Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Polychètes (suite)

Chaque anneau du corps porte sur le côté une paire d’organes locomoteurs complexes, les parapodes. Chaque parapode est en général formé de deux rames, une dorsale et une ventrale, soutenues chacune par une grosse soie interne, l’acicule ; quelques genres, comme Phyllodoce, ont des parapodes uniramés. Sur chaque rame s’insère une touffe de soies, dont il existe plusieurs variétés : simples ou composées, barbelées, pectinées ou en palette ; beaucoup de Polychètes sédentaires ont aussi des soies courtes, en crochet (uncini). Un parapode porte également deux cirres, de forme variée : filiforme (rôle sensoriel), aplatie (« élytre ») ou ramifiée (rôle respiratoire). Les Aphrodites se signalent par leur corps aplati et ovale, recouvert dorsalement par deux rangées de larges élytres, cachés sous un feutrage de soies irisées.

En principe, tous les segments du corps se ressemblent, et les deux rames, dorsale et ventrale, sont identiques ; mais, souvent, des variations apparaissent le long du corps et permettent de distinguer un « thorax », un « abdomen », une « queue », comme chez Arenicola ; souvent aussi, les rames supérieure et inférieure d’un même anneau diffèrent notablement. L’altération de la métamérie, fréquente chez les sédentaires, atteint aussi les organes internes, comme les néphridies, ou s’exprime dans la répartition des branchies : régulièrement disposées sur chaque anneau chez les Polychètes errants, celles-ci se rassemblent sur la région abdominale (Arénicole) ou sur le prostomium (Sabellidés et Serpulidés, chez qui les filaments branchiaux constituent d’élégants panaches antérieurs).


Reproduction


Reproduction sexuée

Dans la grande majorité des cas, les sexes sont séparés, et l’on ne décèle aucun dimorphisme sexuel ; les gamètes se forment dans la cavité cœlomique et sont émis par des pavillons et des canaux plus ou moins étroitement associés avec les néphridies. La fécondation est externe, et l’œuf, ayant subi une segmentation spirale typique, donne une larve trochophore planctonique qu’une métamorphose transforme progressivement en Ver segmenté.

Ce déroulement souffre quelques exceptions ou offre parfois des particularités. Chez les formes dépourvues de voies génitales, les produits sexuels sont libérés par déchirure des téguments, ce qui entraîne la mort du Ver. Des Capitellidés réalisent une fécondation interne par accouplement, tandis que certains Syllidés sont vivipares. La maturité sexuelle s’accompagne, chez plusieurs formes, de modifications morphologiques profondes, entraînant un changement de comportement (épitoquie) : parapodes et soies se transforment en adaptant le Ver à une vie franchement pélagique et nageuse. Enfin, la fécondation peut être précédée de rassemblements immenses d’individus des deux sexes, dont le rythme est souvent lié au cycle lunaire : ainsi, Perinereis cultrifera de nos côtes essaime à la pleine lune de mai ; Eunice viridis (le « palolo » des îles polynésiennes) migre en surface le 7e, le 8e ou bien le 9e jour suivant la pleine lune de novembre.


Reproduction asexuée

Elle est assez répandue et s’effectue soit par scissiparité (le Ver détache ses segments, qui deviennent chacun de nouveaux individus [Dodecaceria]), soit par bourgeonnement linéaire (Autolytus), latéral (Syllis ramosa) ou en rosette terminale (Trypanosyllis).


Écologie

Formes essentiellement marines, les Polychètes abondent dans la zone de balancement des marées et sur le plateau continental. On les trouve rarement à grande profondeur. Parmi les quelques genres franchement pélagiques, on peut citer Alciope, qui nage à la surface de la mer, et le curieux Tomopteris, aux parapodes dépourvus de soies et aplatis comme des rames ; il convient d’y ajouter les Heteronereis et d’autres formes épitoques, dont l’état pélagique est lié à la période reproductrice.

La plupart des Polychètes errants nagent ou rampent dans les herbiers de Zostères, près des rochers, au milieu des Algues ; à marée basse, ils se réfugient dans les fentes, dans les crampons de Laminaires ou s’enfoncent dans le sable. Les genres Nereis, Nephtys, Phyllodoce, Eulalia sont bien représentés dans la zone intertidale, alors que d’autres, comme Aphrodite, se draguent à quelque distance de la côte.

Chez les Sédentaires, quelques exemples montreront la variété du comportement fouisseur ou constructeur.

L’Arénicole, ou « Ver des pêcheurs » (Arenicola marina), forme d’immenses peuplements sur les plages de sable vaseux, où elle signale sa présence par un tortillon de déjections ; celui-ci marque la sortie du tube en U, galerie transitoire dont les parois sont consolidées par du mucus ; en aspirant par sa trompe molle la colonne de sable qui surmonte la tête, le Ver provoque en surface la formation d’un entonnoir.

Le Chétoptère, curieux autant par son corps formé de trois régions distinctes que par la lumière bleutée qu’il émet lorsqu’il est excité, établit un tube parcheminé dans les fonds sableux.

Les Polydora établissent un tube en U à l’intérieur des roches calcaires qu’elles creusent ou se logent dans l’épaisseur de la coquille des Huîtres qu’elles perforent.

Pectinaria vit enfouie dans le sable des plages, laissant dépasser l’extrémité postérieure de son tube conique qu’elle a façonné en cimentant des grains de sable. Clymene édifie également un tube membraneux couvert de sable, mais cylindrique.

La Sabelle et le Spirographe vivent dans un tube à consistance de caoutchouc et imprégné de vase, enfoncé verticalement ; ces Vers laissent dépasser un panache branchial en éventail (Sabella) ou en hélice (Spirographis) et le rétractent au moindre contact.

Les Serpules et les Spirorbes sécrètent un tube calcaire, fixé au substrat (rocher ou pierre, coquille ou Algue) et qu’elles peuvent obturer par un opercule fixé sur la tête ; ce tube est rosé et de forme quelconque chez Serpula, de section triangulaire chez Pomatoceros, enroulé en spire plane, dextre ou sénestre chez Spirorbis.

Les Hermelles (Sabellaria) font des tubes résistants en sable ou en menu gravier ; agglomérés ensemble, ces tubes forment parfois des masses imposantes.