Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pologne (suite)

Mais déjà de nouvelles tendances se font jour. Józef Andrzej Załuski fonde la première bibliothèque publique polonaise ; Stanisław Konarski, réformateur de l’enseignement, lutte contre l’obscurantisme du temps. En 1764, l’avènement du roi Stanislas Auguste Poniatowski donne le signal d’un renouveau dans la culture et dans l’art polonais. L’envahissement progressif du pays par des puissances étrangères (Russie, Prusse et Autriche) entraîne le développement du nationalisme, de l’esprit critique et scientifique. Le périodique Monitor, fondé par le roi, annonce le programme des réformes sociales et culturelles ; le théâtre public, ouvert en 1765, joue les pièces de Franciszek Bohomolec et le répertoire français.

En 1772 a lieu le premier partage de la Pologne. La commission de l’Éducation nationale (1773) procède à des réformes dans l’enseignement, tandis que des écrits satiriques visent la décadence des mœurs et les abus du clergé (la Souriade, la Monachomachie d’Ignacy Krasicki* ; Orgues de Tomasz Kajetan Węgierski ; Histoire de Pologne d’Adam Naruszewicz). Le genre dramatique se développe (comédies de Franciszek Zabłocki). La fable est très à la mode (Adam Naruszewicz, Stanisław Trembecki, Ignacy Krasicki). Krasicki (1735-1801) compose le premier roman polonais moderne, à la fois satirique et éducatif, les Aventures de Nicolas Doświadczyński (1776). Franciszek Karpiński et Franciszek Dionizy Kniaźnin représentent le lyrisme et le folklore en poésie.

À la fin du siècle, les idées de la Révolution française pénètrent en Pologne. Stanisław Staszic et Hugo Kołłątaj, publicistes et écrivains politiques, sont à la tête d’un mouvement réformiste et patriotique. Au théâtre, le Retour du député, de Julian Ursyn Niemcewicz (v. 1757-1841), et Cracoviens et montagnards, opéra-comique de Wojciech Bogusławski (1757-1829), témoignent d’une inspiration nationale.

De graves événements politiques — en 1793, le deuxième partage de la Pologne, en 1795, le troisième — font perdre pour longtemps au pays son indépendance. Toute une littérature patriotique, qui marquera les lettres polonaises, prend alors naissance.


Le xixe et le xxe s.

Le début du xixe s. voit le combat de la pensée rationaliste déclinante (J. Śniadecki, J. Potocki) et du postclassicisme (Alojzy Feliński, Kajetan Koźmian) avec les tendances préromantiques : poèmes nationalistes de Cyprian Godebski, idylles et élégies de Kazimierz Brodziński et de J. U. Niemcewicz, romans sentimentaux font preuve d’un souffle nouveau. Désormais, la littérature ne se sépare plus de la réalité nationale.

Le romantisme est un appel à la lutte pour l’indépendance : l’insurrection de 1830-31 est le point culminant de la révolution romantique ; celle de 1863 et son échec en indiquent la fin. Le romantisme polonais, influencé par la littérature européenne, se développe dans les conditions exceptionnelles d’un pays sous domination étrangère ; c’est l’époque où le génie poétique polonais atteint son apogée.

La publication des Ballades et romances (1822) et du poème dramatique Dziady (les Aïeux) d’Adam Mickiewicz* (1798-1855) en est le tournant décisif vers le romantisme. Varsovie, où la terreur se déchaîne, cesse pour un temps d’être le centre de la vie culturelle ; c’est Paris qui devient le refuge de la grande émigration polonaise du xixe s., c’est à Paris que paraît l’œuvre de Mickiewicz, de Juliusz Słowacki (1809-1849) et de Zygmunt Krasiński (1812-1859). Les poètes romantiques sont les guides et les prophètes de la nation déchirée ; dans la troisième partie des Aïeux (1832), Mickiewicz parle en prophète de la mission de la Pologne martyre, prédestinée à offrir au monde la liberté totale (le messianisme du poète est influencé par le mystique Andrzej Towiański) ; les poèmes dramatiques de J. Słowacki (Kordian, 1834 ; Anhelli, 1838) et de Z. Krasiński (la Non Divine Comédie, 1835 ; Iridion, 1836) traitent, eux aussi, de brûlantes questions nationales. Par la suite paraîtront les poèmes épiques : Pan Tadeusz (Messire Thadée, 1834) de Mickiewicz, Beniowski (1841) et le Roi Esprit (1847) de Słowacki. C’est alors que Cyprian Norwid* (1821-1883) s’établit à Paris : son œuvre en vers (Poésies, 1862) et en prose, presque totalement inédite de son vivant, est celle d’un penseur lucide et d’un grand lyrique, qui annonce la sensibilité moderne.

En Pologne, Wincenty Pol rédige des poèmes consacrés aux insurgés, Teofil Lenartowicz et Władysław Syrokomla composent des pièces folkloriques : l’œuvre poétique de Kornel Ujejski est influencée par celle de J. Słowacki. Dans la prose se signalent Józef Ignacy Kraszewski (1812-1887), auteur de romans historiques et de romans de mœurs, Józef Korzeniowski, Henryk Rzewuski et Teodor Tomasz Jeż (pseudonyme de Zygmunt Miłkowski). Aleksander Fredo (1793-1876) se fait connaître par d’excellentes comédies telles que la Vengeance, Vœux de jeunes filles.

Après l’insurrection nationale de 1863, une réaction contre les élans romantiques se manifeste dans le programme d’une nouvelle école littéraire, dite « positiviste » (1864-1890) ; ses représentants s’efforcent d’élever le niveau économique et culturel du pays. Le rôle de la littérature devient dès lors éducatif, et son caractère prend un tour réaliste et social. Bien qu’il puise son origine dans le sol natal, le nouveau courant est pourtant lié aux tendances littéraires étrangères. Toute une lignée de romanciers et d’essayistes se fait remarquer : ainsi Kraszewski, Jeż, déjà cités, mais aussi Bolesław Prus (1847-1912), Eliza Orzeszkowa (1841-1910) [Sur le Niémen, 1888], Henryk Sienkiewicz* (1846-1916), Aleksander Świętochowski (1849-1938) ; le roman historique joue un rôle de premier plan (la trilogie de Sienkiewicz, vaste panorama de la Pologne du xviie s., 1884-1888 ; les évocations du passé de Kraszewski). Vers 1885 apparaît un groupe d’écrivains naturalistes parmi lesquels il faut nommer Adolf Dygasiński et Gabriela Zapolska.