Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Perpignan

Ch.-l. du départ. des Pyrénées-Orientales* ; 107 971 hab. (Perpignanais).
Dernier maillon vers le sud du réseau urbain du Languedoc-Roussillon*, tout près de la frontière espagnole, la capitale de la Catalogne française se trouve totalement excentrée, à un millier de kilomètres de Paris, mais à moins de 200 km de Barcelone. La ville est profondément liée à ses campagnes, la plaine du Roussillon, et à la région historique catalane.



La géographie

Depuis 1954, l’essor de la population est particulièrement rapide ; on comptait seulement 70 000 habitants à cette date, mais déjà 86 000 en 1962. De 1954 à 1968, la ville a accru sa population de moitié. Dans le passé, la progression a été plus discontinue ; au xixe s., la croissance est régulière, mais lente, égale à celle des campagnes roussillonnaises. Un changement fondamental intervient à la veille de la Première Guerre mondiale, et désormais seule la ville bénéficie de gains. À l’heure actuelle, elle enregistre un taux de croissance qui est le double du taux départemental, et ces effets se répercutent sur les villages de la périphérie : Saint-Estève, Baho, Cabestany, qui traduisent un étalement en tache d’huile de l’urbanisation autour de Perpignan. L’essentiel du phénomène est dû aux courants migratoires, souvent liés à des circonstances politiques particulières, extra-métropolitains (les rapatriés d’Afrique du Nord) ou extra-nationaux (les Espagnols). Avec la masse des naturalisés, c’est 15 p. 100 de la population qui est originaire d’Outre-Pyrénées. Au lendemain de la guerre civile d’Espagne, la colonie ibérique dépassait 20 000 individus, soit à cette époque le tiers de la population de Perpignan ; mais pour plus des deux tiers il s’agissait d’une immigration de Catalans, venus s’établir en voisins.

La croissance urbaine, longtemps gênée par la puissance militaire (révélée encore par le Castillet et la citadelle), montre une série d’étapes. Sous le second Empire, la ville fortifiée, cernée de remparts et de glacis inconstructibles, est constellée extra-muros d’une série de hameaux, Saint-Gaudérique, Le Vernet, et d’un habitat dispersé dans la huerta, à l’exemple des jardins Saint-Jacques, habités par les maraîchers. L’arrivée du chemin de fer (1862) donne naissance au quartier de la gare et favorise l’implantation de maisons basses occupées par des cheminots ou des commerçants à Saint-Assiscle. La démolition des remparts en 1904 favorise la mise en place d’une ceinture de boulevards et la construction d’immeubles de rapport sur le boulevard Wilson. Entre les deux guerres, on assiste à la densification du domaine bâti, à l’expansion de lotissements anarchiques, à la construction des premiers ensembles d’H. B. M. (Habitations à bon marché) des années 1930. La restructuration actuelle s’appuie sur la mise en place de quartiers nouveaux, dont l’ensemble du Moulin-à-Vent : près de 3 000 logements déjà réalisés pour une dizaine de milliers d’habitants, avec des façades blanc et ocre et des matériaux rustiques, des arcades et des loggias dans un site agréable bien équipé et qui regroupe également les installations universitaires. Perpignan est désormais entrée dans une phase active d’organisation de son espace urbain, mais il reste à rénover les quartiers paupérisés et insalubres de l’ancienne ville close. Dans le même temps, l’ancien chef-lieu, voué essentiellement au rôle de marché agricole, est devenu, en dépassant le seuil des 100 000 habitants, une agglomération où s’affirment les fonctions tertiaires.

L’image léguée par le xixe s. est désormais en train de se périmer (celle d’une préfecture rurale dont les seules petites industries reposaient sur la transformation des produits du sol, à la fois centre administratif, commercial et résidentiel pour les propriétaires roussillonnais). À l’heure actuelle, Perpignan a confirmé son rôle de carrefour sur la grande voie de migration touristique de l’Europe ; mais, depuis l’ouverture de l’aérodrome de Gérone, les charters britanniques et allemands n’atterrissent plus à Llabanère. Le trafic aérien est toujours alimenté par les produits de qualité de la huerta, car Perpignan conditionne et commercialise les fruits et légumes. La population active manque de débouchés sur place, et la seule usine importante en dehors de l’industrie du bâtiment est celle des poupées Bella. Détachée désormais de l’agriculture, Perpignan cherche sa voie et aspire à être la capitale d’une région plus autonome, moins soumise aux influences de Toulouse et de Montpellier. Les contacts avec Barcelone ne cessent de se multiplier, non plus uniquement sur le plan culturel, mais également économique (projets d’implantation d’usines). L’ouverture de la frontière qui découlerait de l’entrée de l’Espagne dans le Marché commun placerait Perpignan dans l’orbite économique de la métropole catalane.

R. D. et R. F.


L’histoire

À l’aube de l’âge roman, les comtes de Roussillon s’installent en un lieu dit « Villa Perpiniani », mais le premier document qui permet d’établir l’existence de Perpignan, c’est la charte de Pierre II d’Aragon du 23 février 1197 donnant droit à la population d’élire des consuls. À partir de 1172, le Roussillon*, par legs du dernier comte, était entré dans le royaume d’Aragon*. Perpignan participe à la renaissance urbaine qui marque l’Occident des xiie et xiiie s. Capitale du royaume de Majorque* de 1276 à 1344, la ville devient un centre important d’industries du cuir et surtout de la laine au point de compter 400 « parayres » (pareurs de draps) et d’exporter ses productions, par Colioure, en Catalogne, en Sicile, en Sardaigne et même jusqu’à Constantinople. D’étroites relations commerciales se nouent avec Barcelone, Valence et Montpellier. Le Consulat de mer, créé en 1388, la Loge de mer, édifiée à partir de 1397, témoignent de sa vitalité économique.