Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Perpignan (suite)

Le musée Hyacinthe-Rigaud, installé dans l’hôtel (xviiie s.) de l’ancienne université, conserve des peintures des primitifs catalans et des toiles de Hyacinthe Rigaud*, l’illustre peintre de Louis XIV, né à Perpignan : portraits du cardinal de Bouillon, du cardinal de Fleury et de l’artiste lui-même. Deux créations majeures d’un autre Catalan, Aristide Maillol*, la Méditerranée et Vénus, ornent la cour de l’hôtel de ville et la place de la Loge, où se danse toujours la sardane.

J. P.

 H. Chauvet, les Monuments de Perpignan (Impr. du Midi, Perpignan, 1959).

Perrault (les frères)

Claude (Paris 1613 - id. 1688) et Charles (Paris 1628 - id. 1703) ont attaché leur nom à deux réalisations hors pair ; Claude, le médecin, à la colonnade du Louvre, « œuvre magistrale du classicisme » comme l’a écrit l’architecte Jean Trouvelot ; Charles, écrivain et fonctionnaire, au recueil des Contes de ma mère l’Oye (1697), le « livre le plus célèbre de notre littérature » au dire de Marc Soriano.


En sont-ils entièrement les auteurs, et quelle est, pour la colonnade, la part respective des deux frères ? S’agit-il d’une « mystification », d’une « diabolique escroquerie » ? De toute importance pour l’évolution architecturale des années 1660, le problème reste posé ; car, faute de pouvoir échapper à la personnalité raisonneuse de Charles, le conteur (« nous dirons toujours des raisons, ils diront toujours des injures »), il semble impossible d’aborder les Perrault sans passion.

Ils étaient cinq, fils d’un avocat tourangeau fixé à Paris, étroitement unis et curieux de nouveautés, instables sous des dehors basochiens, et jansénistes (ce qui vaudra à Nicolas [v. 1611 - v. 1661], le docteur en théologie épris de mécanique, d’être expulsé de Sorbonne en 1656 pour avoir pris la défense du Grand Arnauld). Charles reste dix ans au service de l’aîné (Pierre [1608-1680], receveur des finances de la Ville), qui l’introduit chez Fouquet. À trente-cinq ans, il devient secrétaire de la Petite Académie (future Académie des inscriptions et belles-lettres) et premier commis du surintendant des Bâtiments. Sa position privilégiée auprès de Colbert* va lui permettre à son tour d’aider son frère Claude, intéressé par la physique et les sciences naturelles. Il le fait entrer à l’Académie des sciences en 1666 et utilise ses talents de dessinateur pour étudier avec lui l’architecture. Claude va pouvoir mettre au point leurs propositions communes pour le frontispice est du Louvre, participer aux travaux du petit conseil de 1667 avec Le Vau* et Le Brun* et, à partir de ce travail d’équipe, édifier la colonnade, la façade sud, traitée en pilastres sur le même thème, ainsi que le « troisième ordre » sur la cour Carrée (1667-1674). Poursuivant son étonnante fortune, il l’emporte aussi pour le projet d’arc triomphal au faubourg Saint-Antoine (rappel de l’are antique de Reims, dont Charles a présenté le relevé à l’Académie royale d’architecture) et pour la réalisation de l’Observatoire, en 1669. Il présente même, à cette date, un aménagement du grand appartement de Versailles et publie, en 1673, sa célèbre traduction de Vitruve*. Claude meurt trop tôt pour se voir mis en cause dans la querelle des Anciens* et des Modernes, opposant son frère Charles à Boileau*. D’Orbay (v. Le Vau) disparaîtra à son tour sans avoir confirmé les accusations de Boileau selon lesquelles la colonnade n’était pas de Perrault (à la suite de quoi la rumeur publique l’avait attribuée à D’Orbay) ; et le dossier constitué par Charles pour défendre son frère brûlera avec les Tuileries en 1871... (v. T. Sauvel, « les Auteurs de la colonnade du Louvre », dans Bulletin monumental, 1964).

Quoi qu’il en soit, la colonnade demeure. Utiliser un portique en façade, ou même le traiter comme une loge, une galerie d’étage, n’était certes pas une idée nouvelle ; ce qui est neuf, c’est la plénitude de l’effet obtenu. Par son escarpe (qu’a révélée le creusement du fossé en 1964) et son soubassement, par ses abouts cubiques et son corps central où la porte n’est qu’accident et soulève à peine en fronton l’horizontale du toit, la façade du Louvre est un mur. Mais ce mur est percé d’ombre : deux péristyles qu’une ordonnance de colonnes jumelées tempère et anime dans la lumière du matin. Le thème, dont la puissance a frappé les contemporains et fut largement repris (pour ne citer que Paris, depuis la place Louis-XV de Gabriel* jusqu’au Grand Palais), répondait à une structure audacieuse, une stéréotomie de voûtes plates équilibrées par des tirants de fer* forgé. Il ne s’agit plus là de palliatifs, mais d’un emploi raisonné de la pierre armée, destinée à s’épanouir avec Soufflot* et le néo-classicisme, puis à donner naissance au béton armé. Parenté naturelle ou parrainage, la colonnade du Louvre est tout autant science et poésie, c’est-à-dire architecture.

H. P.

 A. Hallays, Essais sur le xviie s., les Perrault (Perrin, 1925). / M. Soriano, les Contes de Perrault, culture savante et traditions populaires (Gallimard, 1968) ; le Dossier Charles Perrault (Hachette, 1972).

Perret (Auguste)

Architecte français (Ixelles, Bruxelles, 1874 - Paris 1954).


Révolutionnaire dans son matériau, académique dans son vocabulaire, Perret est certainement l’un des architectes les plus mal compris et les plus mal jugés du xxe s. Il est pourtant très significatif dans ses goûts et dans ses formes de la mentalité française en matière d’architecture, attaché à un rationalisme de la distribution et de la structure, à une logique de l’ornement qui, à travers Viollet-le-Duc*, remontent jusqu’à François Blondel (1705-1774) et à l’Académie du xviie s.

Auguste Perret était le fils d’un entrepreneur de maçonnerie réfugié en Belgique à la suite de la Commune. Après des études interrompues à l’École nationale des beaux-arts de Paris — le jeune homme en rejette violemment l’esthétique académique, dans la lignée des Duban et des Lefuel, et ne s’intègre même pas à l’enseignement de Julien Guadet (1834-1908), son patron d’atelier, pourtant assez proche de sa propre philosophie (il est rationaliste et franc-maçon) —, Auguste Perret s’associe avec ses deux frères, Gustave (1876-1952) et Claude (1880-1960), en créant une entreprise de maçonnerie spécialisée dans les applications du béton armé, matériau alors révolutionnaire.