Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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perversité et perversion (suite)

Certains pervers vivent en solitaires ou dans des bandes organisées. Leurs perversions (v. plus loin) sont constantes et bien en rapport avec leur personnalité : homosexualité avec prosélytisme, détournement de mineurs, pédophilie, fétichisme, sadisme, gérontophilie, viol, vol sous toutes ses formes, calomnie, scandale, vandalisme, incendie, agression physique ou morale (torture, crime, homicide), simple parasitisme socio-familial, utilisation distordue des lois en vigueur à des fins personnelles, toxicomanies multiples.

Chez les femmes, la perversité prend les formes plus subtiles et généralement plus passives : théâtralisme, mythomanie, séduction maligne, prostitution inavouée, escroquerie, parasitisme, abus de confiance ; l’émotivité, toute de surface, cache une inaffectivité totale.

Il faut souligner que les notions de perversité et de déséquilibre caractériel ne se confondent pas totalement. De nombreux pervers sont effectivement des personnalités psychopathiques désadaptées qui finissent à l’hôpital psychiatrique ou en prison. D’autres sont des paranoïaques dangereux. Mais il y a aussi des pervers camouflés, contrôlés, ce qui implique parfois une certaine réussite sociale, un équilibre de l’humeur et du caractère relativement stable, une intelligence redoutable.

D’autre part, le tableau caricatural et univoque du pervers décrit plus haut doit être quelque peu nuancé.

• Il existe d’abord chez l’enfant des comportements pervers conditionnés par le milieu ou réactionnels à une situation familiale ou scolaire pathogène. Ce type de perversité réactionnelle est modifiable, accessible à la psychothérapie, à la chimiothérapie et à des mesures médico-sociales. Néanmoins, il est très difficile de distinguer du point de vue du pronostic l’enfant pervers qui le restera à l’âge adulte de l’enfant passagèrement pervers. Les arriérés mentaux peuvent avoir un noyau pervers, mais leurs limites intellectuelles les rendent peu dangereux.

• Chez l’adulte même, on connaît depuis longtemps, à l’orée de certaines décompensations névrotiques, de certaines dépressions et surtout dans les psychoses aiguës (accès maniaque, bouffée délirante), les psychoses chroniques (schizophrénie, délire chronique) et la démence atrophique ou sénile, des comportements pervers très sensibles aux thérapeutiques modernes. Il est évident que toute psychose au sens strict avec attitude perverse de la part du malade, tout affaiblissement intellectuel avéré organique effacent la responsabilité pénale du sujet, mais ce sont les cas les plus rares.

• Insistons sur l’apparition, chez l’adulte alcoolique chronique, d’une perversité plus ou moins précoce, malheureusement très répandue. À une époque où l’information fait tant de cas des ravages de certaines drogues majeures, on oublie trop que l’alcoolisme aigu ou chronique demeure de très loin la toxicomanie la plus grave, la plus sournoise, la plus socialement admise et aussi celle qui extériorise le plus des tendances perverses qui seraient restées latentes ou absentes chez certains individus.

• On peut citer au passage une catégorie de pervers dits névrotiques, qui, selon certains psychanalystes, seraient accessibles à la psychothérapie. En fait, les éléments de culpabilité, d’angoisse, de masochisme qui les définissent sont plus que contestables. À vrai dire, ou bien ce ne sont pas de vrais pervers, ou bien, plus encore, ce sont des pervers pseudo-névrotiques qui, sous le masque de « pleurnicheries bourrelées de remords », de démonstrations autopunitives, restent d’une froideur affective et d’une malignité inamendables. La répétition d’actes pervers au cours de l’existence est là pour le démontrer.


Les perversions

La perversion est classiquement une déviation des tendances instinctives. Il s’agit d’une conduite anormale par rapport au comportement de l’ensemble des individus d’une société donnée, aux règles morales et aux conventions de celle-ci. La déviation viole plus ou moins les interdits et les tabous sociaux, et prend fréquemment en pratique l’aspect d’un comportement antisocial, asocial ou marginal. En réalité, la normalité en matière de tendances instinctives est une notion qui varie selon l’âge de l’individu, la société dont celui-ci fait partie, l’époque historique, le contexte culturel ambiant. Ce qui se juge comme perversion dans nos sociétés occidentales n’est pas toujours tenu pour tel dans d’autres groupes socio-ethniques. De plus, les psychanalystes ont montré que l’enfant normal peut présenter en germe ou en comportements ébauchés et passagers des déviations instinctives liées aux étapes successives de son développement sexuel.


Perversions non sexuelles

Les perversions du comportement alimentaire ou « oral » sont de divers types. La boulimie accompagnée ou non de voracité avec gloutonnerie est un excès plus ou moins incoercible dans l’ingestion alimentaire, souvent anarchique, désordonnée. Elle correspond à des flambées de l’appétit observées dans bien des névroses (hystérie), des déséquilibres, des psychoses ou des démences (frontales en particulier). On en rapproche la sitiomanie (impulsion à engloutir d’énormes quantités d’aliments), la phagomanie (habitude de manger sans impulsion ni véritable besoin). Citons encore la coprophagie (ingestion de matières, non pathologique chez l’enfant jeune), le mérycisme (régurgitation avec rumination d’aliments précédemment ingérés), la géophagie (absorption de terre et de cailloux), le pica (mâchonnement et déglutition de toutes sortes d’objets non comestibles).

Dans le domaine de la soif, on peut citer : la dipsomanie, trouble d’allure cyclique avec besoin brusque impérieux d’absorber de grandes quantités d’alcool ; la potomanie, ingestion quotidienne d’énormes quantités d’eau ou de boissons diverses, en principe non alcooliques (à distinguer du vrai diabète insipide) ; surtout les toxicomanies (alcoolisme, tabagisme, éthéromanie, l’usage de toutes les drogues fumées ou bues ou mâchées). Il ne faut pas confondre à ce propos toxicomanie vraie par drogue ou alcool et traitement médicamenteux médicalement prescrit. On a trop tendance à crier au scandale quand un patient prend de manière prolongée un traitement psychotrope bien ordonné et précis, et à sourire complaisamment en face de l’alcoolisme sous toutes ses formes, infiniment plus destructeur et pourvoyeur de déchéances.