Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pologne (suite)

Le drame, du fait de la censure politique, n’apporte rien d’original, si l’on excepte les comédies de Józef Bliziński et de Michał Bałucki. La tradition romantique reste encore vivace en poésie (T. Lenartowicz) ; les poèmes philosophiques d’Adam Asnyk, lyriques et humanistes de Maria Konopnicka sont une protestation passionnée contre l’injustice sociale. En France, C. Norwid continue son œuvre de poète et de prosateur.

La crise de la pensée européenne à la fin du siècle entraîne une révolte moderniste. Le mouvement « Jeune Pologne » (1890-1918) est une réaction contre le réalisme en art, un retour au patriotisme et au romantisme. Pourtant, les plus éminents écrivains positivistes continuent leur œuvre, tels Sienkiewicz, qui se révèle un grand créateur avec Quo vadis ? (1896), les Chevaliers Teutoniques (1900), et Prus, qui écrit des romans de mœurs (la Poupée, 1890 ; les Émancipées, 1893) ou traite des problèmes du pouvoir (le Pharaon, 1897).

En poésie, de nouvelles tendances apparaissent. Ses principaux représentants sont Kazimierz Przerwa-Tetmajer (1865-1940) [Poésies, 1894] et Jan Kasprowicz (1869-1926) [Hymnes, 1901] ; Stanisław Przybyszewski (1868-1927) rédige des manifestes et programmes de l’« art pour l’art ». Les poèmes de Leopold Staff (1878-1957) paraissent dès 1900.

Le roman connaît un essor considérable : Stefan Żeromski* (1864-1925) [les Sans-Logis, 1900 ; les Cendres, 1904], Wacław Sieroszewski (1858 : 1945), créateur du roman exotique (À la lisière des forêts, 1898 ; Douze Ans au pays des Iakoutes, 1900 ; le Diable étranger, 1904), Władysław Stanisław Reymont (les Paysans, 1909), Andrzej Strug, Wacław Berent, Władysław Orkan, Józef Weyssenhoff, Maria Rodziewiczówna composent une œuvre durable. Tadeusz Boy Żeleński (1874-1941) se révèle un critique et un traducteur de talent de la littérature française. Presque tous continueront leur activité littéraire à l’époque de l’entre-deux-guerres.

Sur la scène domine la puissante individualité de Stanisław Wyspiański* (1869-1907), écrivain, peintre, réformateur du théâtre ; son œuvre de dramaturge (les Noces, 1901 ; Affranchissement, 1903 ; la Nuit de novembre, 1904) s’impose comme une vision nouvelle des événements survenus en Pologne. G. Zapolska, Tadeusz Rittner et Włodzimierz Perzyński composent des comédies réalistes.

Après plus de cent ans de domination étrangère, la Pologne recouvre en 1918 son indépendance. Les vingt années de liberté de l’entre-deux-guerres (1918-1939) marquent l’épanouissement de la littérature et de la culture polonaises.

En 1924 se forme la section polonaise de Pen-Club. La génération d’écrivains et poètes d’avant la guerre joue d’abord le premier rôle. Mais de jeunes poètes, rassemblés autour du périodique Skamander, apportent le renouveau de la littérature (Julian Tuwim, Antoni Słonimski, Jan Lechoń, Kazimierz Wierzyński, Jarosław Iwaszkiewicz), tandis que les représentants de l’expressionnisme et du futurisme (Emil Zegadłowicz, Julian Przyboś, Adam Ważyk, le théoricien Tadeusz Peiper) et les poètes prolétariens (Władysław Broniewski, Bruno Jasieński) s’efforcent de répondre aux exigences et aux tâches du présent ; vers 1927 naît le groupe Kwadryga (Stanisław Ryszard Dobrowolski, Konstanty Ildefons Gałczyński) ; la poésie féminine, lyrique et sentimentale, est représentée par Kazimiera Iłłakowiczówna et Maria Jasnorzewska-Pawlikowska ; les poèmes de L. Staff et de Bolesław Leśmian dénotent une sensibilité délicate.

Le roman traite des problèmes de la guerre, de l’indépendance, des questions sociales et politiques (Avant le printemps, 1925 de S. Żeromski ; la Génération de Marek Świda, 1925, de A. Strug ; Général Barcz et les Ailes noires, 1923-1925, de Juliusz Kaden-Bandrowski ; la vie des paysans est le sujet des nouvelles de Maria Dąbrowska* (1889-1965). W. S. Reymont (1867-1925), observateur minutieux, obtient en 1924 le prix Nobel.

À côté du théâtre traditionnel naît le drame d’avant-garde, créé par Stanisław Ignacy Witkiewicz (1885-1939), dit « Witkacy », précurseur du théâtre contemporain de l’absurde. Vers 1925, le drame devient symbolique (Jerzy Szaniawski) et psychologique (Zofia Nałkowska). La critique littéraire (Tadeusz Boy Żeleński, Karol Irzykowski) porte sur la littérature un regard lucide.

En 1933, l’Académie polonaise des lettres se constitue. W. Sieroszewski en est le président. Dans les années 1930, le roman prend de multiples formes : politique (Mateusz Bigda, 1933, de J. Kaden-Bandrowski), roman social et roman de mœurs (Gustaw Morcinek, Helena Boguszewska, Pola Gojawiczyńska, M. Dąbrowska [les Nuits et les Jours, 1932-1934]), psychologique (Zofia Nałkowska, Maria Kuncewiczowa, Michał Choromański), historique (Zofia Kossak-Szczucka, Wacław Berent, Teodor Parnicki, Leon Kruczkowski) ; Jan Parandowski écrit des ouvrages sur l’Antiquité grecque et romaine ; S. I. Witkiewicz construit un univers lourd de visions de cauchemar (le Fou et la nonne) ; Witold Gombrowicz* (Ferdydurke, 1938) et Bruno Schulz sont influencés par le surréalisme.

Le reportage se développe (Ksawery Pruszyński, Melchior Wańkowicz) ; romans satiriques (Tadeusz Dołęga-Mostowicz), récits de voyages (Arkady Fiedler), livres pour la jeunesse (Kornel Makuszyński, Gustaw Morcinek, Janusz Meissner, Ewa Szelburg-Zarembina, Jan Brzechwa) traduisent l’épanouissement littéraire de l’époque.

La Seconde Guerre mondiale et l’occupation allemande en Pologne interrompent brusquement la vitalité de la littérature polonaise. La vie culturelle se déroule dans la clandestinité ; de nombreux jeunes prosateurs et poètes se révèlent, parmi lesquels Krzysztof Kamil Baczyński, Tadeusz Borowski, Tadeusz Gajcy, Wacław Bojarski, Tadeusz Różewicz*, Zdzisław Leon Stroiński, Andrzej Trzebiński. Ils sont presque tous soldats de l’Armée de l’Intérieur (Armia Krajowa) et tous, sauf Borowski et Różewicz, assassinés par les Allemands.