Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pie VII (suite)

En juillet, Pie VII rentre à Rome ; Bonaparte, vainqueur à Marengo, lui a fait savoir qu’il désire traiter avec lui afin de rétablir la religion en France. Consalvi, nommé cardinal et secrétaire d’État, et Giuseppe Spina (1756-1828), qui a accompagné Pie VI en France, sont chargés des négociations. Celles-ci sont ardues et Consalvi vient lui-même négocier à Paris avec Bonaparte. Le Concordat* est enfin signé le 15 juillet 1801 et ratifié à Rome le 15 août.

Les difficultés proviennent notamment des anciens évoques français émigrés, auxquels Pie VII, par le bref Tam multa, réclame la démission de leurs sièges afin de réunir, selon la volonté de Bonaparte, l’épiscopat d’Ancien Régime et celui qui est issu de la Révolution. Mais, le 27 septembre, la plupart des évêques émigrés à Londres refusent de se soumettre. En définitive, quarante-six évêques donnent leur démission, mais trente-six la refusent, et Pie VII doit les déposer. De même, les anciens évêques constitutionnels sont mis dans l’obligation de rétracter leurs erreurs passées.

Ainsi, paradoxalement, Bonaparte, dans son désir de mener à bien la restauration de la religion, investit la papauté du pouvoir de déposer les évêques français ; c’est la ruine complète des anciennes libertés gallicanes et, pour l’avenir, un gage d’accroissement considérable de la puissance pontificale.

Le cardinal Giovanni Battista Caprara (1733-1810), nommé légat a latere, est désigné pour venir présider en France au rétablissement du culte. Mais, auparavant, Bonaparte adjoint au Concordat des « Articles organiques » (avr. 1802) qui ont pour but de prévenir tout empiétement du Saint-Siège sur le clergé français : interdiction de recevoir tout acte de la Cour de Rome sans l’autorisation du gouvernement, défense à l’épiscopat français de se réunir en synode ou en concile sans l’aveu du pouvoir, obligation d’enseigner dans les séminaires les Quatre Articles de 1682, etc.

Malgré ces réticences et la mauvaise volonté des évêques constitutionnels à se rétracter, on parvient à un accord définitif ; le 18 avril 1802, jour de Pâques, le culte catholique est solennellement rétabli au cours d’une cérémonie à Notre-Dame de Paris. Cependant, par un savant calcul, le Premier consul fait des évêques français des « préfets violets » étroitement dépendants du pouvoir ; en compensation, les simples prêtres (curés, vicaires, desservants) sont abandonnés à leur arbitraire. Ainsi, le pouvoir se garde en haut et en bas contre toute tentative de rébellion ou d’indépendance de la part de son clergé. Un traité analogue est signé avec la République italienne en septembre 1803.

Après l’établissement de l’Empire en France, Napoléon Ier, qui veut donner à son couronnement le plus grand éclat et faire consacrer la nouvelle dynastie qu’il désire fonder, fait venir le pape à Paris pour qu’il le couronne empereur (2 déc. 1804).

Des frictions ne tardent pas à se produire entre les deux puissances. En 1805, Pie VII refuse à Napoléon l’annulation du premier mariage de son frère Jérôme. Le pape, en effet, s’il est d’un naturel doux et accommodant, se montre intransigeant sur toutes les questions qui concernent la foi et les mœurs. Napoléon, pour marquer son déplaisir, fait alors occuper militairement le port d’Ancône, qui appartient au pape : geste qui blesse fortement Pie VII.

En 1806, les différents États italiens sont distribués à des membres de la famille Bonaparte, et Napoléon s’empare de certains territoires pontificaux (Marches, Bénévent, Pontecorvo) : Pie VII proteste vainement ; puis il refuse d’entrer dans le système du Blocus continental et de fermer ses ports aux Anglais ; en effet, il désire maintenir la neutralité du Saint-Siège dans le grand conflit qui bouleverse l’Europe. Napoléon fait alors occuper Rome par ses troupes (févr. 1808). La rupture est consommée lorsque Pie VII se décide, le 10 juin 1809, à excommunier Napoléon Ier.

Alors l’Empereur fait enlever de Rome le pape et son ministre, le cardinal Bartolomeo Pacca (1756-1844), en juillet 1809. Pie VII est interné à la chartreuse de Florence, puis à Grenoble et enfin à Savone. En février 1810, les États du pape sont réunis à l’Empire français. Le pontife, se considérant comme un prisonnier, refuse d’accorder les bulles de confirmation aux évêques nouvellement nommés. Il s’ensuit un état de trouble dans l’Église de France auquel Napoléon essaie de remédier par un concile national.

En novembre 1811, Pie VII cède et confirme de nouveaux évêques. Après la désastreuse campagne de Russie, Napoléon songe à un rapprochement avec le pape, qui a été conduit de Savone à Fontainebleau (juin 1812). Des négociations s’ouvrent au début de 1813 et, le 25 janvier, Pie VII signe un nouveau concordat avec l’Empereur qui lui ôte en fait le pouvoir exclusif d’instituer les évêques et toute puissance temporelle. Quelque temps après, sous l’influence des cardinaux Pacca et Consalvi, le pape se rétracte (mars 1813), mais Napoléon affecte d’ignorer ce fait.

Après la chute de Napoléon, Pie VII regagne l’Italie ; il entre à Rome le 25 mai 1814. Le congrès de Vienne lui restitue ses États, moins Avignon et le comtat Venaissin, qui restent à la France. Durant les Cent-Jours, le pape, qui craint de nouveau d’être pris en otage, quitte Rome pour Gênes.

Après Waterloo, Pie VII donne asile à Rome à la mère de l’empereur, Letizia, et à son oncle, le cardinal Fesch ; seul des souverains d’Europe, il intercède auprès des Alliés pour qu’ils adoucissent le sort du captif de Sainte-Hélène.

À Rome, Pie VII consacre les innovations législatives et administratives édictées par le gouvernement français et qui donnent satisfaction aux Romains. Il s’attache à définir les rapports de l’Église et des États européens en signant de nombreux concordats : avec la Bavière et le royaume de Piémont-Sardaigne en 1817, avec Naples et la Russie (pour la Pologne) en 1818. En 1821, le roi de Prusse obtient également un concordat pour ses possessions d’États catholiques. Avec la France de Louis XVIII, Pie VII entretient d’excellents rapports, mais un nouveau concordat, en 1817, ne reçoit pas d’exécution à cause de l’opposition de la Chambre des députés.