italie, la Libye, l’Ibérie, la Gaule) et apporte dans sa tâche d’historien une profonde connaissance de la politique (son œuvre abonde en réflexions sur les forces morales et matérielles des États).

Dans l’explication causale des faits, il exclut toute intervention divine pour rechercher les causes secondes, celles de l’ordre naturel et positif. Il voit l’interdépendance des événements, quel que soit leur éloignement dans le temps et dans l’espace : « Il est indispensable que l’historien établisse les conséquences, les circonstances et avant tout les causes des faits. C’est ainsi que nous voyons la guerre d’Antiochos III sortir de celle de Philippe V, celle d’Hannibal de celle de Sicile, et tous les événements qui se sont produits dans l’intervalle de ces guerres, pour nombreux et variés qu’ils aient été, tendre tous néanmoins vers la même fin » (Histoires, III, 32). À ses yeux, une histoire véritablement scientifique ne peut être qu’universelle : ce qu’il s’efforce de dégager, c’est la complexité vivante des civilisations. Ainsi, il s’élève vers une philosophie de l’histoire ; ayant le sens de l’évolution des sociétés, il sait que toutes les formes de gouvernement sont moins des mécanismes fixes et figés que des organismes aux changements incessants : monarchie, aristocratie, démocratie se succèdent suivant un rythme régulier, avec des périodes d’accroissement ou de déclin (Histoires, VI, 5-9).

Cette hauteur de vues, qui fait sans doute de Polybe le meilleur historien grec, est malheureusement desservie par une expression médiocre, due à une totale absence de sensibilité et d’imagination. Polybe affectionne le terme abstrait au détriment du mot qui fait image, et sa phrase a une ampleur monotone qui tourne à la dissertation. S’il est peut-être supérieur à Thucydide* dans sa conception de l’histoire, chez lui l’art est loin d’avoir la même qualité.

A. M.-B.

 O. Cuntz, Polybius und sein Werk (Leipzig, 1902). / R. A. Laqueur, Polybius (Leipzig, 1913). / M. Feyel, Polybe et l’histoire de Béotie au iiie siècle avant notre ère (De Boccard, 1942). / F. W. Walbank, A Historical Commentary in Polybius (Oxford, 1957-1963 ; 2 vol.). / P. Pedech, la Méthode historique de Polybe (Les Belles Lettres, 1964). / A. Roveri, Studi su Polibio (Bologne, 1964). / J. A. de Foucault, Recherches sur la langue et le style de Polybe (les Belles Lettres, 1972).

Polychètes

Classe d’Annélides réunissant des vers marins dont les segments portent des soies nombreuses.


Les six mille espèces connues se répartissent en deux groupes : Polychètes errants, nageurs ou rampants (Nereis, Aphrodite, Syllis, Eunice) ; Polychètes sédentaires, fouisseurs (Arenicola) ou tubicoles (Spirographis, Spirorbis, Serpula).


Morphologie

Chez la plupart des espèces, le corps, allongé et cylindrique, mesure de 5 à 25 cm de long et comporte de quelques dizaines à deux centaines d’anneaux. Transparent chez les Alciopidés, il montre chez beaucoup de formes des couleurs vives et variées. Il se compose d’un prostomium antérieur, qui porte divers organes sensoriels (yeux, antennes, palpes), du corps proprement dit, constitué de métamères typiques, et du pygidium avec l’anus.

La tête est formée par le prostomium et le péristome ; celui-ci résulte de la modification et de la fusion des premiers segments, et porte des cirres tentaculaires. Les yeux ne sont souvent que des taches photosensibles, en nombre variable ; mais, chez Alciope, ils présentent une structure aussi complexe que ceux des Vertébrés, avec cristallin et rétine ; chez plusieurs genres, ils sont répartis sur le corps, par exemple sur les branchies (Branchiomma) ou sur le pygidium (Amphiglena). La bouche s’ouvre ventralement, entre le prostomium et le péristome ; chez beaucoup d’espèces, surtout errantes, elle livre passage à une trompe dévaginable garnie de papilles molles ou de denticules, ou mâchoires, chitineux ; elle sert à la capture des proies ou à l’ingestion de sable et de vase.