Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Perpignan (suite)

Au temps du Grand Schisme, Perpignan sert de refuge à Benoît XIII. Quand le concile de Pise (1409) le dépose, Ferdinand Ier d’Aragon (depuis la fin du royaume de Majorque, le Roussillon dépend de nouveau-du roi d’Aragon) et l’empereur Sigismond se rendent à Perpignan en 1415 pour tenter d’obtenir son ralliement au pape légitime. En vain, Benoît XIII part alors pour Peñíscola (Espagne).

En 1463, les armées de Louis XI commandées par Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, entrent dans la capitale du Roussillon. Comme le gouverneur Bernard d’Oms abandonne le roi de France pour celui de Castille, Louis XI reconquiert Perpignan le 10 mars 1475. Charles VIII la rend à Ferdinand d’Aragon avec tout le Roussillon en 1493. Les fortifications de Perpignan sont renforcées par les Espagnols, mais la vie économique s’étiole. Disettes et épidémies se succèdent, notamment de 1629 à 1631, où l’on enregistre 4 000 décès.

Profitant du différend qui oppose Barcelone à Madrid, Richelieu entreprend la conquête du Roussillon. Le 9 septembre 1642, la garnison espagnole capitule. Le traité des Pyrénées de 1659 consacre son annexion à la France. Louis XIV le place sous l’autorité d’un gouverneur et l’administration d’un intendant. Louis XV rénove l’université de Perpignan. L’intendant Raymond de Saint-Sauveur, le comte de Mailly, lieutenant général, entreprennent des travaux d’urbanisme : élargissement de rues, création d’un jardin des plantes, construction d’une école militaire et de bâtiments universitaires.

Pendant la Révolution, Perpignan, devenue chef-lieu du département des Pyrénées-Orientales, connaît des troubles, en particulier pendant la semaine sainte de 1792, au moment de l’expulsion des prêtres réfractaires. Le représentant Birotteau et le maire Lucia, favorables aux Girondins, s’opposent à la politique unitaire de la Convention, mais les Montagnards l’emportent par la Terreur : les églises sont fermées et la guillotine fonctionne tandis qu’éclate la guerre avec l’Espagne. Avec Thermidor, puis le Consulat, le calme revient. Sous l’Empire, la ville souffre du Blocus.

Pendant la monarchie de Juillet et la IIe République, le républicain François Arago* domine la vie politique de la région. Perpignan accepte mal le coup d’État du 2-Décembre, mais la résistance républicaine est brisée. La profonde transformation agricole du département pendant le second Empire, avec l’extension du vignoble et des cultures maraîchères, enrichit Perpignan, qui devient un important marché agricole. Les crises de la viticulture, à la fin du xixe et au xxe s., y sont vivement ressenties, mais le développement des vergers d’abricotiers et de pêchers du Roussillon contrebalance, en partie, leurs effets. Ville refuge pour de nombreux républicains espagnols au lendemain de la victoire franquiste, Perpignan sera pendant l’occupation un centre de transit de résistants en partance pour l’Afrique par les Pyrénées et l’Espagne.

J. P.

➙ Languedoc-Roussillon / Majorque / Pyrénées-Orientales / Roussillon.

 V. Crastre, Catalogne, des Corbières à l’Èbre (Horizons de France, 1959). / Roussillon (Horizons de France, 1966). / M. Durliat, Languedoc méditerranéen et Roussillon (Arthaud, 1968).


L’art à Perpignan

Le palais des rois de Majorque, au centre de la citadelle de Charles Quint, remanié par Vauban et restauré d’une manière exemplaire à partir de 1941, est le monument le plus imposant de Perpignan. Jacques Ier de Majorque en décida la construction dès 1276 ; Pierre IV d’Aragon le fortifia et l’embellit au milieu du xive s. L’austère porche d’entrée donne accès à la cour d’honneur carrée, bordée de bâtiments d’une robuste élégance, qui constitue un cadre idéal pour des festivals de théâtre. La façade du fond est composée de deux galeries superposées, celle du bas aux larges cintres, celle du haut aux fines arcades gothiques. Deux arcs d’une grande portée encadrent les portes des deux chapelles superposées. La chapelle haute, avec son porche en plein cintre de marbres blancs et rouges alternés et sa nef gothique aux chapiteaux historiés, est une réussite d’harmonie. La rigueur d’un style gothique très dépouillé fait la beauté de la grande salle de Majorque et des appartements de la reine. Perpignan a gardé d’autres œuvres de l’architecture civile du Moyen Âge : la Loge de mer, au cœur de la cité, bel édifice des xive et xve s. aux fenêtres gothiques couplées ; le massif Castillet, forteresse de briques rouges abritant un musée des Arts et Traditions populaires ; la porte Notre-Dame ; l’hôtel de ville, ancien consulat des xve et xvie s. ; le palais de la Députation ; les maisons médiévales et Renaissance Julia, Xancho et de l’Inquisition.

Saint-Jean-le-Vieux, église romane à trois nefs, est le plus ancien édifice religieux de Perpignan. Un Christ bénissant, râblé, au lourd visage carré, vêtu d’une robe aux amples plis, occupe son porche sud en marbre de Céret. La cathédrale Saint-Jean (xive-xve s.), commencée sous le règne de Sanche de Majorque et l’épiscopat de Bérenger d’Elne, compte parmi les meilleures réalisations du gothique méridional avec sa nef unique longue de 80 m, large de 18,30 m, épaulée par de robustes contreforts intérieurs entre lesquels se nichent des chapelles pourvues de remarquables retables en bois sculpté. De toutes les grandes œuvres que le Juste crucifié a inspiré à des artistes, le célèbre « Dévot Christ » sculpté sur bois qui figure dans une chapelle attenante à la cathédrale est l’une des plus poignantes. La tête, creusée par une souffrance intolérable, s’incline sur la poitrine, du tronc saillent les côtes, les mains et les pieds se crispent, c’est un corps vidé, épuisé de douleur.

L’église de la Réal (xive s.), gothique à une nef, possède une très belle mise au tombeau en bois polychrome du xvie s. et des sculptures sur bois du maître roussillonnais du xviiie s. : Joseph Sunyer.