Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Perret (Auguste) (suite)

Comme beaucoup d’architectes du début de ce siècle parvenus à leur maturité à la veille de la Première Guerre mondiale, Perret a été très tôt dépassé par l’apparition de courants plus modernes, et son œuvre analytique, dans la tradition rationaliste d’un Viollet-le-Duc ou d’un Guadet, s’est prolongée en dehors des courants novateurs de l’entre-deux-guerres, sans aucun pouvoir de renouvellement ; aussi s’est-elle lentement desséchée, se rapprochant chaque jour un peu plus des courants néoclassiques officiels diffusés par l’École nationale des beaux-arts de Paris. Il reste que la pensée de constructeur d’Auguste Perret (reprise dans son livre Contribution à une théorie de l’architecture, 1952) aura été très en avance sur celles de son temps, préparant les voies de la préfabrication* contemporaine. En cela, il s’est bien montré l’héritier de la tradition française, dont les qualités de clarté et de logique structurelle font la réputation séculaire à l’étranger. Mais il a aussi manifesté les profondes difficultés que notre pays a rencontrées sur le plan social et culturel pour dépasser ses traditions et s’intégrer au monde contemporain.

F. L.

 P. Jamot, Auguste et Gustave Perret et l’architecture du béton armé (Van Oest, 1927). / E. N. Rogers, Auguste Perret (Milan, 1955). / B. Champigneulle, Perret (Flammarion, 1959). / P. Collins, Concrete, the Vision of a New Architecture (Londres, 1959).

Perrin (Jean)

Physicien français (Lille 1870 - New York 1942).



Sa vie et sa carrière

Le père de Jean Perrin est un officier d’infanterie sorti du rang, issu d’une famille paysanne de la région de Saint-Dié, et sa mère, originaire de Boulogne-sur-Mer, est apparentée à Frédéric Sauvage, inventeur de l’hélice marine. Jean fait ses études au lycée de Lyon, ville où son père, qui tient garnison, va bientôt mourir, mais où il demeure avec sa mère et ses deux sœurs aînées ; il y montre d’égales aptitudes pour les lettres et pour les sciences. C’est finalement vers celles-ci qu’il s’oriente et il va suivre à Paris la classe de mathématiques spéciales au lycée Janson. Il y a pour condisciple Armand Duportal, dont, quelques années plus tard, il épousera la sœur Henriette.

Reçu en 1891 à l’École normale supérieure, il y reste, en 1895, attaché comme agrégé préparateur. Entouré de camarades qui partagent son enthousiasme et sa foi dans la destinée de la science, tels le biologiste Noël Bernard et le physicien Paul Langevin*, il se consacre à la recherche scientifique, mais s’intéresse aussi aux questions politiques et sociales qui agitent alors l’opinion. Il ne se liera jamais à un parti politique, mais sera socialiste, au sens le plus large du terme.

Ses travaux l’ont déjà fait connaître et, en 1898, il est chargé de créer l’enseignement de la chimie physique à la faculté des sciences de Paris. Son cours est d’une extraordinaire qualité et d’une beauté de style remarquable. Accordant une large place aux hypothèses atomiques et aux théories cinétiques, il doit aussi y exposer la thermodynamique, ce qui l’amène à publier en 1901 un livre, les Principes, conçu dans un esprit très personnel. En 1910, il obtient une chaire à la Sorbonne et va y professer jusqu’en 1940.

Mobilisé comme officier du génie pendant la Première Guerre mondiale, il est ensuite attaché au service qui poursuit les recherches utiles à la Défense nationale ; c’est ainsi qu’il s’intéresse au problème du repérage par le son et qu’il imagine à cet effet divers dispositifs acoustiques.

Puis il revient à ses travaux scientifiques et, en 1923, il est élu membre de l’Académie des sciences.

Désirant hâter les progrès de la science, dont il entrevoit les immenses possibilités, il contribue largement à la fondation du Centre national de la recherche scientifique et, pour la populariser, il crée, en 1937, le palais de la Découverte. En 1936, il est devenu sous-secrétaire d’État à la Recherche scientifique dans le cabinet Léon Blum du Front populaire.

Après le désastre de 1940, appelé par plusieurs universités américaines, il se rend aux États-Unis, où il retrouve son fils Francis, et il prend la direction de l’université française de New York. Il épuise ses dernières forces en défendant l’honneur de la France et meurt loin du sol natal. Mais, en 1948, ses cendres seront transférées au Panthéon.


Son œuvre scientifique

Parmi les expériences qui, de 1895 à 1910, ont établi de façon indubitable l’existence d’une structure discontinue de la matière et de l’électricité, plusieurs, et des plus probantes, sont l’œuvre de Jean Perrin.

À vingt-cinq ans, il débute de façon éclatante en montrant que les rayons cathodiques, dont on discute alors la nature, sont les trajectoires de corpuscules d’électricité négative. Cette expérience cruciale, dans laquelle il recourbe ces trajectoires grâce à l’action d’un aimant, va faire naître une science nouvelle, l’électronique.

Puis il montre que les rayons X, que vient de découvrir Röntgen*, rendent les gaz conducteurs en créant des ions et en libérant des électrons.

Mais il cherche surtout à établir une preuve directe de l’existence des atomes et des molécules. C’est alors qu’il pense qu’une émulsion de granules tous identiques doit se comporter comme une solution de molécules géantes, à laquelle peut s’appliquer la loi de compressibilité des gaz. Ces granules, que leur poids entraîne vers le bas, mais que l’agitation thermique disperse continuellement, doivent se répartir comme les molécules de l’atmosphère. Perrin réussit en 1908 à déterminer cette répartition, grâce à l’observation au microscope, et il en déduit la valeur du nombre d’Avogadro.

Cependant, cette seule expérience ne saurait lui suffire ; il brûle d’en confirmer le résultat par d’autres, mettant en jeu des phénomènes différents. C’est ainsi qu’il étudie le mouvement brownien ; puis, en 1913, il établit que les lames minces ont une structure stratifiée et tire de cette observation la valeur du diamètre des molécules.

Ces expériences mémorables, pour lesquelles lui sera décerné, en 1926, le prix Nobel de physique, sont exposées dans son ouvrage de 1913, les Atomes, devenu l’un des grands classiques de la science.

À propos de l’atome, on doit encore signaler que, dès 1901, Perrin a été le premier à l’assimiler à un système solaire en miniature.

En 1920, il fait observer que la perte d’énergie subie par la matière, quand l’hydrogène se transforme en hélium, permet seule de rendre compte du rayonnement solaire, et il envisage l’utilisation de l’énergie nucléaire.

De 1920 à 1930, ses recherches, auxquelles participe son fils Francis, portent principalement sur l’interaction de la lumière et de la matière, sur la fluorescence et les réactions photochimiques.

Perrin était affable et bienveillant, optimiste et enthousiaste. Le regard lumineux de ses yeux bleus, l’auréole d’argent de ses cheveux entourant son vaste front d’ivoire lui donnaient une allure de prophète. Nul ne pouvait rester insensible à l’extraordinaire rayonnement qu’il dégageait.