Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

plaie (suite)

Évolution bactériologique

Il n’est point de plaie qui soit rigoureusement aseptique. Dans les six premières heures se produit un afflux leucocytaire au voisinage de la blessure ; le gonflement traduit l’œdème local. À cette période, les microbes présents dans la plaie n’ont pas encore commencé à pulluler activement ; après douze heures, la protéolyse tissulaire s’est accentuée, les microbes trouvent des aliments de choix dans ce milieu et se forment de véritables cultures microbiennes qui de proche en proche gagnent les tissus sains avoisinants et finalement l’organisme entier (septicémie, septico-pyochémie, gangrène gazeuse), les germes aérobies (staphylocoques, streptocoques hémolytiques...) s’associent aux anaérobies (Perfringens, Œdematiens...).


Traitement chirurgical

L’ablation chirurgicale des zones dévitalisées, suspectes de souillures bactériennes et de corps étrangers inclus est l’acte thérapeutique essentiel et indispensable. Si la plaie est observée avant le stade d’infection clinique, le « parage chirurgical » excise méthodiquement, plan par plan, tous les tissus contus : pour ce faire, il est souvent nécessaire de recourir à une voie d’abord large (toute exploration au stylet, à la sonde, doit être rejetée). Les bords d’une plaie contuse sont excisés, les lambeaux étroits machurés sont sacrifiés. Au niveau des masses musculaires, l’épluchage de tout le cône d’attribution se fera avec minutie en enlevant tous les corps étrangers. Une hémostase rigoureuse viendra clore ce temps chirurgical, qui doit laisser une plaie sèche et nette. La réparation des lésions comporte d’abord le traitement des lésions musculo-tendineuses, vasculaires, nerveuses qu’on a pu rencontrer au cours de l’exploration. La suture cutanée primitive présente l’avantage de la rapidité de la cicatrisation*, mais, lorsque le danger d’infection est particulièrement à redouter, il ne faut pas hésiter à laisser la plaie ouverte. Dans ce cas, la surveillance clinique et bactériologique devra être stricte et les modalités du pansement* adaptées à chaque circonstance. Cette méthode doit être la règle devant une plaie datant de plus de douze heures ou lorsque l’état local ou général (choc) interdit une exploration chirurgicale réglée. La thérapeutique anti-infectieuse moderne a amélioré considérablement le pronostic : antibiothérapie, sérothérapie antitétanique.

La cicatrisation d’une plaie cutanée, si ses lèvres sont bien accolées (spontanément ou par suture) et s’il n’y a pas d’infection, survient en 6 à 8 jours : c’est la cicatrisation par première intention. Si les lèvres de la plaie restent éloignées l’une de l’autre et s’il y a perte de substance, la guérison est retardée et ne se produit que lentement, par seconde intention, avec apparition de bourgeons charnus qui vont s’organiser et être peu à peu recouverts d’un épiderme néo-formé. Ce mode de cicatrisation est long, et de résultat esthétique médiocre : aussi est-il souvent possible, lorsque tout danger d’infection locale et générale a disparu, de procéder à une suture secondaire après avulsion des bourgeons charnus et exérèse des bords de la plaie. En cas de perte de substance cutanée importante, il faut recourir à des greffes, libres ou pédiculées.

P. D.

plain-chant

Monodie liturgique occidentale sur texte latin.


À une époque où la conservation de la musique sur disques ou sur bandes magnétiques se substitue progressivement aux voies de transmission traditionnelles, il est difficile d’imaginer par quels moyens l’ancien plain-chant a traversé quinze siècles pour parvenir jusqu’à nous. Si d’autre part l’historien réussit à remonter les filières de la tradition écrite et, plus avant, de la transmission orale, il parvient inéluctablement au problème des origines et se pose une question fondamentale : de quelle source découle ce plain-chant qui jusqu’à nos jours a été retenu par l’Église catholique, l’Église anglicane et par divers autres cultes réformés comme la forme musicale la mieux adaptée à la liturgie ?

Il convient d’abord de dissiper une équivoque en rappelant que le plain-chant, tel qu’il se chantait encore partout en France jusqu’à ces dernières années, ne vient pas en droite ligne du Moyen Âge : il est issu d’une restauration archéologique entreprise à l’abbaye de Solesmes durant la seconde moitié du siècle dernier. Au début du xixe s., une coupure irrémédiable avait été accomplie avec le passé médiéval. La tradition orale était alors éteinte. Déjà affaiblie dès le début du xvie s., c’est-à-dire à partir du moment où se répandirent les procédés techniques facilitant la composition, puis la gravure des notes de musique, cette tradition orale s’estompa davantage lorsque parurent les nouvelles compositions dites en « plain-chant mesuré », dues à des ecclésiastiques plus érudits que doués de sens musical — tels Guillaume Gabriel Nivers, le chanoine Jean Lebeuf (1687-1760) et l’abbé Claude Chastelain (v. 1639-1712) — dont les productions se substituèrent à la monodie grégorienne traditionnelle, notamment dès 1681, année de la parution de l’Antiphonaire parisien, tiré à deux cents exemplaires seulement. Enfin, la suppression des cultes sous la Révolution coupa les derniers liens qui auraient pu rattacher les ultimes vestiges de tradition vivante au passé.

En somme, la restauration solesmienne du deuxième tiers du xixe s. partait uniquement des sources écrites — les manuscrits médiévaux notés et les premiers imprimés —, que l’on interprétait, dans la pratique chorale de l’abbaye, par intuition, en chantant avec un débit naturel calqué sur le rythme oratoire de la période latine. Ce chant lié et artistique contrastait singulièrement avec l’exécution saccadée et martelée des vieux chantres de paroisse, soutenus par un instrument étrange, le « serpent », ou ophicléide ! Plus tard, à la suite d’une analyse de cette pratique spontanée, a été édifiée la Méthode raisonnée de plain-chant du chanoine A. Gontier, en 1859, puis en 1880 celle de dom Joseph Pothier (1835-1923), érigée enfin en théorie par dom André Mocquereau (1849-1930) dans le Nombre musical (1908-1927). Pour restaurer les mélodies du plain-chant grégorien, avaient été rassemblés à Solesmes les manuscrits notés conservés aux bibliothèques d’Angers et du Mans et à la Bibliothèque impériale de Paris et enfin ceux de Saint-Gall, plus riches de signes, de nuances que les précédents. L’inventaire et la photographie des manuscrits d’Italie, d’Allemagne et d’Autriche se poursuivirent à partir de 1905. Ils s’achevèrent après 1945 sous forme de microfilms. La plupart de ces documents notés étaient en principe destinés à la consultation et à la collation, afin d’améliorer sans cesse les éditions pratiques. Mais les plus importants d’entre eux furent reproduits en fac-similé à partir de 1889, dans une publication de caractère scientifique, la Paléographie musicale, afin de démontrer au monde scientifique le bien-fondé de la version mélodique restaurée.