Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pie V (saint) (suite)

Moine intransigeant, réformateur austère, le pontife ne possède pas les qualités qui caractérisent les grands politiques. Aussi, dans ses rapports avec les souverains étrangers, ne sait-il pas toujours éviter les conflits. Si l’Empire se montre docile, en Espagne la monarchie continue à opposer aux décrets du pape les « libertés espagnoles » : les évêques du pays refusent de publier les bulles pontificales (bulle In Coena Domini de 1566), ou bien ils les passent sous silence (bulle De salute gregis de 1567 contre les courses de taureaux).

En 1570, l’excommunication et la déposition de la reine d’Angleterre, Élisabeth Ire, n’ont d’autres conséquences pratiques que d’aggraver les mesures prises par elle contre les catholiques anglais.

Cependant, c’est à l’instigation de Pie V et grâce à son zèle que la croisade contre les Turcs aboutit, en 1571, à la bataille de Lépante, c’est-à-dire au triomphe momentané de l’Occident chrétien sur l’islām.

Le pape meurt peu après, le 1er mai 1572. Il sera béatifié cent ans plus tard et canonisé par le pape Clément XI en 1712.

P. P. et P. R.

 L. Browne-Olf, Sword of St Michael, Saint Pius V (Milwaukee, 1943). / G. Grente, le Pape des grands combats, St Pie V (Fayard, 1956).

Pie VI

(Cesena 1717 - Valence, France, 1799), pape de 1775 à 1799.


Giannangelo Braschi naît dans une famille noble, mais sans fortune. Protégé par le cardinal Tommaso Ruffo, il devient secrétaire du pape Benoît XIV, puis trésorier de la Chambre apostolique (1766).

Sous Clément XIII (1758-1769), Braschi joue un rôle modérateur dans l’affaire des Jésuites, et il conseille au pape de les réformer plutôt que de les supprimer. Mais Clément XIV, cédant aux pressions des souverains, se décide à dissoudre l’ordre des Jésuites ; Braschi, qu’il a fait cardinal (1773), en héberge un certain nombre dans son palais. Aussi, à la mort du pape, va-t-il recueillir les fruits de sa modération. La succession de Clément XIV est difficile, les souverains ne voulant à aucun prix d’un pape « zelante » qui aurait rétabli les Jésuites ; Braschi, bien vu des deux partis et qui est de plus ami du cardinal de Bernis, l’ambassadeur de France, est élu le 15 février 1775 ; il prend le nom de Pie VI.

Le nouveau pape se montre bon administrateur, intègre et zélé, quoique assez mondain. Il entreprend l’assèchement des marais Pontins, tâche colossale devant laquelle ont reculé ses prédécesseurs ; il a à cœur de soulager la misère du peuple et il protège les frères des Écoles chrétiennes, qu’il charge de l’éducation des enfants du peuple romain.

Cependant, son pontificat va être l’un des plus tumultueux de l’histoire. Pie VI a d’abord à faire face au joséphisme (v. Joseph II). Il se résout à aller trouver l’empereur à Vienne en 1782 ; il est reçu avec honneur, mais il n’obtient rien sur le fond. Après la mort de Joseph II en 1790, Léopold II adoptera une attitude plus modérée. Pie VI condamne également le fébronianisme, qui est une sorte de gallicanisme allemand.

En Toscane, l’évêque de Pistoia et de Prato, Scipione de’ Ricci (1741-1809), mène lui aussi une action antiromaine inspirée par les idées jansénistes. En 1786, le synode diocésain de Pistoia présidé par Ricci répand ses idées, mais l’année suivante à Florence la majorité de l’épiscopat toscan rejette les décisions de Pistoia, et, en 1794, le pape condamne la doctrine de Ricci par la bulle Auctorem fidei (v. jansénisme).

La Révolution française de 1789 provoque d’autres difficultés. Pourtant, Pie VI au début se montre tolérant ; il ne réagit pas à la confiscation des biens du clergé ni à la suppression des revenus pontificaux en France. La Constitution civile du clergé (12 juill. 1790) le trouve d’abord hésitant, et Louis XVI, fort de ce silence, signe le décret qui l’établit ; ce n’est que le 10 mars 1791 que Pie VI condamne cette constitution par le bref Ali quantum (v. Église constitutionnelle). La République française coupera les ponts avec Rome : renvoi du nonce, annexion d’Avignon et du comtat Venaissin, etc.

Pie VI, qui a condamné secrètement l’exécution de Louis XVI (bref Quare illacrimas) et recueilli dans ses États plus de 4 000 prêtres français, finit par reconnaître la république par la bulle Pastoralis sollicitudo du 5 juillet 1796. Le Directoire* n’en fait pas moins envahir les États de l’Église par les soldats de Bonaparte. Les troupes pontificales écrasées à Faenza, le pape doit signer le traité de Tolentino (19 fév. 1797) qui le dépouille de la Romagne et d’Ancône.

L’assassinat, le 28 décembre 1797, d’un Français, le général Léonard Duphot, qui appartient à la suite de l’ambassadeur de France Joseph Bonaparte, fournit au Directoire un prétexte pour annexer Rome et proclamer la République romaine (15 févr. 1798). Pie VI est arrêté et exilé à Sienne, puis à la chartreuse de Florence.

Au début de 1799, les armées russo-autrichiennes menaçant l’Italie, le Directoire décide de faire conduire le pape en France. En avril, le pontife, âgé de plus de quatre-vingts ans et paralysé d’une jambe, gagne la frontière par Parme et Turin. Il passe le Montgenèvre sur un simple brancard et arrive à Briançon en mai 1799 ; en juillet, il est à Valence, où les foules l’accueillent avec vénération. Logé à la citadelle, Pie VI y meurt dès le 29 août 1799. Après le Concordat, Pie VII fera transporter le corps de son prédécesseur à Saint-Pierre de Rome.

P. P. et P. R.

➙ Directoire / Église constitutionnelle / Jansénisme / Joseph II / Papauté.

Pie VII

(Cesena 1742 - Rome 1823), pape de 1800 à 1823.


Bénédictin à seize ans, Gregorio Luigi Barnaba Chiaramonti devient abbé de Saint-Calixte à Rome (1775) ; son parent Pie VI le fait évêque de Tivoli (1782), puis évêque d’Imola et cardinal (1785). Après la mort de Pie VI en France, les cardinaux se réunissent à Venise, alors possession impériale : à l’issue d’un long conclave, et grâce à l’influence d’Ercole Consalvi (1757-1824), secrétaire du conclave, Chiaramonti est élu pape le 14 mars 1800 ; il prend le nom de Pie VII en mémoire de son prédécesseur.