Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pie VII (suite)

Le pape, dès son retour à Rome, rétablit la Compagnie de Jésus, le 7 août 1814 ; en 1821, devant les premières menaces du mouvement libéral, il condamne les sociétés secrètes (francs-maçons et carbonari). Car ce qui caractérise l’histoire de l’Église après le congrès de Vienne, c’est la montée des mouvements libéraux, qui, dans la plupart des cas, sont aussi anticléricaux, l’Église romaine leur apparaissant comme une alliée des puissances conservatrices ou opprimantes.

P. P. et P. R.

➙ Concordat / Église catholique / Empire (premier) / Papauté.

 J. O. B. d’Haussonville, l’Église romaine et le premier Empire (Lévy frères, 1868-1870 ; 5 vol.). / J. Leflon, Pie VII (Plon, 1958). / B. Melchior-Bonnet, Napoléon et le pape (le Livre contemporain, 1958).

Pie IX

(Senigallia 1792 - Rome 1878), pape de 1846 à 1878.


Giovanni Maria Mastai-Ferretti est issu d’une famille noble. Ayant souffert d’une maladie nerveuse dans sa jeunesse, il n’est ordonné qu’en 1819. De 1893 à 1895, il est au Chili avec le nonce. Archevêque de Spolète en 1831, il devient évêque d’Imola l’année suivante. Dans cette dernière ville, il se lie avec le comte Giuseppe Pasolini (1815-1876), néo-guelfe qui désire voir se former en Italie une fédération d’États placée sous la présidence morale du pape. Imola est un évêché des États de l’Église : le cardinal Mastai (il reçoit le chapeau en 1840), en opposition aux méthodes surannées de Grégoire XVI et du cardinal Luigi Lambruschini (1776-1854), y montre une tendance réformatrice qui, à la longue, jointe à ses qualités de cœur, lui fera une réputation, un peu factice, de libéralisme.

Grégoire XVI mort, il est élu pape le 16 juin 1846 et prend le nom de Pie IX. Sa grâce, sa simplicité, son sourire lui gagnent d’emblée les cœurs, encore que son impressionnabilité l’incline souvent à l’indécision et aux demi-mesures. Cependant, quand, le 16 juillet, 1846, Pie IX amnistie, dans ses États, les condamnés politiques des années 1831-32, il connaît une grande popularité que viennent renforcer l’ordre de construire des voies ferrées, l’autorisation à certains journaux de paraître, l’introduction de réformes dans la curie. Pie IX passe alors — à tort — pour le promoteur d’un mouvement réformiste qui se répand dans toute l’Italie. Mais ce mouvement est bien vite débordé par le mouvement révolutionnaire (Mazzini), à l’égard duquel Pie IX sera constamment hostile.

Le 6 mars 1848, la municipalité de Rome demande au Saint-Père de pourvoir les États de l’Église d’un gouvernement représentatif et de leur octroyer diverses libertés. Le statut du 14 mars, accordé par Pie IX, est en fait plein de restrictions. Et, quand éclate en Europe centrale et en Italie le mouvement révolutionnaire de mars, Pie IX est plus que réticent : le 29 avril, il refuse de participer à la guerre nationale contre l’Autriche ; le 15 novembre, le comte Pellegrino Rossi, Premier ministre des États de l’Église, est assassiné ; le lendemain, l’insurrection se déchaîne, assiégeant le pape au Quirinal.

Le 24 novembre 1848, Pie IX se réfugie à Gaète, dans le royaume de Naples ; de là, le 4 décembre, il invite la chrétienté à l’aider à recouvrer son pouvoir temporel. Car Rome est maintenant aux mains des révolutionnaires ; ceux-ci proclament la République romaine, dont la constitution garantit d’ailleurs l’indépendance spirituelle de la papauté. Pie IX ne peut s’en contenter, et c’est la France qui se charge de lui ouvrir la route du retour : en juillet 1849, le général Oudinot, à la tête du corps expéditionnaire français, pénètre dans Rome, où Pie IX ne se décide à rentrer que le 12 avril 1850.

Désormais, le vrai maître du gouvernement pontifical — qualifié de réactionnaire — sera le cardinal Giacomo Antonelli (1806-1876), secrétaire d’État de 1849 à sa mort. L’ascendant sur Pie IX de ce personnage n’aura d’égal que l’influence, à partir de 1850, de la revue des Jésuites, La Civiltà Cattolica, organe officieux du Saint-Siège. Durant vingt ans, la « question romaine » empoisonne les rapports de la papauté avec le Piémont, puis avec le jeune royaume d’Italie, avide de faire de Rome sa capitale. Dans cette lutte tantôt sournoise, tantôt violente, jouent un rôle capital l’habileté bonhomme de Cavour* et la politique double de Napoléon III*. Elle aboutira, le 20 septembre 1870, à la prise de Rome par les Italiens.

L’autorité qu’il perd sur le plan temporel, Pie IX la regagne sur le plan spirituel. Partout, l’ultramontanisme triomphe du gallicanisme, du joséphisme, de fébronianisme. Si, en Allemagne, par la volonté de Bismarck, éclate le Kulturkampf*, la lutte ne peut se terminer que par le renforcement de l’esprit romain. La dévotion, parfois excessive, que l’Église manifeste au « pape persécuté » amène la chrétienté à se tourner de plus en plus fréquemment vers Rome et à revêtir l’autorité pontificale d’un prestige inconnu jusque-là.

Tout naturellement, Pie IX est amené à intervenir avec force dans la vie des Églises nationales, en France notamment. Par tempérament, il incline à favoriser les catholiques intransigeants « intégraux » — Mgr Pie, Louis Veuillot et l’école de l’Univers — au détriment des prélats et des catholiques libéraux : Dupanloup, Darboy, Montalembert, Falloux et l’école du Correspondant. La liturgie — grâce à dom Guéranger — et la mentalité romaine supplantent peu à peu les coutumes gallicanes.

L’autorité pontificale contribue aussi au renouveau catholique dans des pays où le protestantisme est prédominant : les Pays-Bas, l’Angleterre (la hiérarchie catholique y est rétablie en 1850) et les États-Unis. D’autre part, les missions étrangères prennent un grand développement. L’importance croissante du rôle du pape dans l’Église est mise en relief par la proclamation, le 8 décembre 1854 (bulle Ineffabilis Deus), du dogme de l’Immaculée-Conception et plus encore par la définition de l’infaillibilité pontificale en matière doctrinale au Ier concile du Vatican* (18 juill. 1870).