Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Philippe III

(Madrid 1578 - id. 1621), roi d’Espagne, de Portugal, de Naples, de Sicile, de Sardaigne, duc de Milan de 1598 à 1621.


Fils de Philippe II et de sa quatrième et dernière femme, Anne d’Autriche, il monte sur le trône à l’âge de vingt ans.


La politique intérieure

Philippe III, monarque sans volonté et sans énergie, grand amateur de chasse, de théâtre et de fêtes populaires, laissera entièrement le gouvernement entre les mains de Francisco de Sandoval y Rojas (1553-1623), marquis de Denia, puis duc de Lerma (1599), politicien d’une moralité douteuse qui subit l’influence de Rodrigo Calderón (v. 1570-1621), marquis de Siete Iglesias. En 1618, le duc de Lerma sera remplacé par son fils Cristóbal, duc d’Uceda († 1624).

La politique suivie par ces favoris ne peut qu’entraîner le déclin de la puissance espagnole tant sur le plan international qu’à l’échelon national. Le pays, exsangue et lourdement grevé d’impôts, s’appauvrit ; les fonds publics sont gaspillés en fêtes qui éloignent chaque jour davantage le souverain de sa tâche et de son devoir de chef d’État.

Bien qu’ils se soient convertis depuis de longues années au christianisme, un grand nombre de morisques restent profondément attachés à l’islām et entretiennent d’excellentes relations avec les pirates barbaresques et avec la France. Le duc de Lerma prend la résolution de les expulser tout d’abord de Valence (1609), puis du reste de l’Espagne. C’est ainsi que 500 000 morisques, pour la plupart anciens cultivateurs du Bas-Aragon et de la région de Valence, émigrent vers l’Afrique, aggravant encore la situation de l’agriculture, guère florissante à ce moment-là.

Malgré cette décadence évidente, le règne de Philippe III marque l’apogée des lettres espagnoles, puisque c’est alors que sont créées les grandes œuvres de Cervantès, de Quevedo et de Lope de Vega.


La politique extérieure

La lutte contre l’Angleterre se poursuit jusqu’à la mort d’Élisabeth Ire. Jacques Ier, qui succède à cette dernière, signe en 1604 avec l’Espagne une paix qui est maintenue pendant tout le règne de Philippe III.

En France, Henri IV tente d’entraver la politique espagnole aux Pays-Bas et en Italie, mais, lorsqu’il disparaît (1610), sa veuve Marie de Médicis change complètement d’attitude. Deux mariages sont concertés : celui de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, fille du roi d’Espagne, et celui du prince Philippe avec Élisabeth de France, fille d’Henri IV.

En Italie, les troupes espagnoles doivent affronter le duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie et résister aux ambitions de la république de Venise.

La cession que Philippe II a faite à sa fille Isabelle Claire Eugénie ne met pas fin à la guerre aux Pays-Bas. Maurice de Nassau, chef des rebelles calvinistes, est vainqueur à la bataille de Nieuport (ou des Dunes, 1600). Les Espagnols, placés sous le commandement du Génois Ambrogio de Spinola (Ambrosio de Spínola, 1569-1630), remportent cependant quelques victoires ; ils s’emparent notamment d’Ostende en 1604. Mais l’état des finances ne permet pas à l’Espagne de poursuivre son offensive. En 1609 est signée à Anvers la trêve de Douze Ans, qui reconnaît pratiquement l’indépendance des Provinces-Unies.

À la fin de son règne (1619), Philippe III prend part à la guerre de Trente Ans en venant en aide à l’empereur Ferdinand II.

Parmi les huit enfants que Marguerite de Styrie a donnés à Philippe III, l’aîné va devenir roi d’Espagne (Philippe IV) ; Ferdinand, archevêque de Tolède et cardinal ; Anne, reine de France ; Marie, impératrice.

R. G.-P.

 J. Yáñez, Memorias para la historia de Don Felipe III (Madrid, 1723). / M. Danvila y Collado, La expulsión de los moriscos españoles (Madrid, 1889). / P. Boronat y Barrachina, Los moriscos españoles y su expulsión (Valence, 1901). / E. C. Lea, The Moriscos of Spain, their Conversion and Expulsion (Philadelphie, 1901 ; nouv. éd., New York, 1961). / J. M. García Rodríguez, Ambrosio Spínola y su tiempo (Barcelone, 1942). / C. Muñoz Rocatallada, Ambrosio Spínola (Madrid, 1942). / V. Palacio Atart, Derrota, agotamiento, decandencia en la España del siglo XVII (Madrid, 1949). / C. Pérez Bustamante, Felipe III. Semblanza de un monarca y perfiles de una privanza (Madrid, 1950). / M. J. Pérez Martín, Margarita de Austria, reina de España (Madrid, 1961).

Philippe IV

(Valladolid 1605 - Madrid, 1665), roi d’Espagne de 1621 à 1665.



L’homme

Fils aîné de Philippe III et de Marguerite de Styrie (1584-1611), il a seize ans quand il succède à son père. Il a épousé en 1615 Élisabeth de France (1603-1644), fille d’Henri IV, qui lui donnera plusieurs filles, dont Marie-Thérèse, qui épousera Louis XIV, et un seul fils, le prince Balthazar Charles, qui mourra en bas âge. Cinq ans après le décès de la reine, Philippe III se remariera avec sa cousine Marie-Anne d’Autriche (1634-1696) : ils auront pour enfants Marguerite, future impératrice d’Autriche par son mariage avec Léopold Ier, Philippe Prospère, qui ne vivra que quelques années, et le futur Charles II d’Espagne. On attribue à Philippe IV d’innombrables aventures et plusieurs enfants naturels, le seul légitimé étant Juan José d’Autriche (1629-1679).

Souverain très cultivé, le roi d’Espagne réunit une riche collection de tableaux, qui se trouve maintenant au musée du Prado, et protège le peintre Vélasquez ; sous son règne, la littérature espagnole connaît une grande période.

Philippe IV confie une grande partie de ses pouvoirs à des favoris (le comte-duc d’Olivares, puis Luis Méndez de Haro), mais son sens de la responsabilité ne fait que croître au cours des années.


Le comte-duc d’Olivares

En 1621, Gaspar de Guzmán, comte-duc d’Olivares (1587-1645), se charge des affaires publiques sur l’ordre du roi. Cadet d’une famille andalouse, il s’attaque résolument à la mauvaise administration des ducs de Lerma et d’Uceda, favoris de Philippe III, et tente d’enrayer la décadence de l’Espagne. Ses entreprises ne sont pas couronnées de succès, et ses décisions ne sont pas toujours suffisamment réfléchies, mais il faut reconnaître que c’est le dernier homme d’État au service de la maison d’Autriche qui ait essayé véritablement de redonner à son pays le prestige qu’il est en train de perdre.

Malheureusement, Olivares n’est pas conscient du fait que l’Espagne n’a pas les moyens matériels et financiers suffisants pour maintenir son hégémonie en Europe et que les nouveaux conflits internationaux vont entraîner la ruine de sa patrie. Disgracié en 1643, il est remplacé par son neveu Luis Méndez de Haro (1598-1661).