Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Peruzzi (Baldassare) (suite)

Tout en restant dans le sillage des Siennois et de Raphaël, mais plus décorateur, Peruzzi allie en effet un habile maniement de la perspective à une grande sensibilité des valeurs colorées comme de celles qui ont été acquises au contact de la sculpture antique. Dans les années 1515, on le trouve à Rome, où il peint à fresque dans l’église Santa Maria della Pace (chapelle Ponzetti notamment), et à Carpi, où il est l’architecte de la nef de l’église San Niccolo et surtout de la cathédrale, au plan si personnel.

Peruzzi a-t-il vraiment réagi en peinture contre le maniérisme*, tout en lui restant attaché par ailleurs ? Bien des points restent obscurs dans une œuvre abondante et variée, alliant l’ornement et la théorie architecturale à la science de l’ingénieur ; la dernière réalisation de l’architecte en témoigne. Le palais Massimo alle Colonne, à Rome, a sa façade bombée selon l’inflexion de la rue, offrant pour tout accident l’ombre de son portique. Cela suffit à centrer et stabiliser suivant une trame triangulaire une composition aux éléments uniformes (travées rythmées en bas, fenêtres identiques sous leur corniche à consoles, baies d’impostes oblongues, distinguées de celles de l’attique par un entourage de « cuirs ») qui annonce par sa continuité les recherches les plus avancées de la fin du xviiie s. ; mais on y chercherait en vain un parti baroque ou même une tension quelconque dans les volumes intérieurs, réglés par une calme ordonnance toscane.

Même si, en date, l’œuvre du Siennois se situe entre celles de Raphaël et de Michel-Ange*, elle échappe par bien des points au contexte romain et correspond plutôt à une tendance qui sera celle de Palladio*.

H. P.

 W. W. Kent, The Life and the Works of Baldassare Peruzzi of Siena (New York, 1925). / C. L. Frammel, Die Farnesina und Peruzzis architektonisches Frühwerk (Berlin, 1961). / H. Wurm, Der Palazzo Massimo alle Colonne (Berlin, 1965).

perversité et perversion

Les notions de perversité et de perversion ne sont pas exactement superposables ni synonymes dans tous les cas.



Les pervers, la notion de perversité

Le pervers ou la perverse est un individu au sens moral nul ou faible. Il ne s’agit pas tant, en règle générale, d’un malade que d’un anormal. Il y a là une nuance primordiale, car les sujets anormaux ne relèvent pas exclusivement du cadre de la psychiatrie, alors que les malades mentaux ou neuropsychiques en sont l’objet.

Le pervers est en effet un déviant social, il s’écarte des lois, des moyennes et des règles sociales ou collectives. Mais cette définition est insuffisante : il faut y adjoindre la notion de malignité, de plaisir à commettre des actes antisociaux ou de plaisir à nuire à autrui. La perversité peut être gratuite (le mal pour le mal avec satisfaction) ou intéressée.

On a tour à tour désigné dans le passé du nom de pervers des dégénérés moraux, des déséquilibrés, des personnalités psychopathiques diverses, des asociaux et l’on se perd en conjectures pour savoir dans quelle mesure il s’agit d’une anomalie constitutionnelle (congénitale ou héréditaire) ou acquise par l’éducation.

Quoi qu’il en soit, la perversité consiste en une attitude anormale de l’« esprit » faite de malignité dans la conception d’un acte et sa réalisation, qui peut être permanente ou occasionnelle. On appelle malignité une disposition active et lucide à faire le mal intentionnellement en utilisant intelligence et imagination.

Le pervers au sens classique et schématique présente depuis la plus lointaine enfance, parfois seulement à la puberté ou à l’adolescence, des troubles graves du caractère et du comportement social, souvent dissimulés et dépistés occasionnellement au hasard des circonstances par la famille, un éducateur, un étranger. Il semble que les origines de ces troubles se perdent soit dans des mécanismes génétiques ou chromosomiques, soit très tôt dans l’élevage au cours de la toute première enfance, voire dans une affection neurologique acquise qui en favorise l’éclosion (cas le plus rare).

Quand on les observe de très près, ces sujets apparaissent comme insensibles à l’amour, au respect, aux punitions, à la douleur des autres et parfois même à leur propre douleur. Leur sentiment de culpabilité, inhérent à la nature humaine, est nul ou absent. Leurs démonstrations théâtrales et superficielles à ce propos peuvent tromper l’observateur. Le phénomène primordial est bien l’absence de résonance profonde de l’angoisse de culpabilité, la superficialité non intégrée du devoir, de l’effort, du service à rendre à toute collectivité. C’est pourquoi se développent très tôt l’indiscipline avouée ou cachée, l’obstination dans un travers comportemental donné, la révolte sourde ou ouverte, l’impulsivité, l’impatience plus ou moins maîtrisée à satisfaire des désirs agressifs ou des plaisirs divers. Les pervers tyrannisent volontiers leurs parents, leurs frères et sœurs, les animaux, les responsables institutionnels, les éducateurs et, plus tard, de préférence les adultes ou les jeunes faibles et doux. Cyniques et mythomanes, ils finissent (pas toujours) par se faire exclure des différents groupes sociaux (école, famille, métier, partis politiques, œuvres collectives) dont ils font partie. Leur agressivité et leur impulsivité les poussent à satisfaire leurs instincts sans mesure. Le seul frein qu’ils connaissent est la punition légale, mais dans ses aspects purement formels.

Les pervers ne sont ni délirants ni déments. En revanche, ils peuvent avoir des troubles de l’humeur et du caractère. Leur intelligence est en règle générale normale ou supérieure ; elle est parfois limitée et présente alors les caractéristiques de la débilité légère. Tous les auteurs classiques et même les psychanalystes (notion de pervers polymorphe) ont été frappés par l’existence d’un noyau caractériel fait d’inaffectivité, de rétivité, de malignité, de distorsion du sens moral (quelle que soit la signification que l’on donne à ce dernier terme). Ce noyau conditionne l’inadaptation sociale ou une adaptation déloyale fondée sur l’écrasement sournois de l’entourage.